L'ANAPEC est en train de repousser les échéances de l'arnaque montée par Al Najat Shipping LLC. Il est temps pour les pouvoirs publics de réagir. Dans une dépêche diffusée par la MAP et reprise par certains quotidiens nationaux parus hier, l'Agence nationale pour la promotion de l'emploi et des compétences (ANAPEC) se veut rassurante envers les dizaines de milliers de jeunes citoyens qui se sont inscrits par l'entremise de l'agence pour des emplois sur des bateaux de croisière. Pour rappel, cette opération qui est en fait une vaste arnaque montée par une très louche officine émiratie du nom de Al Najat Shipping LLC, a démarré au Maroc en mars dernier. L'un des principaux responsables de cette escroquerie, Ali Pasha, présenté tantôt comme un pakistanais, tantôt comme un indien, associé à l'émir Sakr des Émirats Arabes Unis, a appâté, au départ, des agences de recrutement pour l'emploi d'intérim. Mais devant les effectifs énormes que le demandeur a sollicité, l'ANAPEC est rentrée en lice, puis le ministère de tutelle, celui de l'emploi détenu par le leader de l'Istiqlal, Abbas El Fassi, a donné sa caution à l'opération tant au niveau du parlement que dans les médias. Or, depuis six mois maintenant, de report en report, aucun candidat n'a été réellement recruté. Les formulaires présentés en tant que contrats de travail n'ont aucune validité juridique, n'étant pas comme le prévoient les réglementations internationales en la matière, co-signés par le futur employé et l'employeur destinataire final de la main d'œuvre. Aucun visa n'a été sollicité de nulle part. Aucun dossier d'émigration pour emploi légal n'a été établi selon les procédures en vigueur. De la dernière dépêche de la MAP sur la question, datée du 16 août, il ressort que contrairement aux assertions des responsables de l'ANAPEC en début d'été, qui prévoyaient les premiers départs des candidats vers leur lieu d'emploi à la mi-août, personne n'est encore parti. Pire encore, on ne dit plus quand, vers où et qui partira en premier. Le communiqué relayé par la MAP et dont la source est inconnue dit qu'un premier groupe de 5000 personnes a été invité a passer une contre-visite à la charge de l'employeur. Or, personne ne nous dit où et quand cette fameuse contre-visite aura-t-elle lieu. D'aucuns parlent même d'une deuxième contre-visite qui suivra cette première. Mais ce qui est plus inquiétant c'est que personne, à l'heure qu'il est on ne sait qui est cet employeur qui va prendre à sa charge les frais de ces contre-visites. Par ailleurs, dans un article de notre confrère arabophone « Attajdid » daté du 17-18 août intitulé « Est-ce un pari électoraliste ou une catastrophe sociale probable ? », le quotidien se fait l'écho d'informations affichées par l'ANAPEC évoquant ces deux contre-visites auxquelles seraient soumis les candidats avant de partir à destination de la Norvège et de l'Angleterre pour y subir une formation de quinze jours. Un air de déjà entendu, mais qui ne devrait leurrer personne. Les pays cités n'ont été sollicités pour aucune formalité devant déboucher sur l'octroi de visas, même de transit, aux postulants. Le journal fait également part des remous autour de délégations de l'ANAPEC dans des villes du royaume où l'exacerbation et le mécontentement des candidats monte d'un cran. Ils s'interrogent de plus en plus sur les critères de sélection du soi-disant premier contingent des partants, voire sur la crédibilité même de toute l'opération. Le comportement de l'ANAPEC dans cette affaire est pour le moins curieux. L'agence publique qui s'est portée garante de l'opération est manifestement à court d'arguments pour prouver la véracité et le fondement de cette vaste campagne qui concerne des dizaines de milliers de citoyens et leurs familles ballottés entre l'espoir et le désarroi. À part des bribes de communication très peu crédibles telle que celle qui a transité cette fois-ci par la MAP, on refuse de donner le moindre indice sérieux à même de démentir les nombreux soupçons qui pèsent sur les agissement d'Al Najat, tant au Maroc que dans les nombreux autres pays où elle a déjà frappé. Faut-il rappeler que le Kénya, la Syrie, la Jordanie, le Pakistan, la Roumanie ont déjà fait les frais des manœuvres malveillantes de l'officine émiratie. Pas plus tard que la semaine dernière, le Vietnam vient de stopper officiellement une autre arnaque d'Al Najat dans ce pays asiatique portant sur cinq mille emplois fictifs en haute mer. Des parlementaires et officiels ont conclu que l'offre d'Al Najat était une simple escroquerie telle qu'elle fut signalée par l'ITF (International Transport Workers Federation) qui regroupe des syndicats d'employés des transports dans plus de 150 pays à travers le monde. Pour gagner du temps et continuer sa fuite en avant, on ne sait pour quels mobiles et pour quelle finalité, l'ANAPEC est en train de préparer un voyage de presse en Norvège, semble-t-il, au profit notamment de représentants de la MAP, de la RTM et de 2M. Ce voyage devrait intervenir les 25, 26 et 27 de ce mois-ci. On ne sait pas exactement qu'est ce que les journalistes invités rapporteront d'Oslo. Parce qu'en définitive, ce ne sont pas des écrits commandités ou des reportages à la demande qui sont attendus par les milliers de candidats. Ceux-ci ont besoin d'avoir en mains les documents authentiques et le calendrier précis pour leur futur départ vers le lieu de travail qu'ils attendent depuis des mois. Et si tout cela, comme de nombreux indices le montrent, n'est qu'une vaste mascarade aux relents d'escroquerie et de mystification, il est temps pour les pouvoirs publics d'assumer leurs responsabilités et de faire face courageusement à la situation. Parce que nulle justification, y compris les calculs électoralistes des uns et des autres ne justifie que l'on continue à se jouer des sentiments et des espoirs de ces milliers de jeunes compatriotes. La frustration et le désespoir risquent de coûter très cher à l'ensemble du pays.