Jeudi, des explosions et des tirs ont éclaté à Abidjan et dans plusieurs villes ivoiriennes lors d'un soulèvement militaire officiellement qualifié de « mutinerie ». Le président Gbagbo, en visite en Italie, a décidé de maintenir son séjour. De très nombreux tirs et explosions ont paralysé jeudi la capitale économique de la Côte d'Ivoire et d'autres villes du pays, au point que plusieurs responsables ont dans un premier temps évoqué un «coup d'Etat». Quelques heures plus tard, des sources diplomatiques tentaient de rassurer la communauté internationale en annonçant qu'il s'agissait seulement d'une «mutinerie» tandis que Laurent Gbagbo décidait de maintenir son séjour en Italie où il se trouve depuis mardi. «Il semblerait que la situation actuelle soit due à une mutinerie de certains militaires en voie de démobilisation», a de son côté précisé jeudi le ministre français des affaires étrangères, Dominique de Villepin. «Les indications que nous avons indiquent qu'il y a des tirs à Abidjan et dans le reste du pays», a-t-il ajouté, assurant que la France suivait de près la situation. Entre 700 et 800 soldats qui devaient être prochainement démobilisés se seraient donc mutinés sans chercher à profiter de l'absence du chef d'Etat pour renverser le pouvoir. Ils auraient eu l'intention de protester contre leur démobilisation « injustifiée ». Pourtant, les autorités ont rapidement accusé le général Robert Gueï d'être à l'origine du soulèvement. Auteur du premier putsch militaire qui l'a placé au pouvoir de décembre 1999 à octobre 2000, le général aurait même été retrouvé mort ce jeudi dans une rue d'Abidjan, selon le ministre ivoirien de la défense, Moïse Lida Kouassi. «Le ministère de la défense veut nous renvoyer à la vie civile. Ca fait deux ans qu'on est dans l'armée. On n'est pas d'accord», a pour sa part expliqué l'un des mutins à l'Agence France presse, ajoutant que «pour se faire entendre, on n'a que nos armes. On ira jusqu'au bout». Les tirs d'armes automatiques ont éclaté à Abidjan vers 3h00 du matin (même heure GMT) et se sont poursuivis près d'une base de la police militaire, puis dans le centre-ville. Des tirs ont éclaté presque simultanément dans la ville de Korogho, dans le nord, un fief de l'opposition où se trouve une autre base militaire. Des hommes armés ont enfin attaqué une base aérienne à Bouaké, dans le centre, et une base militaire de Fereke, dans le nord, selon un haut responsable de l'armée. A Abidjan, des tirs de mortiers et une roquette ont atteint un bâtiment abritant une brigade anti-émeute, partiellement détruit. Les ambassades et l'aéroport international ont alors été fermés. A la mi-journée, l'école de gendarmerie de Bouaké a cependant été reprise par les forces loyalistes dont le commandant régional, le lieutenant-colonel Dagrou Loula, a été tué. Selon le ministre de la défense, le camp d'Agban a aussi été récupéré par l'armée. Les assaillants semblaient par contre avoir «le contrôle total» de Bouaké, où deux officiers ont été tués et deux responsables politiques enlevés. Alain Toussaint, conseiller en communication du président, a pour sa part précisé que «les révoltés à l'origine des troubles avaient été identifiés et seraient conduits devant la justice», sans préciser si des arrestations avaient été réalisées. Considéré autrefois comme l'un des pays les plus prospères de l'Afrique occidentale, la Côte d'Ivoire a progressivement sombré dans les violences politiques et ethniques depuis 1999. Plusieurs centaines de civils ont été tués alors que le leader social-démocrate, Laurent Gbagbo, avait remporté les élections de 2000 dans le but de restaurer la paix.