«Une production théâtrale nécessite des budgets colossaux. Plusieurs frais s'imposent. Décoration, habits, répétitions, transport... Chaque composante de la pièce a besoin de budget». L'art dramatique peine à trouver son chemin au Maroc. Cette activité artistique et culturelle a perdu au fil du temps son éclat. Pour un grand nombre de professionnels, le père des arts agonise. Et pour cause : amateurisme, mauvaise organisation et mauvaise gestion des troupes. En dépit du grand nombre de troupes déclaré sur la scène théâtrale marocaine, le nombre de spectacles subventionnés reste en deçà des attentes. Seule une dizaine de spectacles par an est subventionnée par le ministère de la culture au moment où les troupes restantes se battent pour retrouver un mécène pour financer leurs travaux. En 2016, la subvention allouée par l'Etat s'est élevée à 15 millions de dirhams contre 10 millions de dirhams débloqués auparavant. Ce dispositif mis en place depuis 2014, sous forme d'appels à projets, avait pour objectif initial de soutenir financièrement les troupes de théâtre. Ce programme de soutien à la création et la diffusion théâtrales s'est élargi, par ailleurs, pour inclure les résidences longues et domiciliation des troupes, le financement des tournées théâtrales, l'organisation et la participation aux festivals, le théâtre de rue, les ateliers de formation, etc. Qu'est-ce qui pose problème? L'absence de marketing culturel est le premier obstacle au rayonnement du théâtre au Maroc. Si la musique et le cinéma ont pu s'aligner aux tendances de leur marché, l'art dramatique reste le parent pauvre. La mission «impossible» des troupes réside dans la recherche d'une association ou d'un sponsor privé qui puissent faire confiance à leur métier. C'est ce que témoignent les dramaturges. «Une production théâtrale nécessite des budgets colossaux. Plusieurs frais s'imposent. Décoration, habits, répétitions, transport... Chaque composante de la pièce a besoin de budget», nous précise Abdelkébir Rgagna, fondateur de Masrah El Hal. Et d'ajouter «que compte tenu de ces conditions, nous ne pourrons pas dépasser un projet par an. La subvention allouée par l'Etat ne couvre pas la totalité de la production théâtrale, d'où le recours aux associations et aux organismes privés». Pour sa part, Bouhcine Messaoud, président du syndicat nationale des professionnels du théâtre, confirme l'absence de politique de communication et de promotion appropriée pour l'art dramatique. «Les gens communiquent peu sur le théâtre. Il n'y a pas une grande sensibilisation autour de la question. La preuve, peu de personnes achètent des billets pour venir voir les pièces, une grande part du public présent assiste sur invitation du metteur en scène et des comédiens, et encore...», explique Bouhcine Messaoud. Peut-on parler de troupes professionnelles au Maroc ? «La scène théâtrale compte peu de troupes professionnelles. La plupart des troupes existantes au Maroc sont indépendantes». C'est ce que nous confirme Bouchaib Tali, professeur d'art dramatique et metteur en scène. Après le décès des figures de proue du théâtre comme Ahmed Taieb Laâlaj, Mohamed Said Afifi et Tayeb Sadiki, la scène abrite aujourd'hui une génération composée majoritairement d'autodidactes à moins qu'on exclue les lauréats de l'Institut supérieur d'art dramatique et d'animation culturelle (Isadac). «Il est utile de souligner que ces lauréats ne vivent pas uniquement du théâtre, contrairement à la communauté restante de dramaturges et comédiens nationaux. Ce qui favorise les lauréats de l'ISADAC par rapport aux autres, c'est qu'ils sont, dans la plupart des cas, embauchés par le ministère de la culture en tant que fonctionnaires de l'Etat». «La troupe du Théâtre national», un exemple à suivre ? Si l'on observe la scène théâtrale du Maroc, on découvrira que la troupe du théâtre national tire son épingle du jeu. Loin de la nature de son statut (affiliée ou domiciliée au Théâtre national), cette troupe a réussi au fil des ans à préserver sa place sur la scène. La troupe du Théâtre national réussit à faire salle comble avec des prix de billets allant de 100 à 300 DH. «Je peux dire que le succès de la troupe revient aux choix des textes. Nous adoptons des textes qui respectent le grand public», indique Abdelatif Decharaoui, metteur en scène. De même, la troupe a bénéficié du phénomène de «starification» qui est peu courant au Maroc et qui a valu à ces comédiens une présence à la fois sur les planches et sur la scène audiovisuelle.