Fatima malmène mortellement son nourrisson de huit mois et accuse son mari d'infanticide. La cause : elle le déteste parce qu'il la traite comme une domestique. «Allo !, la police ? Nous avons reçu, ce soir, aux urgences de l'hôpital le cadavre d'un nourrisson de huit mois». Le policier qui se charge de la salle de trafic avise le service de permanence de Derb Soltane-El Fida. Le commissaire et ses éléments se dépêchent sur les lieux, accèdent aux urgences, entament le constat d'usage. Le cadavre est celui d'un nourrisson de sexe féminin, présentant des traces de violences, notamment au niveau de la joue gauche et une ecchymose près de l'oreille gauche. Le commissaire s'adresse au médecin. «Où sont ses parents ?». Le médecin les lui montre. Le commissaire leur demande de s'approcher, puis de le suivre dans le bureau du médecin. Son adjoint ouvre un dossier pour entamer la rédaction d'un procès-verbal de constat d'usage. Le commissaire appelle d'abord le père ; Mohamed, vingt-neuf ans, bigame, père de trois enfants, commerçant. «Ma petite Imane dormait sur son lit, d'une hauteur de 50 centimètres quand elle est tombée par terre et elle s'est évanouie», explique-t-il au commissaire…mais je n'étais pas dans la chambre, j'étais sur le seuil de l'immeuble…». Mais ses dires son réfutés par son épouse. Fatima, vingt-sept ans , est formelle : «J'ai entendu les cris de ma fille…quand j'ai couru vers la chambre pour voir ce qu'il se passait, j'ai croisé mon mari qui en sortait …». Les enquêteurs se rendent aussitôt vers la demeure du couple à Derb El Fouqara, qui est composée de quatre chambres. «J'étais dans la cuisine quand elle dormait sur le lit de cette chambre», leur précise la mère. «Je ne pense pas que la fille aurait pu mourir si elle était tombée de cette hauteur…Elle aurait pu être blessée, une fracture tout au plus, mais pas la mort…», confie le commissaire à son adjoint. Le lendemain, les enquêteurs avisent le parquet général près la cour d'appel de Casablanca. Il leur donne ses instructions pour mettre le couple en garde-à-vue. Mohamed avait deux enfants avec sa première épouse. Mais il est tombé amoureux de sa cousine, Fatima. Leur relation a dépassé l'échange des paroles et des tours dans la ville. Et Fatima tombe enceinte. Ils ne peuvent plus cacher leur liaison, qui est devenue une réalité difficile à dissimuler. A son septième mois, ils se sont mariés. La première femme de Mohamed n'a pas refusé. Elle a même admis et accueilli Fatima, au point qu'elles ont cohabité sous le même toit. Elles sortent, bavardent, conversent ensemble. Les habitants du quartier sont intrigués par cette relation amicale entre les deux épouses de Mohamed. «Sa première femme se comporte bien avec moi, contrairement à lui » affirme Fatima aux enquêteurs. Et d'ajouter qu'une fois leur fille Imane née, il a commencé à la maltraiter. «Il m'a dit un jour qu'il ne m'aimait plus» dit-elle. Le jour J, affirme-t-elle aux enquêteurs, elle lui a préparé son petit-déjeuner. Il est resté dans la chambre en train de regarder la télévision. Sa fille dormait dans l'autre chambre. Réveillée par la suite, elle commence à pleurer. Elle la met dans les bras de son mari et retourne à sa cuisine. Quelques minutes plus tard, elle entend des cris de la petite. «Qu'est ce qu'il lui arrive ?», s'interroge-t-elle. Elle jette tout ce qu'elle avait en mains, se dirige vers la chambre. «J'ai été choquée par la scène que j'ai vue, dit-elle…Mon mari était en train de gifler violemment Imane…et il l'a jeté par terre à deux ou trois reprises…je n'ai pas pu intervenir, il était cruel comme un possédé à ce moment…». Le nourrisson a perdu connaissance. «Je me suis approchée d'elle. Elle s'est évanouie…Je l'ai emmenée aux urgences de l'hôpital…Là, mon mari et sa première femme m'ont rejointe et m'ont demandé de déclarer à la police que Imane est morte suite à une chute du lit…» ajoute-t-elle. Mohamed reste bouche-bée devant les déclarations de sa deuxième femme. «Pourquoi m'accuse-t-elle d'infanticide ?», s'interroge-t-il devant le commissaire. «A l'heure du drame, je n'étais pas à la maison. Je ne sais pas ce qui s'est passé au juste, crie-t-il. Quand je suis arrivé à la maison, Fatima m'a dit qu'elle emmenait Imane aux urgences et je lui ai donné 100 dirhams. L'enquête policière a pris le chemin des témoins. «Elle violentait son nourrisson», témoigne l'un. «Mohamed ne maltraite personne», dit un autre. «Mohamed ne malmène pas ses enfants, il les éduquait de façon moderne. J'ai eu deux enfants avec lui…», dit sa première femme. Les enquêteurs recourent à la confrontation entre le couple. Mais en vain. Fatima ne cesse d'accuser son mari d'infanticide. A ce moment, le rapport de l'autopsie tombe : le cadavre ne présente aucune trace de blessure ou de fracture au niveau de la tête. «Et pourquoi donc as-tu affirmé que ton mari a jeté violemment Imane à terre ?», l'interroge le chef de la brigade. Fatima fond en larmes. «Je ne voulais pas la tuer…c'est ma fille.», commence-t-elle à crier dans le bureau. Le commissaire et son adjoint tentent de la calmer «Tout va bien se passer Incha Allah si tu coopères avec nous…». Fatima ne cesse pas de gémir. «je voulais seulement qu'elle se taise, qu'elle dorme pour que je termine mes affaires, affirme-t-elle. Je l'ai giflée…oui je l'ai giflée au point qu'elle en a perdu connaissance…». Mais pourquoi a-t-elle accusé son mari ? «Une fois que je me suis rendue compte de la mort d'Imane, j'ai pensé à faire porter le chapeau à mon mari parce qu'il me traitait comme une domestique au point que mon amour pour lui s'est transformé en mépris», conclut-elle, avant de signer son PV.