Abassi Madani, dirigeant du Front islamique de salut (FIS) dissous, explique que la question du Sahara est un problème artificiel que certaines parties ont intérêt à faire perdurer. M. Madani indique que sa position sur le Sahara participe de la même vision que celle de tout Algérien qui n'est pas «égaré». ALM : Quand comptez-vous mettre un terme à votre exil et rentrer en Algérie ? Abassi Madani : Au vrai, mon retour est déterminé par l'amélioration de l'état de santé de l'Algérie. Je n'ai aucun problème pour revenir chez moi. Je suis fils de l'Algérie, le sang de ma terre coule dans mes veines et mon attachement à ce pays est très profond. Mais le retour ne sera pas pour tout de suite. L'Algérie est malade et je ne peux regarder de près sa maladie, tout en étant impuissant. Tant qu'elle sera souffrante, je serai loin. Dès que je constaterai des indices indiquant sa volonté à se rétablir, je serai le premier sur place pour l'en féliciter. Qui est responsable de «la maladie» de l'Algérie ? Le premier responsable, c'est le colonialisme. Je n'en veux comme preuve que la tension déplorable qui sévit actuellement entre le Maroc et l'Algérie, en dépit de ce qui unit les deux pays. Mais je reste persuadé que rien ne saura altérer la fraternité entre les deux pays frères. Leur Histoire commune est sûre et les nuages qui obscurcissent le ciel de l'avenir sont passagers. Les deux peuples sont frères et ils le demeureront. Au nom de l'Histoire, notre passé est un et notre avenir est commun. Le conflit du Sahara est le principal motif de tension entre le Maroc et l'Algérie. Quelle est votre position concernant ce dossier ? Ma position est fondée sur l'Histoire et le bon sens. Je ne vois pas comment un mètre du Sahara pourrait être cédé par le Royaume du Maroc ! Je ne vois pas comment un mètre du Sahara pourrait être retranché du Royaume du Maroc ! Le Sahara est marocain et l'Histoire est sans pitié pour ceux qui n'ont pas de mémoire. Ce qui se produit en ce moment n'est que surenchère sur le sujet, en vue de semer la haine et l'animosité entre deux peuples. Nous ne l'acceptons pas et ne l'accepterons jamais. Nous dénonçons avec la plus grande vigueur ceux qui alimentent un problème artificiel. Les preuves par l'Histoire résistent à la dictée des semeurs de haine. Elles sont là pour contrecarrer toute entreprise de falsification. Comment expliquez-vous alors qu'Alger soit partie prenante dans ce dossier ? Je répète qu'il s'agit d'un faux problème. Il a été fabriqué pour que nous soyons en désaccord, alors que tout en nous porte à la fraternité et à l'amour. Les deux peuples ont soif d'entente. Rien ne peut justifier la tension actuelle. Elle est contraire à notre existence et aux espérances des deux peuples. Mais il y a vraisemblablement des parties qui ont intérêt à ce que ce faux problème perdure. Quelles sont ces parties ? L'Algérie repose sur le socle de l'Islam et la force d'un peuple digne. Comment un Algérien sensé peut-il tenir des propos hostiles à son frère marocain ou se passionner pour une terre qui ne lui appartient pas ? Mais il faut se résoudre à croire qu'une certaine presse a réussi à égarer l'opinion. Les parties qui alimentent cette presse sont connues. La main du colon pèse, en plus, lourdement sur ce dossier. Le colonisateur a intérêt à ce que ce problème artificiel demeure sans solution. Le conflit du Sahara est placé par le président algérien en tête des priorités de son pays. Où il va, il fait campagne contre la marocanité du Sahara. Comment expliquez-vous cela ? Mon frère Abdelaziz Bouteflika est un nationaliste authentique qui n'a de haine ni pour le Maroc, ni pour un autre pays arabe. J'ai du respect pour lui et pour le combat que nous avons mené ensemble contre le colon. Je pense qu'il faut distinguer entre la personnalité de Bouteflika et les conditions qui le poussent à s'accrocher d'une manière inexpliquée au dossier du Sahara. Pour ma part, je considère qu'il ne se comporte pas de la sorte de façon délibérée. Il doit agir sous la contrainte. Il cède à des pressions. Il est trop facile de l'inculper ou lui faire endosser la responsabilité de la dégradation d'une situation, déjà mal engagée depuis plus d'un quart de siècle. Qui exerce des pressions sur le président Bouteflika ? Je ne peux pas entrer dans des détails qui peuvent m'induire en erreur. Non pas par peur, mais par peur de l'erreur. Je sais qu'il y a des parties qui ont intérêt à ce que ce problème artificiel demeure insoluble et je sais que nos dirigeants répondent plus aux pressions étrangères qu'à la volonté de leur peuple. A part les Palestiniens, quel autre peuple affirme sa volonté à ses dirigeants ? Quelle solution préconisez-vous au conflit du Sahara ? Qu'on cesse de leurrer l'opinion avec de pseudo-principes. Qu'on laisse le peuple algérien dire son mot sur cette affaire qui ne le concerne pas. Mais tout le monde sait que l'ombre est liée à la lumière. Une fois qu'on déplace l'obstacle qui fait l'ombre, la lumière surgit.