Région montagneuse de l'arrière pays d'Agadir, la circonscription de Chtouka Aït-Baha offre trois sièges. Tête de liste de l'USFP, Mohamed Benyahya, a en face de lui des adversaires immensément riches. La bataille sera rude. Une flotte de voitures tout-terrain flambant neuf labourent la circonscription de Chtouka-Aït Baha, qui a Biougra pour capitale. Le relief de cette région rurale d'Agadir est difficile. Que des douars sur le flanc des montagnes. Autant de voitures renseignent sur le profil des douze candidats qui se disputent les 3 sièges à pourvoir. La plupart sont réputés fortunés. Sauf deux : Mohamed Benyahya, conseiller en communication du Premier ministre et son compagnon de route lors des années d'exil. Il revient dans son patelin natal avec la ferme intention de gagner. Ce sera, si la victoire est au rendez-vous, une revanche symbolique. En effet, la présence de l'USFP dans cette zone berbère remonte à 1963. La cinquantaine nonchalante, le visage toujours souriant, cet ancien journaliste, qui a par ailleurs grandi à Meknès, il dit avoir maintenu un contact régulier avec la terre de ses parents. Résistant parmi les résistants, le père de M. Benyahya a eu à subir dans les années 50 les foudres de l'occupant français. Son fils raconte : “ Les pieds enchaînés, mon père fut forcé, sous escorte militaire, de marcher à pied à travers les montagnes de la région jusqu'à Anezi à Agadir“. Cette punition était destinée à faire peur et à pénaliser les habitants des villages où s'arrêtaient ces invités d'un autre type. Les villageois étaient forcés de les nourrir alors que la pitance pendant cette époque difficile était rare. Mohamed Benyahya a fait, lui, de la résistance au régime. Ce fut un opposant qui s'est assagi aujourd'hui. Celui qui a roulé sa bosse un peu partout dégage une fraîcheur qui dément son âge. Son secret ? Il prend la vie du bon côté. Rien ne semble le préoccuper. Une impression, certainement. Autre candidat, qui n'a pas la force de frappe financière de ses rivaux, Mohamed Bensaïd Aït Idder. L'ex-leader de l'OADP, qui s'est dissout récemment dans le GSU. Député sortant, cet homme simple et honnête, lui aussi ancien opposant qui a connu les affres de l'exil à Paris, a été élu par deux fois à Massa. Cette petite circonscription a laissé la place, à la faveur du scrutin de liste, à une plus grande entité électorale de près de 140.000 habitants. Le vieux patriarche, impressionné par le ballet incessant des voitures rutilantes, aura fort à faire pour reconquérir son siège. Il n'a jamais vu autant de véhicules de luxe dans la région et cet étalage ostentatoire de la richesse. Les candidats milliardaires sont déterminés à faire pencher la balance en leur faveur. Enfants de cette partie du pays tout comme Benyahya et Bensaïd mais qui ont fait fortune ailleurs, ils rêvent tous d'un mandat électif. Candidat malheureux aux législatives, Ahmed Aït Mzal se présente sous la bannière du PND. M. Bakrim, propriétaire d'un établissement hôtelier à Rabat est tête de liste de UC. Viennent ensuite les deux Abbad, deux candidats issus de la même famille. Lahcen, député MP sortant et Brahim qui roule pour le MNP. L'union annoncée par les deux mouvements a volé en éclats sur le front électoral. Combien est facile de glorifier la réunification dans les discours. Mohamed Benyahya, qui fait une campagne propre où il défend le bilan du gouvernement Youssoufi, n'a pas d'argent à donner. Promenant un regard amusé sur les autres candidats en lice, ceux qu'il appelle le pouvoir de l'argent, le représentant USFP a surtout des atouts affectifs en main. Il est en tout cas sûr de faire en 2002 sa première entrée sous la coupole.