À la demande de la commission technique chargée de la réforme des régimes de retraite, les trois caisses de retraites les plus menacées ont fait une étude actuarielle portant sur la viabilité de leur système. Il y a péril en la demeure. Les régimes de retraite vont droit au mur. Le constat est sans appel et émane des trois caisses de retraites nationales. A la demande de la commission technique chargée de la réforme des régimes de retraite, la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite (CIMR) et le Régime collectif d'allocation de retraite (RCAR) ont précédé à une évaluation actuarielle de leurs systèmes respectifs. Ils ont remis leurs rapports aux membres de la commission qui vont se réunir le 9 septembre à Rabat, afin de remettre leurs recommandations au Premier ministre qui devrait engager une réforme des régimes de retraite. La commission se compose des directeurs des trois caisses mentionnés, d'agents des ministères concernés et de représentants de syndicats. En lisant les rapports, ils ont été confrontés à la rude réalité de prévisions littéralement catastrophiques. D'abord la CNSS. A moyen terme, les conditions de viabilité de ses prestations vont changer. Ses projections dans l'avenir ne sont pas rassurantes. Le scénario de base de la CNSS montre une dégradation du rapport démographique : on passe de près de 8 actifs pour un retraité en 2003 à 3,3 actifs pour un retraité en 2041. En d'autres termes, ceux qui travaillent ne seront plus en mesure de payer pour ceux qui sont à la retraite. Et sans se projeter très loin dans le temps, le scénario, basé cette fois-ci sur le taux actuel de cotisation (11,89%), démontre un déséquilibre entre les cotisations et les prestations dès 2005. En 2003, les cotisations ont été de l'ordre de 3.921 millions de DH pour des prestations de 3.800 MDH. La supériorité des cotisations sur les prestations touchera à sa fin en 2005, soit 4.446 MDH pour 4.553 MDH. Mais, compte tenu des réserves, elle n'entraînera pas immédiatement un déficit dans le solde financier. Le déséquilibre commence en 2011 avec un solde financier de moins de 520 MDH alors qu'il était de plus de 606 MDH en 2003. Ce scénario de catastrophe imminente est ajourné de 10 ans avec un taux de cotisation de 15,8% et de 30 ans et un taux de cotisation de 21,9%. Ainsi, la CNSS ne donne pas de solution pour éviter le déséquilibre, mais laisse supposer qu'une augmentation des taux de cotisation peut la retarder de plusieurs années. Rien de tel pour la CIMR. Le rapport met en évidence «la dégradation irréversible de l'équilibre technique de la caisse en l'absence de toute mesure corrective». La représentation graphique, qui montre l'évolution du fonds de réserve de la caisse sur 60 ans, fait ressortir une situation négative dès 2012. En clair : «A partir de cette date, la CIMR ne sera pas en mesure d'honorer ses engagements». D'ailleurs, ce rapport enfonce encore plus le clou en soulignant «le caractère inéluctable du déséquilibre». Le rapport de la CIMR se penche sur les causes de cette situation, mais ne préconise pas de solutions. Parmi les causes dénombrées, on trouve les revalorisations successives des retraites dans les années 80 et 90. La «générosité» et les «largesses» de la CIMR ne sont pas toutefois les seuls motifs de faillite pointés du doigt par l'étude. «La CIMR, comme tous les régimes de retraite de par le monde, se voit confrontée à l'allongement de l'espérance de vie et donc à l'augmentation de sa charge globale. Ainsi la durée moyenne du service de pension est passée de 9 à 13 ans, le 1er trimestre de 2002». En ce qui concerne le rapport du RCAR, établissement public dont la gestion est confiée à la Caisse de dépôt et de Gestion (CDG), il est moins alarmiste que les précédents. Il faut reconnaître que les engagements des actifs du RCAR, constitués des cotisations salariales (6%) et des contributions patronales (12%), ont augmenté de 10% en une année, passant de 45 767 MDH en 2002 à 50 403 MDH en 2003. Cette hausse est surtout due à la prise en charge de la caisse des retraites de la Régie des Tabacs. Les projections dans l'avenir aboutissent cependant à une insuffisance de trésorerie en 2045 – horizon de viabilité du régime. «Ainsi en l'absence de mesures correctrices, le régime sera en cessation de paiement à l'horizon 2045», conclut le rapport. La CNSS a mené l'étude en interne, alors que la CIMR et le RCAR se sont adressés à des cabinets étrangers. Les trois rapports soulignent l'urgence de se pencher sur un dossier explosif si le gouvernement veut éviter un déséquilibre total et irréversible des caisses nationales de retraite .