La vie loin du pays d'origine est parfois empreinte de nostalgie, particulièrement en certaines périodes. Le mois de Ramadan est notamment l'un de ces moments où les immigrés de religion musulmane ressentent le plus le mal du pays. Vivre en effet le Ramadan dans un environnement étranger à nos coutumes et bien loin de l'atmosphère qui règne dans les pays musulmans en ce mois de jeûne n'est pas chose aisée. Au Québec, les Marocains installés dans cette belle province du Canada tentent de reproduire tout au long du mois le climat de notre cher pays d'origine. Par endroit, dans certains quartiers à forte concentration maghrébine, même la torpeur qui enveloppe nos villes en ce mois de jeûne à certains moments de la journée est au rendez-vous. 17 h, encore plus de 3h45 mn à tenir avant le ftour ; au cœur du quartier Le petit Maghreb, sur la longue et célèbre rue Jean Talon, les cafés tenus en majorité par des maghrébins si habituellement pleins, sont quasiment vides tout au long de la journée. Quelques clients mais qui ne consomment rien regardent les grands écrans de télé et tentent de faire passer le temps. Dehors, la rue est plutôt calme et visiblement imprégnée de l'ambiance du moment. Un peu plus loin, toujours dans le voisinage, l'activité de la surface commerciale intermarché de la localité semble également vivre au rythme du Ramadan. En fin d'après-midi, les rayons d'aliments frais, notamment ceux de la boucherie, semblent avoir été dévalisés. Au niveau de la boulangerie-pâtisserie, la demande est aussi grande. Chabakia, briwates, rien ne manque, l'offre est conséquente. A quelques blocs de là, toujours sur la rue Jean Talon, l'ambiance est à la préparation du ftour au restaurant Argana. Soumeya, une jeune marocaine trentenaire, tient son fonds de commerce d'une main de maiître et mise depuis son ouverture sur la clientèle famille. Harira, batbout, Sellou, Chabakia, tagines de poulet et de viandes, le menu est entièrement marocain et varie au jour le jour suivant l'offre sur le marché et aussi les idées de la gérante. «Nous offrons une cuisine marocaine avec des mets entièrement faits maison. Ceci de manière à ce que le client sente comme s'il mangeait chez lui dans son pays, le tout dans un décor artisanal entièrement marocain», souligne-t-elle. L'aventure dans laquelle la jeune femme s'est lancée depuis septembre 2014 est une entreprise qu'elle mène avec son époux, initiateur du projet. Installée au Québec depuis 2006, cette maman de quatre enfants a tout d'abord enchaîné les diplômes et les certificats à UQAM (Université du Québec à Montréal) et à HEC Montréal (Hautes études commerciales de l'université de Montréal). Aujourd'hui elle est polyvalente dans la gestion de son restaurant et souvent derrière les fourneaux mais aussi au service de la clientèle. Autre lieu, au cœur de Montréal, l'ambiance du Ramadan est aussi présente à l'université Concordia dans un esprit de partage. Comme chaque Ramadan depuis 15 ans environ, la MSA (Muslim student association), créée dans les années 70, organise chaque mardi et mercredi un ftour ouvert à tous. Ainsi, toute personne même non musulmane désireuse de partager un ftour offert gratuitement peut se rendre au septième étage du bâtiment de l'université Concordia les jours indiqués. Au rendez-vous, des étudiants bénévoles qui assurent l'organisation et le service du repas. Il est près de 20 h, ce mercredi, Rim, une jeune étudiante tunisienne, membre de l'association, s'affaire pour mettre sur les tables les boîtes repas et les couverts. Au menu, lait et dattes ainsi que salade de concombres et tomates, sans oublier du poulet accompagné de riz. Les participants de toutes les nationalités ce jour-là sont au nombre de 100. «Leur nombre est en augmentation, la semaine dernière ils étaient 70 environ», se réjouit Rim. Elle explique que l'opération se perpétue chaque année grâce à une subvention de l'université et des dons de toute part. Toujours au cœur de Montréal, pas très loin du quartier des spectacles, sur la rue Saint-Laurent, le climat est empreint de spiritualité. Pendant que le festival du jazz bat son plein sur la place des arts, situé pas très loin de là, vers 22h30 des gens de tous âges, certains habillés de djellabas se dirigent vers l'entrée d'une mosquée implantée dans la localité. C'est l'heure des prières d'Al Ichaâ et des Tarawih. Sur la même artère, jeans, shorts et robes, des Québecois font la queue devant une discothèque. A chacun son monde, à chacun ses convictions. Le tout dans une ambiance de respect et de tolérance. DNC à Montréal Malika Alami