En entrouvrant sa frontière commune avec son voisin du sud et en entamant des discussions avec le Japon, Pyongyang, classé dans l'axe du mal du président américain, a opéré une ouverture spectaculaire. Ouvrant une nouvelle ère dans les relations asiatiques et mettant un terme à la dernière frontière issue de la guerre froide, les deux Corée ont ce mercredi inauguré le chantier visant à relier leurs réseaux routiers et de chemin de fer qui traversaient avant 1953 les deux pays. Les premiers travaux devaient commencer ce jeudi avec le déminage de la zone démilitarisée séparant Séoul et Pyongyang. « Aujourd'hui, nous nous trouvons au début d'une nouvelle ère au cours de laquelle le Sud et le Nord avanceront main dans la main vers le futur », s'est félicité mercredi le Premier ministre sud-coréen par intérim Kim Suk-soo dans un discours prononcé depuis la gare de Dorasan, côté ouest. «Nous enterrons une histoire marquée par les stigmates de la guerre et la douleur de la division», a-t-il ajouté. Une histoire qui avait commencé avec la fin de la guerre de Corée en 1950-1953 et la création d'un «no man's land» de 4 km de large et de 250 km de long coupant en deux la péninsule, sur le tracé du 38ème parallèle. Cette zone dite «démilitarisée» (DMZ) a été recouverte de millions de mines et entourée d'énormes fils barbelés. La frontière fermée, les échanges entre les deux Corée ont été interrompus et environ 1,5 million d'hommes mobilisés. Car si le conflit qui a opposé les deux Etats durant trois ans s'était soldé en juillet 1953 par un armistice, celui-ci n'a jamais été concrétisé par un vrai traité de paix. Avec le rétablissement des voies de communication, les deux Corée entendent aujourd'hui entamer une formidable avancée sur la longue voie de la réunification, souhaitée depuis longue date par les deux peuples. Le président russe Vladimir Poutine, a aussi envoyé un message de félicitations aux deux présidents, le Sud-coréen Kim Dae-Jung et le Nord-coréen Kim Jong-il pour cet événement, également salué par la Chine. Depuis quelques semaines, la Corée du Nord avait manifesté un certain intérêt pour renouer une coopération avec Séoul. C'est à la fin du mois dernier que les deux régimes ont repris le processus de normalisation en concluant de lancer le chantier de construction. Cette réouverture historique concrétisée ce jeudi intervient par ailleurs au lendemain de la rencontre entre le premier ministre nippon Junichiro Koizumi et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il. Une visite non moins importante – la première d'un responsable japonais à Pyongyang - lors de laquelle les deux pays se sont promis de renouer leurs relations diplomatiques. Le président nord-coréen a aussi présenté des excuses à son visiteur pour le rapt d'une dizaine de ressortissants nippons. Tokyo a de son côté exprimé à Pyongyang «son profond remords et ses sincères excuses» pour l'occupation de la Corée du Nord, admettant y «avoir causé de terribles dommages et souffrances». Le Japon envisage même de verser une aide économique. Enfin, dernière décision – cette fois-ci à l'égard des Etats-Unis-, Pyongyang a promis de geler «indéfiniment» ses tirs de missiles balistiques, alors qu'il est toujours dans la ligne de mire du président Bush qui l'a accusé en janvier dernier de posséder des armes de destruction massive. Ce qui lui avait valu une place aux côtés de l'Irak et de l'Iran, dans «l'axe du mal» américain.