Face à la langue de bois du général Lamari et au silence de Bouteflika, plusieurs militaires et membres des services de sécurité ont déclaré s'attendre à une recrudescence des attentats. Mise au point. Le dernier carnage connu remonte à la nuit de mardi à mercredi. Quatorze personnes ont alors été assassinées dans différentes attaques, dans l'ouest du pays. Dix membres d'une même famille, dont quatre enfants et quatre femmes, ont été assassinés par balles dans le quartier d'El Malaab au sud de la ville de Tiaret par quatre islamistes qui se sont introduit, dans leurs domiciles en se faisant passer pour des membres des Forces de sécurité. La même nuit, quatre policiers ont aussi été tués lors d'une embuscade tendue par une trentaine d'islamistes, non loin de Gouraya, une ville côtière. Ces nouveaux carnages ont fait passer le nombre de victimes de «cette horde sanguinaire» à au moins 80 morts et 100 blessés depuis début juillet. Laissés pour morts, les islamistes avaient symboliquement frappé la veille du scrutin législatif du 30 mai. En assassinant 23 personnes, ils avaient clairement signifié aux autorités qu'ils étaient encore là au moment où les politiques en campagne promettaient d'éradiquer le «terrorisme». Et le mois suivant a été particulièrement sanglant avec plus d'une centaine de morts… Si à chaque nouveau massacre, la population se sent de plus en plus vulnérable, les autorités, elles, rivalisent en matière de silence. Au point d'indigner une presse de plus en plus critique vis-à-vis de «l'indécence» d'Abdelaziz Bouteflika. La seule mesure officielle de ces derniers jours a été l'annonce, mardi, du déploiement de 8.000 membres des forces de sécurité pour protéger Alger, cible privilégiée des poseurs de bombes. L'Expression a d'ailleurs souligné mardi, citant des sources militaires, que des «attentats de grandes envergures sont à prévoir dans le courant de l'été», dans l'Algérois. Le directeur général de la sûreté nationale, Ali Tounsi, y affirmait quant à lui que l'Algérie était «dans une véritable guerre» et appelait les Algériens à «aider (les Forces de sécurité) à combattre le terrorisme». Depuis les déclarations surprenantes du chef d'état-major, le général Lamari, qui avait déclaré que les groupes islamistes étaient aujourd'hui réduits, plusieurs responsables sont d'ailleurs sortis de leur silence. Intervenant dans les colonnes du quotidien d'Oran samedi, le général Fohdil Chérif, chef de la première région militaire (secteurs d'Alger et de Blida) avait pour la première fois reproché aux autorités civiles de ne pas faire leur travail. «(...) Il y a des gens qui ne veulent pas exécuter les lois et ceux qui doivent les faire respecter ne sont pas mieux(...). La responsabilité est collective». «Où est l'autorité de l'Etat ? Où est l'autorité de la commune ?», s'était-il interrogé. Mardi, Ali Tounsi a pour sa part indiqué que les attentats sont désormais l'œuvre de nouveaux groupes armés, «formés d'anciens détenus» (libérés avec la concorde civile) et qui veulent «mettre la capitale à feu et à sang». Un danger d'autant plus fort que ces nouvelles recrues disposent «de relais inconnus et de moyens sans doute importants», tout en aidant le GIA. Selon Khaled Ziari, l'attentat de Larbâa (38 morts) «constitue une véritable gifle à l'endroit des décideurs qui ne cessent depuis quelques jours de nous marteler, toute honte bue, que le terrorisme est vaincu». Dans les colonnes du Matin de jeudi, ce responsable des services de sécurité publique et de lutte antiterroriste déplorait aussi que «Alger continue de subir l'ivresse intégriste. C'est le triste sort réservé aux Etats faillis à représentativité réelle vacante», expliquait-il. «Dix années de lutte antiterroriste, de gesticulations déplacées et de discours saupoudrés. Mais rien n'a changé»… Et M. Ziari d'ajouter que «quand on entend le plus haut gradé de l'ANP (armée) affirmer en public que le terrorisme est vaincu (…) il y a de quoi s'inquiéter». «La situation demeure d'autant plus préoccupante puisque ce nombre est appelé à être revu à la hausse dans la mesure où comme le reconnaît ce général (Lamari), les intégristes continuent de produire des terroristes. Sans compter avec les frasques du pouvoir qui, lui, suscite d'autres violences susceptibles de conduire à de nouvelles formes de terrorisme».