Dès les premiers jours après son accouchement, Zahra laissait sa petite fille sans nourriture durant une bonne partie de la journée. Deux semaines plus tard, elle a découvert son bébé mort d'inanition. Dans quelles circonstances Zahra et Ali se sont-ils rencontrés pour former un couple et fonder un foyer? Leurs voisins à Chemmaia, dans la région de Youssoufia, province de Safi, n'en savent rien. Ils ne les connaissaient même pas avant de les voir séjourner dans leur quartier. Au fil du temps, ils ont appris, de bouche à oreille, qu'ils sont des mendiants qui passent leurs journées à rôder dans les ruelles pour demander l'aumône. Avant de se marier, il y a plus d'un an, Zahra et Ali se croisaient de temps en temps dans les souks et les rues de la région de Chemmaia. Bien qu'ils soient encore jeunes, ils ont appris depuis belle lurette toutes les ruses et les astuces de la mendicité. Certes, la pauvreté les a obligés, au départ, à tendre leurs mains aux gens à les aider à vivre. Seulement, au fil des jours, des mois et des années, la mendicité est devenue pour eux une profession qui leur rapporte gros au point qu'ils n'ont plus pu l'abandonner. Ces croisements presque quotidiens entre Zahra et Ali leur ont permis de se connaître et d'établir une relation amicale. Au fil du temps, cette relation a cédé la place à un amour mutuel. Depuis, ils se rencontrent une fois leur “travail“ fini, pour bavarder, plaisanter et s'amouracher. D'une rencontre à l'autre, ils ont fini par décider de se marier. Une petite fête familiale était suffisante pour qu'ils entament une vie conjugale sans problème. Ils sortaient quotidiennement avant 8h du matin pour retourner chez eux vers 16h. Plus de huit heures de travail acharné pour se réfugier par la suite dans leur foyer, prendre leur déjeuner et compter la recette journalière. De coutume, chacun d'eux prenait un chemin à part pour mendier sans croiser l'autre lors du travail. Quatre mois plus tard, Zahra est tombée enceinte. Leur attente d'un nouveau-né était doublée d'une joie extrême. Le premier, le deuxième, le troisième…et le huitième mois de sa grossesse sont passés et pourtant Zahra continuait à sortir dans la rue pour mendier. Son mari ne lui permettait pas de prendre du repos en restant chez elle, même pas pour une journée. Il ne pensait qu'à l'argent qu'il doit amasser. Lors du dernier jour de son neuvième mois de grossesse, Zahra était à la rue en quête d'un bienfaiteur. Tout à coup, elle a commencé à sentir les premières douleurs de la gestation. Soutenue par des bienfaiteurs, elle a été transportée à l'hôpital pour accoucher d'une petite fille. Zahra est très gaie. Elle n'a jamais pensé être une mère, ni son mari être un père. Très heureux, il a rejoint sa femme à l'hôpital pour lui rendre visite et lancer un premier regard sur sa fille. Cette dernière entre ses bras, il a emmené sa femme à la maison. Deux jours après l'accouchement, il lui a demandé d'abandonner le lit pour reprendre le travail. Il n'a pas pu admettre qu'elle reste chez elle pour récupérer ses forces au moins pour une semaine. Elle doit retourner à la rue pour chercher les sous. Et elle a commencé son activité en rôdant une fois encore dans les rues et les souks de Chemmaia et de Youssoufia, de 8h à 16h. Et le nouveau-né ? Qui se chargera de lui? Qui veillera sur sa nourriture ? Personne. Ali a expliqué à sa femme qu'elle n'allait pas mourir de faim s'ils la laissaient durant huit heures sans nourriture. Depuis, ils l'abandonnaient jusqu'à leur retour vers 16h pour la nourrir. La première semaine est passée, puis les premiers jours de la deuxième semaine. Toujours le même scénario : Sortir vers 8h après avoir allaité le bébé, parcourir Chemmaia et sa périphérie, puis le retour vers 16h pour manger et nourrir le nourrisson. En début du mois d'août, lorsque le couple est retourné chez lui, il a trouvé le nourrisson corps sans âme. S'agit-il d'une mort naturelle ou d'une mort par inanition ? Zahra a fondu en larmes. Elle n'a pas pu imaginer que sa petite fille ne soit plus de ce monde, qu'elle sera enterrée sans la revoir une fois encore. Elle a commencé à en vouloir à son mari qui l'incitait à mendier bien que leur fille soit encore un nourrisson. Celui-ci lui a demandé de se taire et de dissimuler le secret de la mort de leur fille. Où devait-il cacher le cadavre ? Il l'a emmené jusqu'à un terrain vague et l'a enterré sans aviser les autorités publiques. “Et si tu divulgues à qualqu'un ce que tu as vu je te tuerai“ l'a-t-il menacée avant de retourner chez eux. Toutefois Zahra n'a pas pu concevoir la perte de sa petite fille et s'est dirigée, le lendemain matin, vers le poste des gendarmes pour les alerter. Ces derniers se sont dépêchés sur les lieux où la fille a été enterrée. Ils ont découvert son cadavre qui a été exhumé pour être soumis à l'autopsie. La mère a aussitôt été arrêtée et présentée devant le parquet général près la Cour d'appel de Safi qui a décidé sa poursuite en état de liberté provisoire. Son mari, qui a pris la fuite, actuellement recherché.