Pour Rachid Belkahia, président de la Commission d'éthique au sein de la CGEM, l'échec de banques publiques comme la BNDE est dû à la double responsabilité du top management, qui a un devoir non seulement d'orientation, mais aussi de contrôle, et à celle du modèle économique sur la base duquel ces banques ont fonctionné. ALM : Quel est votre regard sur la gestion des banques publiques au Maroc, dont certaines connaissent un échec retentissant ? Rachid Belkahia : Dans toute analyse d'une situation d'échec, deux types de facteurs sont relevés. Le premier est lié à des facteurs exogènes, en rapport avec l'environnement économique de manière générale. Le deuxième est lié à des raisons propres au mode de fonctionnement de la banque. Dans le cas de plusieurs banques, dont certaines ont réussi leur redressement de manière extraordinaire, contrairement à d'autres, c'est surtout cette deuxième catégorie de facteurs qui a primé. Dans toute organisation, qu'elle soit publique ou privée, il existe des mécanismes de gouvernance et de gestion à même de tirer la sonnette d'alarme et permettre à une structure de réagir et prendre des décisions au bon moment. Ça n'a pas été le cas de structures comme la BNDE. Partant du cas de la BNDE, comment la qualité du management peut-elle participer à l'échec d'une structure ? Dans le schéma classique du bon gouvernement d'entreprise, le top management, incarné par le conseil d'administration et la direction générale, se doit non seulement de dresser une vision stratégique pour l'entreprise, mais il a aussi, un devoir de contrôle. La qualité de l'équipe qui a cette charge est en soi une garantie de la transparence et de la qualité de l'information financière et des comptes. La pérennité d'une structure dépend du rôle d'orientation stratégique du conseil d'administration. Des orientations claires avec des statuts et des missions précises. Là, c'est le principe de responsabilité qui entre en jeu… Une responsabilité quelque peu biaisée de par le passé. Et pour cause, plusieurs conseils d'administration étaient présidés par le ministère de tutelle, dont le rôle devrait se limiter à fixer les grandes orientations, sur le plan macro-économique. Aussi bien l'indépendance que la responsabilité, d'un succès comme d'un échec, s'en trouvaient floues. Le top management est-il le seul responsable ? Qu'en est-il du modèle économique ayant mené à l'échec de plusieurs banques publiques ? Il est clair qu'il y a lieu de revoir les modèles économiques sur la base desquels des structures comme la BNDE ont été créées. Pour ne citer que cette banque, il est important de rappeler qu'au moment de sa création, et en l'absence d'une épargne nationale, cette banque a joué un rôle très important sur le plan économique. On lui doit la création non seulement de quelques grandes entreprises nationales, mais aussi l'émergence de plusieurs secteurs d'activité. Mais dans le contexte actuel, marqué par une grande ouverture économique du Maroc et par une libéralisation tous azimuts, cette mission, ainsi que tout le schéma de base est à repenser. Idem pour la CIH, dont la création se justifiait par la nécessité de financement de l'immobilier dans un contexte économique où les banques traditionnelles ne s'impliquaient pas dans ce secteur. Maintenant, cette banque doit affronter une rude concurrence de la part des autres établissements bancaires, désormais tous impliquées dans ce secteur. Il faut mentionner également l'exemple de la Caisse marocaine des marchés, dont le rôle était de financer les entreprises qui travaillent pour l'Etat et qui est désormais confrontée à une grande concurrence, avec des taux très compétitifs. Le monde change, l'économie marocaine ainsi que le système bancaire changent. Une nécessaire adaptation des banques précitées est à mettre en œuvre. Quelles sont les valeurs sur lesquelles doit reposer cet effort d'adaptation ? S'adapter suppose un système de management ouvert, flexible et transparent. Le tout avec, en prime, l'obligation de rendre des comptes, corollaire de la responsabilité.