Le commencement a) La prophétie Le Prophète Mohammed, prière et salut sur lui, alors âgé de quarante ans, reçut pour la première fois la révélation dans la grotte de Hira où il se retirait souvent pour méditer. L'ange Jibril, que la paix soit sur lui, lui révéla les premiers versets de la sourate Âalaq (96/1-5) lui ordonnant de lire au nom du Seigneur, Créateur et Bienfaiteur. Le Prophète prit peur et ne sut ce qui lui arrivait. Ensuite, Allah lui révéla le premier paragraphe de sourate Alqalam (68/1-4) lui affirmant qu'il n'était pas un possédé, qu'il aurait une récompense jamais interrompue et qu'il était d'une moralité imminente. Il rentra chez lui et s'enveloppa d'une couverture. Jibril revint et continua la révélation avec les premiers paragraphes des sourates Al Mozzammil (73/1-9) et Al Moddathir (74/1-6) contenant deux ordres d'Allah : lève-toi la nuit (pour prier) et lève-toi et avertis. Dans une des premières apparitions au Prophète, prière et salut sur lui, Jibril lui enseigna les ablutions et la prière de deux rakâats. Ainsi, la prière existait depuis le début de la révélation alors que les cinq prières n'ont été obligatoires qu'à partir de la dixième année de l'Islam, lors de l'ascension du Prophète au ciel. Puis Allah révéla la sourate Fatiha et la révélation s'interrompit pendant six mois ; elle reprit enfin sans interruption avec la sourate Dhouha (le matin). b) Les premiers musulmans Les premiers à croire en la prophétie de Mohammed, prière et salut sur lui, furent : Sa femme Khadija. Elle l'a accompagné chez son cousin Waraqa qui était monothéiste et connaissait les anciens livres. Il a aussitôt cru au Prophète, mais il est mort peu après. Son esclave et fils adoptif Zèyd. Son cousin et futur gendre Ali Ibn Abou Talib. Son meilleur ami Abou Bakr Siddiq. Il a tout de suite commencé à prêcher autour de lui. En deux jours, onze personnes l'ont suivi dont les dix grands sahabas (compagnons) hormis lui-même, Omar et Ali : Othmane Ibn Affane, Abderrahmane Ibn Awf, Zoubeyr Ibn Âawwam, Talha, Abou Oubeyda Ibn Aljarrah, Saâd Ibn Abou Waqqaç et Saîid Ibn Zèyd, qu'Allah les agrée. Notons que la plupart en ce temps étaient des adolescents. Abou Bakr joua aussi un grand rôle en affranchissant les esclaves musulmans, hommes et femmes, dont Bilèl. c) Les premiers fondements de la religion L'Islam, parfait le jour où Allah révéla : [Aujourd'hui, j'ai parachevé pour vous votre religion] (5/3), fut construit progressivement durant vingt-trois années. Les deux premiers enseignements principaux furent : la foi dont les piliers les plus importants sont la foi en Allah et le jour dernier, puis la foi dans les prophètes. la morale qui comprend toutes les règles de bon comportement. Nous allons donc étudier comment les sahabas, les premiers convertis, ont acquis ces deux qualités de base. Le Coran se divise en sourates mecquoises (révélées à la Mecque, donc dans la période que nous étudions) et médinoises (révélées à Médine, donc plus tard). 2. La foi en Allah a) Méditation sur les créatures Allah nous enseigne (et a enseigné aux sahabas) la foi en nous invitant d'abord à méditer sur le monde visible. Ainsi, dans le Coran mecquois, Allah nous décrit plusieurs fois et en des styles différents les créatures familières ; à commencer par nous-mêmes, puis notre nourriture, les plantes, les animaux, la pluie, les mers, les rivières, les montagnes, la terre, le ciel, la lune, le soleil et les étoiles. Allah nous invite à contempler et méditer sur ces créatures pour prendre conscience de sa puissance, de sa sagesse et de ses bienfaits envers nous. Il nous explique que tout ce qui nous sert ou nous plaît, tout ce qui nous attire ou nous effraye ne sont que des créatures. Elles n'ont donc pas de valeur par elles-mêmes, et c'est vers Allah que ces sentiments doivent se diriger. C'est lui qu'il faut remercier, espérer, craindre, vénérer et adorer. Quel profit, quel enseignement pratique devons-nous tirer de la lecture de ces versets, dont le Coran foisonne ? Allah veut de nous une prise de conscience, que nous apprenions à regarder et à raisonner autrement, à dépasser le stade des créatures et reconnaître l'action du Créateur derrière. Citons quelques exemples. Allah dit : [Que l'homme regarde sa nourriture, nous avons fait descendre l'eau du ciel, puis nous avons fait fendre la terre, et nous y avons fait pousser des grains, des vignes et des légumes, des oliviers et des palmiers, des jardins touffus, des fruits et des herbages, ce sont des bienfaits pour vous et vos bêtes] (80/24-32). Allah nous demande de regarder notre nourriture. Qui ne regarde pas sa nourriture ? Le but n'est pas simplement de regarder mais de réfléchir. Qui médite sur sa nourriture ? Pendant le temps que nous passons à manger, combien de temps méditons-nous sur les bienfaits et la puissance d'Allah très visibles à travers cette nourriture ? Voici la foi demandée qu'Allah a enseigné aux sahabas. Avant de leur enseigner que telle nourriture est licite ou illicite, Allah leur a appris à prendre conscience que lui a créé cette nourriture, à ressentir la puissance et les bienfaits d'Allah à travers cette nourriture et à accroître leur foi et leur amour pour Allah tout en mangeant. Car le simple fait de ressentir qu'Allah nous a donné cette nourriture, modifie notre comportement, nous inspire le respect de la nourriture, nous incite à partager cette nourriture avec les pauvres, nous retient de l'acquérir en faisant du tort aux gens... Allah dit : [N'ont-ils donc pas observé le ciel au-dessus d'eux, comment nous l'avons bâti et embelli et comment il est sans fissures ?] (50/6). Qui donc ne voit pas le ciel ? Peut-être le voyons-nous cent fois par jour. Mais sur ces cent fois, combien de fois pensons-nous à la grandeur d'Allah ? C'est cette prise de conscience qu'Allah veut de nous. Il nous exhorte dans le Coran : [Ne voyez-vous pas ?], [Ne comprenez-vous pas ?], [N'entendez-vous pas ?]. Souvent Allah critique les inconscients : [Ils ont des coeurs avec lesquels ils ne comprennent pas, ils ont des yeux avec lesquels ils ne voient pas, ils ont des oreilles avec lesquelles ils n'entendent pas, ceux-là sont comme les bestiaux, même plus égarés encore, ceux-là sont les inconscients] (7/179). La foi qu'Allah nous demande n'est pas simplement de croire à son existence, car cette foi-là même Satan la possède. La foi est combien nous nous attachons à Allah, combien nous l'aimons, le craignons, combien nous le vénérons. Acquérir la foi consiste à sortir de son coeur la valeur des créatures pour ne garder que la valeur d'Allah. Pour cela le premier pas est de prendre conscience que toutes les créatures auxquelles nous sommes attachés ne sont que des créatures et que c'est à Allah qu'il faut s'attacher. b) Allah nous observe La deuxième chose qu'Allah nous enseigne dans le Coran pour avoir la foi demandée est qu'il connaît toutes ces créatures, qu'il les voit et les entend toutes en même temps, et qu'il nous voit et connaît notre extérieur et notre intérieur mieux que nous-mêmes. Dans plusieurs passages Allah nous développe sa science : [N'as-tu pas vu qu'Allah connaît ce qu'il y a dans les cieux et dans la terre. Dès que trois parlent secrètement entre eux il est leur quatrième, ou cinq il est leur sixième, ou moins ou plus il est avec eux où qu'ils soient. Puis il les informera de ce qu'ils ont fait le jour dernier. Certainement, Allah connaît tout] (58/7). Combien de fois Allah nous dit-il qu'il sait ce que nous faisons ? Mais dans combien de nos actions sommes-nous conscients qu'Allah nous observe ? Combien de minutes dans la journée sentons-nous qu'Allah connaît nos pensées intimes ? Comprenons que ces versets ne représentaient pas pour les sahabas une simple récitation ou des connaissances, sans plus, mais leurs vies, leurs coeurs et leurs esprits ont été forgés par ces versets. Appliquer ce verset consiste à ressentir qu'Allah nous écoute dès que nous allons prononcer une parole, et qu'il connaît notre intention derrière chaque mot prononcé. Nous devons alors penser comment Allah nous rappellera ces paroles le jour dernier. Avant d'enseigner aux sahabas ce qu'un musulman doit dire et ne pas dire, Allah leur a inculqué la certitude qu'il entend ce qu'ils disent et connaît ce qu'ils cachent. Si nous prenons conscience de cela, nous ne pouvons plus insulter, mentir, blesser par la parole ou dire ce que nous savons naturellement être mal. Pour cela aussi le Coran fut révélé tout doucement au début pour leur donner le temps de pratiquer, et ensuite le rythme s'accélérait. Supposons par exemple qu'on décide d'appliquer le verset [Que l'homme regarde sa nourriture], peut-être faudra-t-il un an d'entraînement avant d'acquérir le réflexe de penser aux bienfaits d'Allah et à sa puissance dès que nous voyons notre nourriture. Mais ensuite appliquer un autre verset [Ne voient-ils pas le ciel...] sera beaucoup plus rapide. Jusqu'à ce qu'on puisse assimiler les versets en temps réel au fur et à mesure qu'ils sont révélés. c) Allah contrôle tout La troisième chose qu'Allah nous enseigne pour acquérir cette foi est que toutes les créatures sont sous son contrôle total. Rien ne se fait sans sa science, rien ne se fait sans sa volonté. Ainsi Allah nous dit en détail que c'est lui qui fait descendre la pluie et contrôle le cycle de l'eau, qui fait pousser les plantes, qui partage les biens et nourrit toutes les créatures vivantes, qui maintient les oiseaux dans le ciel, qui enrichit et appauvrit qui il veut, qui donne les enfants garçons ou filles à qui il veut, qui donne la vie et la mort, qui donne ou enlève le royaume, qui fait venir le jour et la nuit, qui maintient les cieux et la terre... [Et pas une feuille ne tombe qu'il ne sache] (6/59), rien n'échappe à sa volonté, à son ordre. En prenant conscience du contrôle total et absolu d'Allah sur ses créatures, nous ne sommes plus influencés par elles. Avec cette foi, nous ne sommes plus fiers de nos richesses ou désespérés par la pauvreté, nous n'avons plus la certitude dans notre force et inversement nous ne sommes plus effrayés par celle de nos adversaires. Dans chaque évènement et dans chaque situation nos coeurs, nos pensées et nos réflexes s'orientent vers Allah, en patience dans le mal et en gratitude dans le bien. Nous cherchons simplement ce qu'Allah attend de nous dans cette situation, en sachant que c'est une épreuve, et que pour la réussir et en avoir le bénéfice dans cette vie et dans l'au-delà il suffit et il faut se soumettre à la volonté d'Allah. Il n'y a donc pas lieu dans une bonne situation d'exalter sa joie et de tout faire pour l'obtenir (moyens illicites), tout comme il est inutile de se lamenter d'une situation difficile et de tout faire pour l'éviter (rester dans le licite), car ces situations sont créées et contrôlées par Allah. Il faut plutôt chercher son obéissance et fuir sa désobéissance et là seulement réside le succès dans ce monde et dans l'au-delà. Le but de ce livre n'est pas de développer "le sujet de la foi" mais comment l'Islam s'est construit. Ce développement a été nécessaire car la plupart des musulmans sont inconscients du sens de la foi et croient que reconnaître l'existence d'Allah suffit. Pour comprendre l'effort du Prophète, prière et salut sur lui, il est très important de comprendre les tous premiers pas. Si nous ratons le départ, nos efforts pour imiter les sahabas dans les autres étapes seront vains. Il ne faut pas se précipiter pour arriver aux résultats visibles et impressionnants, mais s'assurer toujours que nous sommes sur la bonne voie. Pour ceux qui veulent approfondir le sujet de la foi, et avoir une méthode plus détaillée d'acquisition de la foi, j'y ai consacré un livre : "La voie spirituelle : méthode pratique". 3. La foi dans le jour dernier Le deuxième pilier important de la foi est le jour dernier. C'est le second thème très abondant dans le Coran mecquois : Allah nous raconte et nous répète en détail la fin du monde, le jour dernier, l'Enfer et le Paradis. Le but de ce pilier de la foi est de placer l'au-delà devant nous et le bas monde (donya) derrière. Notre avenir, comprenons-le, n'est pas ce qui se passera après un an ou vingt, mais il débute par la mort et la tombe, il continue le jour dernier, et il finit au Paradis ou en Enfer, qu'Allah nous préserve de l'Enfer. Quand nous nous levons le matin, notre souci ne doit pas se réduire à notre déjeuner, nos commissions et comment passer une belle journée. Notre pensée première doit être la préparation de notre mort, de notre situation dans notre tombe et de notre rencontre avec Allah ; que faire pour se rapprocher du Paradis et s'éloigner de l'Enfer ? Nous devons avoir la mentalité d'un voyageur qui loin de rechercher le luxe pendant son voyage, n'a qu'un souci, arriver au but, à destination, et se contente du minimum pendant son périple. Comment parvenir à être imprégné à ce point de la vie future, si ce n'est en la connaissant, en en discutant et en y méditant. Aussi les sahabas rapportaient que le Prophète, prière et paix sur lui, leur parlait du Paradis et de l'Enfer si bien qu'ils avaient l'impression de les voir de leurs yeux. Certains sont morts de joie et de désir en entendant la description du Paradis, et d'autres sont morts de frayeur et de crainte en écoutant les récits sur l'Enfer. 4. La foi dans les prophètes Le troisième pilier de la foi très abondant dans le Coran mecquois est les récits des prophètes. L'enseignement principal de ces histoires est que la voie du succès est celle des prophètes. En tous temps, les croyants qui ont suivi les prophètes ont été sauvés et aidés par Allah dans ce monde et dans l'au-delà, alors que ceux qui les ont reniés ont perdu dans les deux mondes malgré tous leurs moyens matériels. Dans toutes les histoires, les prophètes et les croyants sont passés par des épreuves et les apparences n'étaient pas en leur faveur dans un premier temps, mais Allah ne les abandonne jamais et la finalité est toujours pour les pieux. La voie du succès est celle des prophètes, mais Allah ne détaille pas encore cette voie. Dans le Coran, les prophètes prêchent l'unicité d'Allah et son adoration. Parfois sont évoqués la prière, le jeûne, l'aumône et des règles morales, mais le message reste général : le succès n'est pas par le matériel, par les plaisirs, la richesse et la puissance, par les causes menant à la richesse (commerce, argent, agriculture...) ni par les causes menant à la puissance (royaume, armées, nombre, force physique) ; le succès est uniquement dans la foi en Allah et son adoration. Les histoires des prophètes contiennent aussi d'autres enseignements exposés au ch2 §3.a. 5. Les valeurs morales Depuis le début, l'Islam a encouragé le bien au sens général et découragé le mal, bien que les lois ne furent établies qu'à Médine. Le Coran mecquois encourage l'aumône (notamment en nourriture), la bonté avec les proches, surtout les parents, puis envers l'orphelin et les pauvres, l'affranchissement des esclaves. Il incite à dire la vérité, à tenir ses engagements, à la justice, au pardon, à répondre au mal par le bien, à peser et mesurer généreusement dans le commerce, à aider les personnes en difficulté... Le Coran mecquois interdit l'injustice, surtout envers les faibles tels que les orphelins, les pauvres et les femmes, de tuer (notamment les nouveau-nés), de voler (surtout les biens de l'orphelin), l'orgueil et le mépris des autres, la médisance, de rapporter les paroles en vue de diviser, le faux témoignage... Une loi antéislamique, confirmée par l'Islam dès la période mecquoise, est la punition de l'homicide : la famille du mort a le choix entre tuer le coupable, ou accepter une rançon (de l'ordre de cent chameaux à l'époque). L'adultère aussi est proscrit depuis la périodes mecquoise. Cet acte était déjà considéré chez les arabes comme très immoral. C'était une grande honte d'être un fils illégitime (né d'un adultère). L'excès de jalousie (mais aussi la pauvreté) conduisait parfois les arabes à enterrer leurs nouveau-nées vivantes (par crainte qu'elles ne commettent l'adultère ce qui serait la honte pour leurs pères) ! Cependant les règles du voile, de la mixité et la punition de l'adultère n'ont été établies que longtemps après. Evidemment tout ce qui avait trait à l'idolâtrie était interdit comme la consommation des bêtes égorgées au nom des idoles. 6. Importance de la foi et de la morale L'Islam n'a pas commencé par les obligations (prière, jeûne, voile...), les interdictions (alcool, jeux de hasard, usure...), les lois (punitions, divorce, héritage, transactions...) ni les connaissances pointues. Il ne faut pas en déduire que nous pouvons autoriser les interdits ou laisser les obligations, mais que, si nous voulons progresser dans l'Islam, tant au niveau individuel ou social, nous devons commencer là où les sahabas ont commencé : l'enseignement de la foi et du bon comportement. Sans une foi solide, l'adoration ne prend pas son vrai sens : à quoi sert d'apprendre les moindres détails de la prière et les polémiques des savants anciens et contemporains à leur sujet si nous ne sommes pas concentrés dans la prière ? C'est sans doute passer à côté du but. Que veut dire se prosterner à Allah, symbole de la soumission totale, lui dire que c'est notre Créateur et Bienfaiteur le Parfait et le Très-Haut, alors qu'au fond de notre coeur nous sentons le besoin, la dépendance et la crainte des créatures ? Pour cela Allah n'a pas occupé les esprits des sahabas par les aspects physiques et extérieurs, mais il a dirigé toute leur énergie pour purifier leurs coeurs des créatures. La moralité est liée à la foi. Qu'est-ce qui empêche la foi de progresser sinon l'orgueil et l'amour du bas monde ? Qu'est ce qui empêche l'amour entre musulmans et les bonnes manières sinon l'orgueil et l'amour du bas monde ? Donner de soi-même pour les autres et répondre au mal par le bien sont parmi les actions qui font le plus fortifier la foi. Ensuite l'Islam n'a pas progressé en préceptes religieux ni en nombre d'adeptes jusqu'à ce que la foi ait été pure et que l'amour entre musulmans, et l'amour du bien pour les non musulmans, aient été sincères. Admirons, le lendemain de l'émigration à Médine, comment les médinois ont partagé leurs maisons et leurs biens avec les mecquois, certains voulaient même partager leurs femmes (rappelons la jalousie disproportionnée des arabes), et ceci avec amour et sans le moindre regret ou arrière-pensée. Qui peut aujourd'hui accueillir une famille chez lui et partager son salaire avec elle ? Très peu de gens. C'est cela que nous devons apprendre et enseigner. Si nous incitons par exemple un débutant dans l'Islam à faire absolument les cinq prières à l'heure et la prière du vendredi. Une semaine plus tard, il est licencié de son travail, deux mois plus tard il est à la rue avec sa famille. Sommes-nous capables, après l'avoir incité à faire cela, de partager avec lui ce que nous avons ? A-t-il la foi pour faire face à sa situation sans faiblir ni regretter ? Si la réponse est non, nous sommes donc incapables d'assumer les conséquences de nos actes, et nous devons nous interroger sur leur validité. Ensuite la moralité permet de présenter un modèle de société aux gens que nous prêchons. La solution de la plupart des problèmes familiaux, sociaux, économiques et politiques réside tout simplement dans le comportement moral. Personne au monde ne peut critiquer la bonté, la justice et le respect des autres, tout le monde est attiré par ces valeurs. Le danger de présenter l'Islam uniquement par ses lois, interdictions, obligations, et parfois la polémique entre théologiens, c'est de se heurter à un mur d'incompréhension, et par là même, d'éloigner les gens de la religion. 7. Activités des sahabas Comment les sahabas ont-ils appris la foi et le bon comportement ? a) Cercles d'instruction D'abord ils s'asseyaient durant des heures avec le Prophète, prière et salut sur lui, dans la maison d'un compagnon nommé Arqam. Le Coran était le pilier de leur enseignement, et nous-mêmes, qui essayons de suivre leur voie, devons les imiter et concentrer un grand effort sur le Coran (même traduit, bien qu'il n'a absolument pas la même valeur). Nous avons déjà vu la foi et la morale dans le Coran, et nous étudierons plus loin les thèmes abordés dans cette première période de la révélation du Coran. b) Prières la nuit Ensuite ils passaient environ la moitié de la nuit en prières, à lire le Coran ou en invocations. Ceci était obligatoire pour le Prophète, prière et salut sur lui, et les sahabas au début de l'Islam, puis a été modifié pour les sahabas après l'Hégire (l'émigration à Médine) ; cependant même à Médine la quasi-totalité des sahabas le pratiquaient. Donc l'apprentissage de la foi nécessite beaucoup de temps pour que notre esprit et notre coeur s'orientent uniquement vers Allah en oubliant les créatures, les cinq prières à elles seules ne suffisent pas pour apprendre la concentration et le vrai goût de la prière. c) Mise en pratique Leur comportement prenait la coloration des valeurs morales et de la foi acquise (paragraphes 2, 3 et 4). d) Prêche Enfin les sahabas prêchaient autour d'eux. Que prêchaient-ils ? La foi et la morale. Ils expliquaient la parole de la ilaha illa Allah : tout ce que vous aimez, toutes les choses auxquelles vous vous attachez n'ont pas de valeur ; c'est Allah que vous devez aimer et vénérer. C'est une parole très puissante, une vérité éclatante que personne ne peut réfuter logiquement. Celui qui est attaché aux créatures, son orgueil va rejeter de toutes ses forces cette parole et rechercher tous les moyens pour la combattre tout en sachant qu'elle est vraie. Il craint cette parole car justement il sait qu'elle est vraie et il comprend qu'elle représente la fin de son système de pensée et qu'elle va rendre puérile et désuète son échelle de valeurs. Son orgueil n'a plus lieu d'exister, son autorité sur les gens, les biens et même sur sa personne n'est plus justifiée car la soumission à Allah est la seule vérité. Comment lui expliquer qu'en renonçant à son orgueil, sa liberté et sa façon de comprendre la réussite et qu'en plaçant son amour et sa confiance dans son Créateur, il va tout gagner ? On ne peut que lui répéter : reconnais qu'il n'y a de divinité qu'Allah et tu gagneras. Ainsi, le Prophète, prière et salut sur lui, et les sahabas répétaient inlassablement le même prêche aux mêmes gens ; ces derniers le refusaient et augmentaient de colère et de méchanceté. D'autre part, celui qui désire la vérité et le bien, même s'il est encore attaché à des envies, des habitudes ou des contraintes matérielles, va être attiré par cette parole, cette foi et cette religion. Il va s'apercevoir qu'il existe une chose infiniment plus précieuse que les plaisirs auxquels il s'adonne : Allah ; et qu'en allant vers lui il a tout à gagner. Normalement, il est très difficile de laisser ses habitudes, mais il suffit de les lâcher et de tenir à Allah pour trouver le bonheur et la joie intérieure, pour trouver la facilité, le plaisir de pratiquer et de subir tous les sacrifices pour Allah. Ceci explique le changement profond, total et immédiat des nouveaux convertis. Ceux qui les invitaient à l'Islam possédaient la foi dans sa pureté et sa profondeur et avaient effectivement trouvé le bonheur le plus intense qui existe : connaître Allah, l'aimer et se rapprocher de lui. Les nouveaux convertis à leur tour prenaient la foi avec cette pureté et cette profondeur. On comprend donc le gouffre qui se creusera et le conflit qui éclatera entre croyants et mécréants dès que le prêche se fera en public. D'un côté, les mécréants, refusant la vérité évidente, n'ont de solution pour préserver leur situation sociale et empêcher la nouvelle religion de progresser que la manière forte. De l'autre, les sahabas redoublaient de pitié, de prières et de prêche pour eux. A leur tour, les mécréants redoublaient de rage et de méchanceté. Certains étaient enfin touchés et se convertissaient. D'autres sont morts dans leur mécréance en combattant les musulmans ou par des fléaux envoyés par Allah. La plupart se convertirent à la prise de la Mecque devant la puissance spirituelle et matérielle des musulmans (ch4 §3.c). En plus de cette parole "la ilaha illa Allah", les sahabas annonçaient le jour dernier et tout ce qui en découle, présentaient le modèle moral à la société et critiquaient les pratiques immorales de l'époque. Par cet exposé, j'ai voulu sensibiliser le lecteur à la puissance de ce prêche. Le premier impact est sur le prêcheur : sa foi et son souci pour les gens augmentent au fur et à mesure qu'il parle et qu'il milite. Ensuite la vérité apparaît en évidence pour la personne qui écoute. Enfin, la séduction s'opère directement si cette dernière recherche le bien et la vérité. Dans le cas contraire, si la personne refuse la vérité et préfère garder son mode de vie et ses privilèges, le prêche enclenche la fureur et l'indignation. Il est évident dans la vie du Prophète, prière et salut sur lui, et des compagnons que le prêche était le moteur de leur vie. Qu'est-ce qui les poussait à avancer, à se sacrifier, réfléchir, se soucier, pleurer devant Allah sinon la peine et la pitié pour les gens qui vont en Enfer ? Il n'est certainement pas impossible d'adorer Allah sans prêcher, mais on ne peut se considérer sur le chemin de l'Islam et du Prophète, prière et salut sur lui, que si on est engagé pour l'Islam. C'est cet engagement qui oriente la vie. C'est cet engagement qui nous distingue de la société de consommation, la société dont le but est la vie d'ici bas. C'est aussi cet engagement qui va nous faire évoluer dans l'Islam. En effet, une fois engagés, Allah nous éprouve. Réussir, c'est ne pas lâcher les ordres d'Allah face à ces épreuves. Là, notre foi augmente. Puis survient une autre épreuve et ainsi de suite. Alors que si nous ne nous sommes pas engagés, face à une épreuve, nous faisons ce qui nous arrange, nous désobéissons ou renonçons aux bonnes oeuvres, notre foi n'augmente pas et donc nous n'évoluons pas. e) Créer l'environnement propice En conclusion de ce qui précède, il faut pour acquérir la foi créer "l'ambiance de la foi" puis l'élargir pour qu'elle englobe la majorité de notre vie. D'abord entre pratiquants, discuter de la foi, étudier le Coran, se motiver pour l'Islam. Ensuite chacun consacre du temps pour prier Allah, l'évoquer et l'implorer. Puis quand nous rencontrons d'autres personnes, leur expliquer, les inviter et les motiver pour la foi et la religion. Ensuite, en mangeant, en marchant, en travaillant, méditer sur Allah et sur ses créatures. Enfin, éviter la fréquentation, les discussions, et toute action qui affaiblit la foi et fait perdre les gains qu'on a acquis. Allah a interdit d'assister aux discussions des mécréants contredisant le foi et raillant l'Islam car si on écoute on est nécessairement touché. f) Le groupe Uniquement au sein d'un groupe uni par la foi pouvons-nous développer ces qualités. Isolés, personne ne nous aide quand nous sommes motivés et personne ne nous soutient quand nous faiblissons. Tôt ou tard, la personne isolée succombera à Satan. Au mieux, elle stagnera dans un état qu'elle croit élevé mais qui n'est qu'illusion. Le groupe se forme par le prêche. A partir de deux personnes, nous pouvons créer l'ambiance de la foi entre nous. Ensuite l'apprentissage de la foi et de l'amour se fait collectivement. L'élargissement du groupe se fait par le prêche. Il faut toutefois savoir que l'augmentation du nombre ne se fait pas automatiquement : il appartient à Allah seul de décider de la guidée des gens. Les réactions, positives ou négatives, que nous rencontrons dans notre prêche sont des épreuves pour nous éduquer. Les premières années de l'Islam nous enseignent aussi qu'une des raisons majeures pour sortir la valeur des créatures de nos coeurs est de vivre avec les pauvres et de partager avec eux. La plupart des premiers musulmans étaient des pauvres, des jeunes rejetés de leurs familles ou des esclaves affranchis. Ils étaient quasiment en permanence avec le Prophète, prière et salut sur lui, à tel point que les mécréants par fierté et orgueil refusaient de s'asseoir avec le Prophète à cause de leur présence, et il n'avait pas un temps à leur consacrer sans la présence des pauvres. De tous temps, les premiers à suivre les prophètes étaient les pauvres. A ce moment-là, puisque nous partageons avec eux la même foi et la même religion, nous devons aussi partager nos moyens matériels si nous sommes sincères. Cette étape est incontournable pour suivre les sahabas dans leur foi et dans leur voie. Si nous voulons pratiquer l'Islam sans déranger nos privilèges et notre confort, nous allons tomber dans un formalisme qui nous privera de l'essence et de la magnificence de l'Islam. g) Sacrifice et patience Enfin à travers les épreuves et les sacrifices, en faisant preuve de patience et d'endurance, Allah a accru leur foi et forgé leurs qualités. Ceci sera détaillé au prochain chapitre : "Le prêche en public". 8. Pourquoi la prêche en secret Le prêche a existé du début à la fin de la vie du Prophète, prière et salut sur lui, mais sa forme a changé selon les quatre périodes citées dans l'introduction. Au début, le prêche était secret, les musulmans parlaient à leurs amis en lesquels ils avaient confiance et qui soit se convertissaient, soit gardaient le secret. La raison est que les musulmans étaient peu nombreux et que, s'ils étaient découverts, ils auraient pu être exterminés et ça aurait été la fin de la religion. Les musulmans n'avaient pas peur de la mort et ne détestaient pas le martyre, mais il n'était pas dans l'intérêt de l'Islam que les musulmans meurent. Une autre raison est que les tous nouveaux convertis n'étaient peut-être pas prêts à affronter les rudes épreuves. Ils ont ainsi pu avoir un répit pour se préparer en concentrant leurs efforts sur la foi uniquement. Après trois ans, quand les musulmans avaient atteint le nombre de trente-huit, Allah ordonna de prêcher en public . www.habiboullah.skyblog.com