Sidati Mohamed Abdellahi El Ghellaoui, ancien ambassadeur du polisario à Rome, qui a regagné la mère-patrie en juillet dernier, expose ses convictions sur la marocanité du Sahara et l'évolution de ce dossier. ALM : Vous êtes au Maroc depuis juillet dernier, après plusieurs années à l'étranger, quelle idée faites-vous à présent de votre pays ? Sidati Mohamed Abdellahi : J'estime que mon retour était une réussite et que l'image que je porte actuellement sur mon pays est bien meilleure que celle dont je disposais lorsque j'étais à l'étranger. Comme vous le savez, j'ai vécu en Europe, j'étais ambassadeur du Polisario à Rome, auprès du Vatican, de Malte, de la Grèce et de l'Italie. J'entendais parler du processus démocratique, je suivais à travers la presse ce qui se passait au Maroc. Et je dois dire à présent qu'effectivement nous vivons dans un pays démocratique. Les débats parlementaires, les dernières élections et leurs résultats, et plus particulièrement les résultats des élections concernant les provinces marocaines sahariennes, le nombre des candidats qui se sont présentés dans ces régions et leurs appartenances politiques, tous ces faits m'incitent à avoir une image positive sur le pays. Cette image se renforce, également, au vu des projets de développement dont bénéficient les populations des régions sahariennes, comme c'est le cas pour l'inauguration de logements en faveur des habitants de Laâyoune, Dakhla, Boujdour et autres. A cela, s'ajoutent le progrès et l'essor dont jouit l'ensemble des régions marocaines dont, à titre d'exemple, les grands projets touristiques en cours dans le Nord du Royaume qui bénéficient d'un financement européen et d'une coopération italienne et espagnole. Dans cette logique de développement, il y a lieu de signaler l'importance du projet de code de la famille et ses répercussions en termes d'équité sociale. Et comment voyez-vous l'évolution du dossier ? En ce qui concerne la situation politique de ce qu'il convient d'appeler le dossier du Sahara marocain, et à la lumière de mon expérience, de ma profonde connaissance de ce dossier et de mes nombreuses rencontres avec le secrétaire général des Nations Unies, je vois que la solution adéquate et conforme à la logique politique internationale ne pourra que s'inscrire dans le cadre de la souveraineté nationale du Maroc. D'abord, il est impossible d'imaginer la création d'un Etat microscopique, en plus en Afrique ; alors que cet Etat ne dispose pas des éléments de sa survie et de sa subsistance sur le plan économique. Un tel scénario serait en contradiction avec la logique des grands blocs qui prévaut dans le monde. L'Union européenne est en passe de réunir en son sein une trentaine d'Etats, dont chacun d'eux dispose de ses propres éléments de subsistance, et parmi lesquels on trouve l'Allemagne avec ses 80 millions d'habitants, la France (plus de 50 millions) et l'Italie (60 millions). En bref, le monde d'aujourd'hui cherche la complémentarité politique, économique et sociale et non les scissions. Et qu'en est-il des Nations Unies? Politiquement, l'ONU parle du principe de l'autodétermination qui ne signifie pas forcément la séparation vis-à-vis du Maroc, étant donné que chaque citoyen a le droit de choisir la solution qui lui convient. Nous, en tant que sahraouis marocains, avons déjà fait le choix. Dans cet ordre, il est à préciser que le qualificatif de sahraouis ne s'applique pas seulement aux habitants des camps des réfugiés qui se trouvent en Algérie. Sous le vocable de Sahraoui, on évoque aussi les populations de Laâyoune, Dakhla, Boujdour, Smara, etc… Sachant que la majorité des Sahraouis se trouvent dans ces régions, y compris pour ceux qui sont cités dans le recensement espagnol de 1974. De surcroît, les dernières déclarations observées au niveau des Nations Unies et à l'issue des rencontres qui ont eu lieu avec SM le Roi, à New York et au Mexique, notamment celle du président américain qui consiste à ne rien imposer aux parties concernées, vont dans le sens de la confirmation d'une solution de cette question dans le cadre de la souveraineté marocaine. Quelle est la situation actuelle du Polisario ? La situation est dramatique. A présent, les membres du polisario tiennent un congrès et sont partagés entre ceux qui appuient le Plan Baker et ceux qui le rejettent. Mais, partant de ma connaissance du sujet, je dois dire que ce front ne peut rien faire en dehors de la stratégie établie par l'Algérie, c'est elle qui pense pour lui et lui dicte ce qu'il devrait faire. En bref, je peux dire que tout manque dans les camps et les familles n'attendent que l'occasion pour rejoindre leurs proches. Pour ma part, je vous jure que depuis mon arrivée au Maroc, personne ne m'a interrogé pour me dire quoi que ce soit. Je suis libre et je circule librement. Quel est votre commentaire sur le dernier rapport de la Fondation « France libertés » ? Le retour à la réalité est une vertu. France Libertés a passé plusieurs années à soutenir le Polisario. Un fait auquel nous avons largement participé. Que Dieu nous pardonne. Mais, aujourd'hui, le voile est tombé et le Polisario n'est plus en mesure de porter le masque de la victime, un rôle qu'il a toujours joué. Le rapport de FL jette la lumière sur la réalité des faits. Un mot sur l'avenir ? Le monde d'aujourd'hui n'a plus besoin de points supplémentaires de tension et la raison veut qu'il y ait plus de volonté et d'initiatives pour le progrès, la stabilité et la paix que pour les conflits et la tension. Je vois l'avenir du Sahara dans le cadre de la souveraineté nationale du Maroc et de la démocratie. Un cadre où chaque citoyen marocain sahraoui serait à même de gérer ses affaires, selon les spécificités de sa région et ses propres besoins.