Au-delà de la question d'insécurité, les vrais problèmes de la ville émanent de la tension qui existe entre les autorités élues et les pouvoirs publics. Une crise suscitée par certaines décisions prises par le maire de la ville. Vendredi 19 novembre, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a procédé à la nomination d'un nouveau préfet de police à la tête de la sûreté régionale de Fès à la place de Mohamed Serghini. Le nouveau préfet, qui n'est autre que l'ex-directeur de la sécurité royale, Mokhtar Kacimi Bekkali, assume ainsi la direction de la police de la ville à un moment délicat marqué par l'escalade des protestations populaires contre la montée de la criminalité notamment dans l'ancienne médina. En effet, cette nomination est intervenue au moment même où une réunion était tenue, vendredi, au siège de la wilaya de Fès entre les autorités locales et certains représentants des habitants de l'ancienne ville pour débattre de la situation d'insécurité dont se plaignent ces derniers. Présidée par le wali de la région Fès-Boulemane, Ahmed Arafa, la rencontre a réuni tous les responsables de la ville ainsi que des commerçants et des représentants des amicales des quartiers de la médina. Côté autorités, ont pris part à la réunion notamment le procureur du Roi près la Cour d'appel de Fès, le préfet de la sûreté régionale, le président du conseil de la ville, les élus et d'autres personnalités. Dans leurs interventions, les responsables ont passé en revue toutes les questions concernant la sécurité dans la médina et les moyens déployés par les autorités locales pour assurer la sécurité des citoyens. À cette occasion, le wali a rappelé les mesures qui ont été prises pour renforcer la sécurité ainsi que les moyens qui seront déployés prochainement. Parmi ces mesures, il a informé les présents que 200 agents des forces de l'ordre à l'instar de ceux qui opèrent dans les villes de Rabat et de Casablanca sont en cours de formation et seront, dès décembre prochain, déployés à Fès. Il s'agit des nouveaux Groupes urbains de sécurité (GUS) qui viennent d'être créés par la DGSN et qui constituent un nouveau corps d'élite de la police ayant pour mission de combattre la criminalité et d'assurer une meilleure proximité avec les citoyens. Le wali a aussi informé les habitants de la prochaine création de nouveaux postes de police. De son côté, le procureur du Roi près la Cour d'appel de Fès, Abdelaziz Bouziane, a réitéré l'entière disposition de la justice de collaborer avec l'ensemble des représentants des amicales de quartiers pour lutter contre l'insécurité et combattre toute forme de délinquance. Toutefois, le représentant du ministère public a signalé que la criminalité dont les causes sont diverses existe partout ailleurs précisant que la ville de Fès ne connaît pas une grande criminalité. Rappelons que cette réunion a été tenue sur initiative de la wilaya de Fès suite à l'organisation, mercredi dernier, par les habitants de la médina de Fès d'une marche vers le siège de la wilaya de la région Fès-Boulemane, afin de dénoncer la flambée de la criminalité dans les quartiers de l'ancienne ville. Il s'agit, selon les organisateurs de la marche, des actes de pillages et d'agressions à l'arme blanche perpétrés des délinquants qui s'attaquent aux habitants, aux commerçants ainsi qu'aux visiteurs de la médina, ce qui porté préjudice à l'économie de la ville. Toutefois, si les revendications exprimées par les représentants des associations de commerçants et des habitants de la ville sont certes légitimes, il y a lieu de s'interroger sur l'ampleur qui a été donnée à cette affaire. En effet, l'ampleur de la marche, son organisation et sa synchronisation ont été d'une précision étonnante sachant que les organisateurs affirment qu'il s'agissait d'une réaction spontanée. Ce qui n'est pas l'avis des connaisseurs des dossiers qui pensent plutôt à une manifestation téléguidée. En tout cas, ceux qui ont marché sur la wilaya savaient ce qu'ils voulaient à savoir la tête du préfet puisque toutes les interventions tournaient autour d'un prétendu laxisme des autorités policières. Or, les problèmes de sécurité sont liés à d'autres facteurs dont la situation sociale explosive dont un taux de chômage qui bat tous les records due notamment à la détérioration de l'économie de la ville. D'ailleurs, dans leurs interventions, certains organisateurs de la marche ont dénoncé l'absence de l'éclairage public des quartiers de la médina affirmant que les délinquants profitent de cette situation pour perpétrer leurs forfaits. Ce qui signifie que la responsabilité des autorités élues était aussi engagée dans cette recrudescence de la criminalité. Ce qui n'est pas l'avis du président du Conseil de la ville, l'Istiqlalien Hamid Chabat, qui s'est érigé, lors de la réunion tenue à la wilaya, en tant que défenseur des intérêts des habitants rejetant toute la responsabilité sur les autorités locales. Une attitude qui ne surprend pas ceux qui connaissent les dessous de la politique locale à Fès. Faut-il rappeler que le maire de la ville est entré, depuis plusieurs mois, en conflit avec les autorités de tutelle dont le wali et le préfet de police ? S'agissant de ses relations avec le wali, les derniers mois ont été marqués par une tension grandissante due notamment à la fermeté dont fait preuve le wali face à certains projets de la mairie jugés non-conformes à la loi en vigueur. Idem en ce qui concerne les relations entre le préfet de police et le maire. À ce propos, il est à signaler que le conflit avait commencé lorsque la police de la ville de Fès avait procédé à l'arrestation de deux "gardiens municipaux" engagés en toute illégalité par la mairie afin de faire la loi dans un parc de la ville sis avenue Hassan II. Devant les réclamations des citoyens qui se plaignaient des deux agents nommés par le maire et qui agissaient comme s'ils étaient des agents de police, les services de la sûreté régionale ont procédé à leur arrestation et les ont déférés devant la justice pour usurpation de fonction. Ce qui n'a certainement pas plu au maire de la ville, un homme du reste très contesté et aux méthodes peu claires qui aspirait à créer un précédent en mettant en place sa propre garde de sécurité municipale. D'ailleurs, devant les autorités réunies, vendredi dernier, il a saisi l'occasion pour réitérer son intention d'appliquer son plan. Devant tous les présents, il a ainsi annoncé "qu'une vingtaine de gardiens municipaux reprendraient incessamment leur activité". Ce qui constitue une entrave à la loi et un défi à l'administration territoriale locale. Ainsi, ce qui s'est passé, vendredi à Fès, revêt une grande importance. D'abord, en ce qui concerne la réaction des autorités face aux revendications des habitants, il faut dire qu'il s'agit d'une première à saluer puisque les pouvoirs publics ont été ouverts au dialogue et ont réagi positivement aux préoccupations des citoyens. Mais, d'un autre côté, il faut dire que la gestion menée par les instances élues de la capitale spirituelle du Royaume mérite une réflexion de la part des autorités de tutelle afin d'éviter des dérapages aux conséquences incalculables.