Ex-ministre istiqlalien des Affaires étrangères, M'hamed Boucetta, estime que le Maroc doit organiser deux référendums pour asseoir la régionalisation, seule solution à ses yeux pour régler définitivement le problème du Sahara. ALM : Vous avez déclaré lors d'une conférence, sur le Sahara marocain, organisée par la Fondation Allal El Fassi que le Maroc doit constitutionnaliser la régionalisation. Qu'est-ce que vous entendez par cela? M'hamed Boucetta : Effectivement, la constitutionnalité de la régionalisation est un élément impératif, non seulement pour la question du Sahara marocain mais également pour le développement économique et social de tout le pays. A cet effet, je pense que le Maroc devrait organiser deux référendums et non pas un seul. Le premier aura pour but de modifier la Constitution pour y inscrire ce choix stratégique qu'est la régionalisation en lui conférant un caractère hautement solennel. En effet, il ne faut plus se contenter d'affirmer notre volonté de tendre vers la régionalisation, comme cela a été le cas en 1992. La Constitution ainsi modifiée doit comporter des détails relatifs aux structures régionales, leurs missions et leurs compétences. Et le deuxième référendum? Ce deuxième référendum sera organisé à un niveau local. Ce sera une consultation populaire dans laquelle les habitants de chaque région se prononceront sur les spécificités de leur région. Ils auront la possibilité d'ajouter telle ou telle disposition en matière d'organisation et de gestion. Mais ceci dit, des spécialistes en la matière devront se pencher sur ces deux référendums. Je n'ai pas de recettes toutes faites. Vous êtes sûr que, par ces référendums, nous n'entendrons plus parler de l'affaire du Sahara? J'en suis certain. Nous ferons d'une pierre deux coups. D'une part, nous résoudrons nos problèmes internes de développement économique et social. Et d'autre part, nous satisferons énormément de demandes externes. Car, je vous le rappelle, les Nations Unies ont toujours insisté pour que toute solution au problème du Sahara marocain ne soit envisageable que dans le cadre d'une autonomie et dans le respect total des frontières du Maroc. Vous estimez que le Maroc doit passer à la vitesse supérieure sans la participation algérienne? Je ne comprends pas pourquoi on s'attache à l'accord algérien. L'Algérie a clairement affiché sa position. Elle refuse catégoriquement toute solution au conflit, autre que celle qui octroie l'indépendance au polisario. Pour elle, l'idée d'une région autonome sous souveraineté marocaine est écartée d'avance. Alors arrêtons de demander aux Algériens d'adhérer à notre vision de l'avenir. Cela ne veut pas dire que nous renoncerons un jour à la construction d'un Maghreb solidaire et prospère. Bien au contraire. Mais en attendant que l'Algérie veuille bien nous écouter, encourageons, chez nous, la démocratie d'approche et promouvons un développement par la région. Vous avez dit, lors de la conférence sur le Sahara marocain, que l'Algérie a créé le polisario en se basant sur des erreurs d'évaluation de la politique marocaine. Quelles sont ces erreurs ? Il s'agit exactement de quatre erreurs d'analyse. Alger pensait que le Maroc avait une armée faible et un gouvernement sans appui populaire. En outre, les Algériens pensaient que la Mauritanie et l'Espagne ne se tiendraient jamais aux côtés du Maroc. Prenons point par point. La faiblesse de l'armée marocaine, tout d'abord. L'Algérie a estimé que le Maroc serait incapable de s'opposer à une invasion de son Sahara compte tenu du fait que son armée était soi-disant décapitée après les deux tentatives de putsch avortées. D'ailleurs, à cette époque, la presse algérienne affirmait que l'armée marocaine était véritablement faible et ne pouvait faire le poids face à l'armée algérienne.L'histoire a montré que ces calculs étaient totalement faux. J'en veux pour preuve Amgala I et Amgala II. Dans la première bataille, nos Forces Armées Royales ont réussi à assiéger les troupes algériennes. Ce n'est qu'après l'intervention de Housni Moubarak, à l'époque vice-président égyptien, venu sur place, que feu Hassan II a donné l'ordre de lever le siège d'Amgala. A Amgala II, pratiquement le même scénario s'est produit. Les FAR n'avaient devant eux que des troupes algériennes. Plusieurs militaires algériens se sont faits prisonniers puis transférés à Témara. Et là encore, suite à une médiation égyptienne, le Maroc les a relâchés. Qu'en est-il de la fragilité du gouvernement? Effectivement, puisque les grands partis politiques marocains ne participaient pas au gouvernement de l'époque, l'Algérie a cru que le Souverain n'avait pas de soutien populaire. Or, il s'est avéré que l'Istiqlal et l'USFP étaient bel et bien présents dans toutes les tournées effectuées dans le monde entier pour expliquer la position marocaine. Madrid et Nouakchott, alors? Les Algériens avaient l'impression que la Mauritanie ne s'alignerait jamais sur la position marocaine car des partis comme l'Istiqlal revendiquaient justement la souveraineté marocaine sur la Mauritanie. Aussi, la prétention de Boumediene lui a fait croire que l'Algérie était indispensable pour le développement économique de l'Espagne. Il se trouve que S.M. le Roi a fait appel à la Mauritanie et à l'Espagne, qui ont accepté de signer le fameux Traité de Madrid. D'ailleurs, Abdelaziz Bouteflika, à l'époque ministre des Affaires étrangères, s'était rendu à Madrid pour exercer des pressions extraordinaires et empêcher la signature du Traité. Même chose pour le président mauritanien, Moukhtar Oueld Dada qui a eu droit à des remontrances de la part de Boumediene.