A quelques jours de la commémoration des attentats du 11 septembre, les différentes enquêtes menées à l'échelon international sur Al-Qaïda, ses filières et son financement ont débouché sur d'inquiétantes révélations. Le Pakistan, le Yémen, l'Iran et l'Irak ont certes été fréquemment placés dans la ligne de mire de Washington depuis le lancement de sa campagne contre le terrorisme en octobre 2001. Mais l'Europe a aussi démontré – et de façon répétée ces dernières semaines – qu'elle était loin d'être épargnée par la nébuleuse Al-Qaïda. Les premières enquêtes s'étaient d'ailleurs tournées vers les milieux islamistes connus, en Grande-Bretagne notamment, d'où venait Richard Reid. Ce terroriste du vol Paris-Miami de décembre 2001, intercepté avec une bombe dans sa chaussure, fréquentait la même mosquée de Brixton, banlieue londonienne, que Zacarias Moussaoui, seul inculpé aux Etats-Unis dans le cadre des attentats. L'Allemagne, ensuite, s'est révélée être une plate-forme pour les terroristes, plusieurs des pirates de l'air du 11 septembre ayant résidé à Hambourg, comme Mohammed Atta. Et aujourd'hui, les Pays-Bas ne sont pas non plus en reste, avec l'arrestation vendredi de 12 personnes soupçonnées de liens avec Al-Qaïda. Huit de ces suspects, qui auraient fourni un soutien matériel, financier et logistique au réseau, ont été présentés devant le tribunal de Rotterdam lundi, a rapporté l'agence néerlandaise ANP. Peu auparavant, le tribunal de Rotterdam avait signifié leurs nouvelles inculpations à quatre autres suspects - 2 Algériens, un Français et un Néerlandais - déjà en détention provisoire pour complot présumé contre des intérêts américains en Europe. Ces derniers sont accusés d'avoir planifié une attaque contre la base aérienne américaine de Kleine Brogel, en Belgique. Base qui servirait d'abri pour des armes nucléaires. Lors de leur arrestation il y a plusieurs mois, la police avait trouvé, dans leurs appartements, des passeports, des cartes de crédit et des permis de conduire contrefaits ainsi que des cassettes vidéo contenant des messages de Ben Laden, et des modes d'emploi sur la fabrication de bombes. Depuis lundi, ces quatre hommes sont aussi accusés de faire partie d'une véritable cellule terroriste européenne liée à Al-Qaïda. Le procureur néerlandais en charge de l'affaire a d'ailleurs précisé qu'un autre Français, Djamel Beghal, arrêté à Dubaï et présenté comme le cerveau du projet d'attentat contre l'ambassade américaine de Paris, était chargé de mettre en place cette filière sur le vieux continent. Autres enquêtes et autres révélations, celles concernant le financement du terrorisme. Lundi, Washington a annoncé avoir réuni un certain nombre de preuves confirmant l'existence d'un trafic de drogue dans le Midwest au profit d'organisations terroristes du Moyen-Orient. Le département de lutte contre les stupéfiants (DEA) a ouvert son enquête le 10 janvier dernier suite à la vague de 136 arrestations opérées dans plusieurs villes américaines. Elle a ainsi découvert que des millions de dollars provenant d'un trafic d'amphétamines (stimulants aux mêmes effets que la cocaïne) avaient été blanchis aux Etats-Unis avant d'être transférés sur les comptes bancaires de groupes terroristes au Liban et au Yémen, en Iran et en Jordanie. Aucun lien direct avec Al-Qaïda et le 11 septembre n'a toutefois pu être établi pour l'instant. Reste que ces révélations illustrent la facilité avec laquelle les terroristes continuent de s'approvisionner. Selon le Washington Post de mardi, le réseau de Ben Laden et les ex-combattants Taliban auraient même fait parvenir plusieurs cargaisons d'or vers le Soudan ces dernières semaines. Citant des enquêteurs européens, américains et pakistanais, le quotidien américain écrivait que cet or avait été transféré par bateau depuis le port pakistanais de Karachi jusqu'aux Emirats Arabes Unis ou en Iran, avant d'être convoyé par avion jusqu'à Khartoum. Dans un rapport rédigé en juillet 2001 pour les services de renseignement français, le consultant et avocat français Jean-Charles Brisard estimait déjà qu'Al-Qaïda bénéficiait, en plus de la fortune personnelle de son chef, de la complicité directe ou indirecte d'un réseau de plus 400 individus et de 500 organisations à travers le monde. Une véritable holding qui continuerait aujourd'hui de drainer entre 30 et 300 millions de dollars d'investissements en Afrique du Nord, au Proche et Moyen-Orient et en Asie, selon les analystes.