Les premiers départs des candidats aux emplois sur les bateaux de croisière promis par la société émiratie Al Najat devaient normalement débuter ce mois-ci. Or, jusqu'à présent aucun visa n'a été sollicité pour nulle part, dans ce programme. Les candidats sont dans une totale expectative. Une affaire qui doit interpeller les pouvoirs publics. Lorsqu'au mois de mars de cette année, a commencé au Maroc ce qu'on peut tout à fait désormais appeler le scandale de l'arnaque aux emplois fictifs, qui a fait au bas mot près d'une centaine de milliers de victimes, entre candidats faussement heureux et postulants «malheureux», tous les intervenants: représentants de la société émiratie An Najat, responsables d'agences d'intérim, responsables de l'Anapec, médias intéressés positivement à ce programme, plaçaient le projet de recrutement de 22 000 candidats, puis de 30 000, sous le signe de l'urgence. On parlait, on s'en souvient, de la rapidité extrême que cette opération exigeait, compte tenu de la demande pressante, nous disait-on, émanant d'armateurs et d'exploitants de bateaux de croisière qui avaient, apparemment, un besoin impérieux et urgentissime de cette main d'œuvre. Ce fut même là l'argument déterminant qui a été avancé pour expliquer l'intervention, «décisive», pourrait-on dire, de l'Anapec, un organisme jeune, dynamique, national, pouvant s'appuyer sur les moyens de l'État pour mener à bien cette offre prodigieuse, présentée alors comme une manne, un geste grandiose de générosité, de favoritisme et de préférence à notre endroit, nous Marocains, de la part de nos amis émiratis, cléments, prodiges et tellement bienveillants. Dans les diverses négociations telles qu'elles nous furent décrites par les uns et les autres, on a toujours évoqué cette urgence ; que ce soit avec les cliniques démarchées avant d'élire celle de Dar Salam, la bienheureuse, avec les autorités locales pour l'établissement des passeports, avec les agents recruteurs de tous acabits, qui ont apparemment sillonné villes et villages, voire les bleds les plus reculés pour y apporter la bonne nouvelle et semer l'espoir dans la nuit noire et morose du chômage ambiant et du désœuvrement. On a parlé de départs pour le mois de juin, puis pour le mois de juillet, puis, aux dernières nouvelles, pour la mi-août. Mais depuis déjà plusieurs semaines, il y a comme un silence radio sur le front des emplois de l'Anapec. Il y a une sorte de tombée de tension, voire d'atonie complète dans laquelle aucun indicateur ne nous laisse penser que nos concitoyens vont partir d'ici quelques jours par milliers vers le grand large. Alors que les certificats médicaux sont pour l'essentiel déjà périmés (plus de trois mois), on ne sait toujours pas qui partira en premier, quel contingent, vers où, comment se feront les formalités d'obtention des visas et auprès de quel pays, comment seront organisés les transports pour replier les ports d'embarquement, qui délivrera les livrets maritimes indispensables aux futurs marins. Autant de questions qui demeurent sans réponse et qui autorisent toutes les inquiétudes et toutes les suspicions. À l'Anapec on ne reçoit plus de réponse de qui que ce soit. Le directeur est, paraît-il, une nouvelle fois en déplacement aux Émirats où il devrait buter sur la vacuité sidéral de la promesse non-tenue d'Al Najat. Les agences d'intermédiation pour l'emploi, qui furent les premiers offices ayant recueilli les candidatures, ne répondent plus au téléphone. Elles avaient dû nourrir, eux aussi, beaucoup de rêves qui sont en train de tomber en lambeaux. Les commissions qui leur étaient promises par Al Najat, à raison de 1000 DH par candidat, n'étaient soi-disant payables qu'au moment où les futures recrues auraient gagné leur port de débarquement. Et comme pareille perspective est on ne plus virtuelle, leur richesse attendue est elle aussi purement onirique. Certains y ont même laissé des plumes, tellement ils avaient pris des risques financiers dans les premiers moments d'euphorie, s'endettant lourdement auprès des banques en attendant des rentrées de fonds substantielles. Pour le reste, à savoir les premiers concernés, les candidats, ils sont actuellement la proie de la perplexité la plus totale. Ils n'osent même pas penser à la déception qui les attend, et pourtant, ils savent de plus en plus qu'ils ont fait l'objet d'une vaste mascarade. Quant aux responsabilités des uns et des autres dans cet état de fait, force est de constater que personne n'aura le courage d'assumer ce fiasco et de faire au moins la preuve d'un certain courage en reconnaissant publiquement une erreur de jugement ou une certaine précipitation. En tout cas, c'est une affaire qui suscite un gros malaise et qui devra de toutes les manières connaître son épilogue dans les prochains jours. Quel gâchis !