L'épineux problème des retards de décaissement de la Caisse de compensation prête à confusion. Certains opérateurs, pour faire pression sur l'Etat, agitent la menace d'une rupture de stock. L'autorité de tutelle est catégorique : aucun risque à craindre. Le risque de rupture d'approvisionnement en gaz butane, produit à caractère social, est-il réel ? Le ministre de l'Energie et des Mines, Mohamed Boutaleb est catégorique : « L'approvisionnement du Royaume en gaz butane se poursuit et se poursuivra conformément au plan d'approvisionnent initialement prévu». Le ministre de tutelle va jusqu'à assurer, contrairement aux informations véhiculées ces derniers temps, que la sécurisation de l'approvisionnement est bien maîtrisée. Par conséquent, s'il y a problème, il est assurément ailleurs. Dans les faits, certains professionnels (leaders sur leur marché) ont tenu à exercer la pression sur l'Etat afin de procéder au règlement de l'épineux problème des décaissements tardifs de la Caisse de compensation. Donc, tout amalgame entre approvisionnement et arriérés de la caisse doit être levé. Non sans excès, une certaine confusion a été entretenue. Mais de là à laisser planer le risque de défaillance d'approvisionnement ou cessation d'activité, la pression a atteint des sommets. À l'heure où nous mettions sous presse, professionnels et autorités de tutelle devaient trouver une solution, comme auparavant, à l'épineux problème de retard. L'Etat ne peut assurément pas jouer avec le gaz. En tout cas, c'est une affaire très sérieuse pour être laissée entre les mains des seuls professionnels. À la veille du mois sacré du Ramadan, le bon sens pousse à penser qu'aucun effort ne sera ménagé pour pallier à tout risque de pénurie. Afin de mieux saisir cette problématique, un détour par le marché national du gaz butane s'impose. Ainsi, la production nationale de butane et de propane est limitée aux deux raffineries de Mohammedia et de Sidi-Kacem qui ne répondent qu'à 20 % des besoins nationaux. Les 80 % restant étant structurellement importés du marché international. Ces importations proviennent à hauteur de 40 % de l'Algérie par petits bateaux aux ports de Nador, de Jorf Lasfar et d'Agadir. Le reste est principalement acheminé d'Europe de l'Ouest et d'Afrique sur le port de Mohammédia. Par produit, les achats de butane sur le marché international se sont appréciés en moyenne de 5,7 % entre 1995 et 2002, atteignant 923 046 tonnes en fin de période. Une fois importé, le butane est acheminé vers les centres emplisseurs. Au nombre de 30 à fin 2002, selon une étude de la banque d'affaires BMCE Capital, ces centres disposent d'une capacité d'emplissage de 1,2 million de tonnes. Ils constituent l'interface entre la raffinerie et les importateurs d'une part et les distributeurs d'autre part. En outre, ils offrent une possibilité de stockage additionnelle de 66 000 tonnes pour les opérateurs du marché, s'ajoutant aux cavités souterraines dont dispose SOMAS (centre de stockage de Mohammédia) d'une capacité globale de 120 000 tonnes. En 2002, ces centres ont réalisé un volume de 1,12 million de tonnes de butane conditionné, en hausse de 7 % par rapport à 2001. La consommation marocaine des gaz de pétrole liquéfiés (GPL) s'est inscrite sur un trend haussier durant la dernière décennie, marqué par un doublement des volumes. En effet, cette consommation a atteint 1.260 tonnes métriques en 2002 comparée à 593 tonnes métriques en début de période, soit un taux d'accroissement annuel moyen de 6,5 %. Cette consommation est dominée à hauteur de 90 % par le butane qui, considéré comme un produit social, bénéficie d'un niveau élevé de subventions étatiques, soit 1 milliard de DH par an. La demande marocaine en butane évoluait annuellement de plus de 10 % jusqu'à la fin des années quatre-vingt. Depuis, la consommation a connu un ralentissement, limitant sa croissance annuelle à un taux moyen de 6,4% entre 1990 et 2002. « Cette situation se justifie par la saturation du marché et par le changement des habitudes des ruraux. En effet, ceux-ci utilisaient le butane comme source d'éclairage avant l'électrification de leurs zones d'habitations », précise l'étude BMCE Capital. Sur le marché marocain, le butane est commercialisé sous trois formes : en bouteilles de 3 kg ou de 12 kg et en vrac. Les ventes des bouteilles des 3 kg se sont élevées à 380924 tonnes en 2002 contre 367285 tonnes en 1998, soit un taux d'accroissement annuel moyen de 0,9 %. Leur part dans les ventes globales s'est néanmoins rétrécie sur ladite période, se fixant à fin 2002 à 33 % comparé à 39 % à fin 1998. Celles des 12 kg ont, pour leur part, connu sur cette même période une évolution plus importante, atteignant en 2002 un volume de 730966 tonnes contre 555431 tonnes au terme de l'année 1998. L'augmentation sensible des ménages équipés en cuisinières à gaz modernes génère une demande supplémentaire pour la bouteille de 12 kg au détriment de la petite bouteille. En revanche, bien qu'elles aient affiché une hausse moyenne de 13,7 % sur la période 1998-2002, la part des ventes en vrac reste limitée à 3 % du marché national du butane. Côté distribution, le marché marocain de butane est contrôlé à hauteur de 60 % par trois opérateurs. TISSIR PRIMAGAZ accapare 31 % de part de marché de butane, suivie de SHELL et de AFRIQUIA GAZ dont les parts en 2002 se sont montées à 18 % et à 11 % respectivement. Hormis TISSIR PRIMAGAZ dont la structure des ventes en 2002 est dominée par la bouteille de 3 kg, l'ensemble des sociétés de distribution commercialise principalement le butane conditionné en bouteilles de 12 kg. Les ventes de butane, vrac sont négligeables, ne dépassant pas au mieux les 10 % comme c'est le cas de Afriquia Gaz.