Si l'on pouvait bien s'attendre à un Allemagne-Brésil en finale de la Coupe du monde, on était loin de croire que le match de classement allait opposer la Turquie et la Corée du Sud. Le football change. Une leçon est à apprendre. C'est l'heure de la grande finale en Corée du Sud et au Japon. Ce week- end verra l'Allemagne et le Brésil se disputer un titre auquel les deux formations, l'ayant remporté à maintes reprises, ne sont pas étrangers. Ce qui est fabuleusement étrange, c'est le match de classement pour la troisième position. Un Turquie-Corée du Sud, prévu samedi prochain à Daegu (Corée du Sud), inédit dans les annales de la Coupe du monde. Deux équipes méconnues du grand public, aux allures modestes, mais qui ont tout simplement renversé la hiérarchie du football mondial. Pour l'étonnante Corée du Sud et la surprenante Turquie, cette «petite» finale constitue le premier podium mondial de leur histoire. D'ores et déjà première équipe d'Asie à atteindre le seuil des demi-finales d'un Mondial, la Corée du Sud, co-organisatrice de cette édition 2002 avec le Japon, pourrait donner plus d'éclat à ce record en devenant la première nation du continent à décrocher une médaille de bronze. Il aura fallu que la grande équipe d'Allemagne, triple - en attendant peut-être mieux - championne du monde, intervienne pour barrer, mardi à Séoul, la route aux Sud-Coréens. Fatigués, les hommes en rouge se sont inclinés 0-1 face à la Mannschaft. Mais quoi qu'il en soit, les Coréens ont prouvé à quel point la cartographie du football a changé. La belle aventure de la Corée du Sud a été saluée dans toute l'Asie comme une démonstration de maturité symbolisant les progrès du football sur l'ensemble du continent. Peu médiatique, mais terriblement efficace, la Turquie, deuxième demi-finaliste du Mondial-2002 et dernier quart de finaliste de l'Euro-2000, encore qualifié, est le pays européen dont le football a le plus évolué au cours de la dernière décennie. «Nous avons fait notre révolution et tout est désormais possible », estime le sélectionneur Senol Gunes, qui a raccroché ses gants à l'âge de 45 ans avec Trabzonspor, le club de sa vie. La reprise en main, à la fin des années 80, par de riches hommes d'affaires, d'institutions turques, a permis de doper les clubs qui se sont ouverts aux autres cultures footballistiques avec l'arrivée de joueurs étrangers comme les Nigérians Jay-Jay Okocha et Daniel Amokachi ou le Brésilien Mario Jardel. Une tendance toujours d'actualité. Le championnat Turc a, dans le même temps, développé les écoles de football et s'est mis à son tour à exporter ses meilleurs éléments. Ainsi, sur les 23 joueurs qui participent à l'aventure en Asie, onze évoluent en Italie, en Espagne, en Allemagne bien sûr, et même en Angleterre. Le football turc est depuis longtemps plein d'énergie, passionnant et même parfois violent. La plupart des clubs du pays, et notamment les grandes équipes d'Istanbul, ont été fondés avant même l'instauration de la République en 1923. Des équipes telles que Galatasaray, Fenerbahce ou Besiktas font ainsi partie des plus vieilles institutions de ce pays jeune, ambitieux et passionnément chauvin. Le véritable détonateur de cette réussite a été l'éclosion de Galatasaray, vainqueur de la Coupe de l'UEFA 2000 et de la Supercoupe. Qualifiée par le biais d'un match de barrage contre l'Autriche, après avoir échoué sur le fil en raison d'une défaite contre la Suède, mais forte de ses joueurs, la formation turque a donné l'exemple à tous les «petits» pays qui ambitionnent d'avoir un football digne de ce nom. Une leçon est à retenir.