Les bonnes. Ces créatures qui sont généralement issues de la campagne ou de la périphérie des grandes villes sont livrées à une exploitation. Le vide juridique en la matière aggravante une situation révoltante. Explications… Les bonnes, petites filles ou femmes âgées. L'emploi de ces créatures continue de faire l'objet des débats des différentes composantes de la société civile. Issues généralement du monde rural ou de la périphérie des grandes villes, elles travaillent, parfois, dans des conditions inhumaines, en contrepartie des salaires souvent dérisoires. Le dénuement, l'ignorance des parents mais aussi la destruction de la cellule familiale constituent les principales causes qui sont à l'origine de ce phénomène qui prend de plus en plus l'ampleur dans notre société. Et l'absence de lois réglementaires cette «profession» aggrave davantage la situation. Ces dernières années, l'emploi, de ces bonnes, passe généralement par des intermédiaires. Fatma M. 41 ans, divorcée et mère de trois enfants, a transformé sa petite demeure, une pièce plus cuisine, au quartier Ksar Labhar à Rabat en une agence d'intermédiation. Son téléphone portable et son adresse sont mentionnés sur des opuscules qu'elle distribue dans les parkings et aux feux rouges des principaux carrefours de la ville. «J'ai travaillé en tant que bonne pendant plus de onze ans dans plusieurs foyers à Rabat et à Casablanca. Maintenant, mon état de santé ne me permet pas d'exercer cette dure activité. Depuis trois ans, j'ai commencé l'intermédiation dans ce domaine. Mon expérience m'a permis d'avoir une parfaite connaissance des rouages de ce monde et les problèmes que vit la bonne», souligne Fatma. Sa demeure est devenue une destination pour les chercheuses de ce type d'emploi. Elle reçoit la bonne dans sa petite maison. «Je lui demande ses coordonnées et je la conseille, avant de l'emmener chez un de mes clients», dit-elle. Et de préciser qu'elle n'exige pas une commission définie pour son service d'intermédiation. «Des fois, l'employeur se trouve généreux et me donne jusqu'à mille dirhams. Dans certains cas, c'est beaucoup moins. C'est ma seule source pour subvenir aux besoins de mes enfants», ajoute-elle. Le travail de Fatma ne se limite pas à ce stade. En cas de problèmes entre les deux parties, elle est la première à intervenir. «Je connais très bien ce qui arrive dans ce secteur. Cette semaine, un employeur a abusé sexuellement de sa bonne, âgée de 35 ans. Le matin, la victime rentre chez-moi. Quelques heures plus tard, sa maîtresse de maison appelle pour savoir les raisons qui l'ont poussées à quitter le foyer de cette manière. En même temps son mari me contacte et me demande de convaincre son épouse en imputant la faute à la bonne. Car ce sont d'autres problèmes qui vont éclater à la maison», précise l'ancienne bonne. Devant des situations pareilles, Fatma tente, tant bien que mal, de régler les problèmes à l'amiable, mais il paraît d'après ses déclarations que les droits de la bonne sont bafoués. C'est encore, la loi du plus fort qui est de mise.C'est un monde injuste, dit-elle, en racontant, lors de son expérience, comment elle acceptait de manger un petit morceau de pain à la cuisine au moment où ses employeurs se trouvent autour d'une table, bien garnie, qu'elle a préparée par ses propres mains. Du côté des bonnes, c'est le même son de cloche. Ghalia, 24 ans, de Méchraâ Belksiri, en attente d'un emploi, chez Fatma, raconte comment elle est arrivée à Rabat. «C'est une amie de mon douar qui m'a donné l'adresse de Lalla Fatma, c'est ainsi qu'elle l'appelle. Mon père s'est remarié après la mort de ma mère et je ne peux plus rester à la maison. Je préfère travailler même dans des conditions difficiles.», dit-elle, en jetant un regard qui marque le remerciement pour Mme Fatma qui l'a accueillie. En tant qu'intermédiaire force est de constater que si Mme Fatma procède de la sorte d'autres intermédiaires en font leurs choux gras au détriment des travailleuses. Des fois, même, elles les exploitent pour monter des coups durs à leurs employeurs. Il est vrai que ces bonnes travaillent, parfois, dans des conditions qui soulèvent les cœurs et bouleversent les consciences. Elles dorment dans la cuisine et se contentent du peu que leur offrent leurs maîtresses de maison. Et dans le cas des petites filles bonnes, c'est pire encore. Il faut dire que toute personne, qu'il s'agisse d'un enfant ou d'un adulte, et quel que soit le travail qu'elle exerce, est digne de respect. Toutefois, force est de constater que la honteuse exploitation à laquelle sont livrées les travailleuses de maison est encore aggravée par le vide juridique qui caractérise notre pays en la matière. Le moins qu'on puisse dire est que notre pays est très en retard par rapport à plusieurs pays qui ont déjà, depuis belle lurette, établi des garde-fous dans ce domaine.