En une année et demie, la sandale chinoise, importée massivement à des prix très bas, est parvenue à battre son homologue marocaine. Des usines ont mis la clé sous le paillasson. Un désastre. La plasturgie marocaine est l'un des secteur qui subit de plein fouet l'assaut des produits provenant de la Chine. A en croire un membre du bureau de la Fédération représentant le secteur, environ 90% des entreprises fabriquant la sandale ont soit mis la clé sous la paillasson, soit licencié par paquets. En une année et demie à peine, ce secteur qui emploie 60 000 ouvriers déclarés (essentiellement entre Casablanca et Marrakech) est passé d'une situation de prospérité croissante à celle de crise. La paire de sandales chinoises est introduite au Maroc au prix moyen de 2,24 dirhams, d'après l'Office des Changes. Même en appliquant des droits de douane de l'ordre de 90%, elle se retrouve dans le marché avec des prix nettement inférieurs au coût de revient de la paire de sandales marocaine, soit 10 dirhams. La différence est énorme pour deux produits quasi-identiques. Dans leurs revendications adressées aux autorités concernées, les plasturgistes jugent qu'en déça d'un prix de 6 dirhams , les usines marocaines ne pourront guère opposer une concurrence aux sandales importées de Chine. Des revendications demeurées à ce jour lettre morte. Pour les industriels marocains, il est quasiment impossible de concurrencer les chinois sur de quelconques réductions de coûts. Si l'ouvrier marocain perçoit entre 1.500 et 1.600 dirhams le mois, son homologue chinois se contente de 20 à 40 dollars (200 à 400 dirhams), suivant la région. De plus, l'électricité coûte trois plus cher au Maroc qu'en Chine où, par ailleurs, les charges sociales et patronales sont réduites à leurs plus simples expressions. Les plasturgistes disent même que leurs homologues chinois ne s'acquittent d'aucune charge sociale et qu'ils sont exonérés d'impôts comme l'IS ou la patente. Cela sans parler des subventions à l'export (appelés aussi encouragements à l'export) que Pékin accorde généreusement à ces opérateurs. Le gouvernement chinois achèterait lui-même la matière première qu'il revendrait à des prix «étudiés» aux privés. Au Maroc, ce système n'existe pas. Les différents fabricants s'approvisionnent auprès d'une société, la SNEP, qui, elle-même, commence à enregistrer une baisse des commandes due à la concurrence chinoise. Dans ces conditions, déclare un industriel marocain, dire, comme l'ont suggéré doctement quelques fonctionnaires du ministère du Commerce, «que nous pouvons battre la sandale chinoise à condition de nous mettre à niveau, c'est comme croire qu'une personne aux pieds liés peu arriver première dans une course, devant un athlète». Par conséquent, la solution est d'ordre gouvernemental et non industriel. Mais du côté du gouvernement, les marges de manœuvre semblent aussi réduites. Les multiples réunions tenues avec le ministère du Commerce et celui de l'Industrie n'ont rien donné. L'Etat n'arrive toujours pas à trouver les moyens de faire en sorte que les prix déclarés de la paire de sandales chinoises arrivent au seuil de 6 dirhams. Signataire des accords de l'OMC, comme l'explique-t-on dans les rouages de ces ministères, le Maroc ne peut pas augmenter les droits de douane du jour au lendemain, encore moins créer une commission de valeurs, procédé formellement interdit par l'instance mondiale. Des arguments jugés assez courts par les industriels asphyxiés par les importations chinoises et qui sont persuadés que, quelque part dans les clauses du Gatt (l'article 19), il existe bien un moyen pour un pays membre de protéger des industries quand elles sont menacées.