Si, depuis jeudi, Marwan Barghouti répond devant les tribunaux israéliens de plusieurs accusations passibles de la prison à vie, le leader palestinien entend utiliser ce procès illégal pour interpeller le monde entier. Chef du Fatah pour la Cisjordanie et membre du Conseil national palestinien (Parlement) depuis les années 1990, Marwan Barghouti est désormais dans le box des accusés du tribunal israélien de Tel-Aviv. Une « affaire pénale normale » assure-t-on d'un côté tandis que responsables palestiniens et divers ONG de défense des droits de l'Homme continuent de dénoncer ce « procès politique ». Entamé jeudi, celui-ci n‘a en tout rien de banal puisque le leader de la seconde Intifada, âgé de 43 ans, fait l'objet de plusieurs chefs d'inculpation passibles de la peine à perpétuité. Depuis le 14 août, Barghouti est accusé de «meurtres, complicité de meurtre, tentatives de meurtre, participation à une organisation terroriste, détention d'armes et d'explosifs». Le procureur entend aussi prouver que l'accusé dirigeait les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa, groupe armé lié au Fatah, qu'il est donc responsable de nombreux attentats. Tout au long de sa comparution devant le tribunal, Marwan Barghouti, qui nie ce dernier point, a de son côté déjà fait savoir qu'il refuserait de plaider « coupable ou non coupable » car il refuse à cette Cour le droit de le juger. Son avocat Jawad Boulos a rappelé jeudi que ce procès était illégal, son client devant normalement bénéficier de l'immunité parlementaire puisqu'il est membre du CNP. Le défenseur de Barghouti a aussi expliqué que son client utiliserait les audiences «uniquement pour parler des violations commises par Israël et pour dire au monde entier d'écouter ceci: l'occupation israélienne est illégale». Selon une source judiciaire israélienne, le procès ira de toute façon à son terme, que Marwan Barghouti coopère ou non. Car l'Etat hébreu est décidé. Déjà, lorsque ses soldats, après deux semaines de recherches, avaient retrouvé le leader palestinien dans un rue de Ramallah le 13 avril dernier, il s'était félicité de cette prise. Il estimait tenir là un «chef terroriste». «N'oubliez pas que l'un de nos droits, à nous, peuple sous occupation, est de résister à cette occupation. La paix est le chemin le plus court vers la sécurité et la stabilité. Mais la paix ne peut se construire sur une occupation», répétait encore Barghouti dans un message adressé depuis sa cellule en mai dernier. Certes, l'accusé est une figure connue des services israéliens pour avoir été arrêté plusieurs fois lors de la première Intifada, en 1987. Il a été déporté en Jordanie puis s'est rendu en Tunisie, où se trouvait Yasser Arafat et, après les accords d'Oslo en 1993, il a été l'un des premiers dirigeants à retourner en Cisjordanie. Soupçonné d'être à la tête dune organisation qui a opté pour les actes kamikazes, Barghouti est-il un «terroriste»? «Un gouvernement terroriste n'a aucune légitimité pour accuser les autres de terrorisme. Nous défendons notre terre. (…) S'ils (les Israéliens) cessent leur occupation et que quelqu'un les attaque alors je considérerais cette attaque comme terroriste. Pas avant», répondait-il dans les colonnes du quotidien français L'Humanité en décembre 2001. Arrêté il y a plus de quatre mois, le leader palestinien a été détenu au centre «Moscowbiya» (zone russe) de Jérusalem. Dès fin mai, il a dû être transféré à la clinique de la prison pour des douleurs dans le dos et dans les mains. Lors des interrogatoires, «les mains et les jambes de Barghouti sont enchaînées à une petite chaise (d'où ressortent des clous), de façon à être penché en avant (…). Son dos saigne souvent», indiquait alors la Société palestinienne pour la protection des droits de l'Homme (LAW) après l'avoir rencontré. Et d'ajouter que «Barghouti est maintenu en confinement solitaire, et empêché de dormir durant 20 heures sur les 24 d'une journée». Des méthodes de tortures, de maltraitance physiques et psychologiques fréquemment utilisées par les services du Shin Bet. Israël est, faut-il le rappeler, signataire de la Convention des droits de l'Homme sur la torture, celle sur les droits civiques et politiques... Jeudi, l'accusation a annoncé son intention de citer à comparaître plusieurs lieutenants présumés de Barghouti, eux-mêmes emprisonnés, ainsi que des survivants des attentats attribués aux brigades d'Al-Aqsa. «L'Intifada vaincra. Toute personne dans le monde sait que Marwan Barghouti se bat pour la paix. Je suis un homme de paix» s'est contenté de marteler le leader palestinien.