Au sein des formations politiques, l'heure est à la grande mobilisation. Les nouvelles règles du jeu et leurs conséquences ne sont pas encore toutes assimilées. Le choix des candidats est un vrai casse-tête. Le découpage électoral impose une nouvelle stratégie partisane. Les alliances sont prématurées. Les moyens de financement connaissent déjà certains dérapages. La campagne électorale a-t-elle commencé ? A en croire les accusations qui fusent de part et d'autre de la ligne de belligérance, c'est le cas. Ce serait même le Premier ministre, Abderrahmane Youssoufi, en sa qualité de Premier secrétaire de l'USFP qui aurait ouvert les hostilités, lors de son passage sur le plateau de la chaîne de télévision 2M, mercredi 29 mai. C'est du moins ce qu'a soutenu mordicus, le chef de file de l'opposition, Mohamed Abied, secrétaire général par intérim de l'UC, qui a eu l'honneur des mêmes projecteurs le lendemain. Les tracts n'ayant pas encore investi la rue marocaine, les symboles et autres photos de candidats, les cadres d'affichage, ni les temps d'antenne n'ayant été impartis aux formations politiques en lice, on ne peut véritablement parler de campagne électorale. Ce qui n'empêche pas le pays de vivre un contexte pré-électoral de la plus haute importance, vu les nouvelles dispositions qui régiront les prochaines législatives. Bien avant les électeurs, les partis politiques ont désormais affaire à toute une panoplie de nouveautés organisationnelles, qu'il faudra cerner, assimiler, digérer et mettre à contribution. Un nouveau découpage électoral qui, en toute vraisemblance, découpera le territoire national en 92 circonscriptions, donnant accès à 295 sièges à la chambre des députés, en plus d'une liste nationale destinée à pourvoir les 30 autres sièges. Un nouveau mode de scrutin, mettant en oeuvre des listes de candidats, avec leur concert de chamailleries pour la tête de liste et de tractations de haut vol pour la répartition du territoire. Un nouveau bulletin de vote, avec sa quarantaine de symboles plus ou moins compliqués, qu'il s'agira de répartir et par la suite de vulgariser auprès des masses. Une nouvelle liste nationale, en principe réservée aux candidatures féminines, qu'il faudra alimenter. Face à toute cette panoplie de dispositions, une quarantaine de partis devront se positionner. Tâter le terrain. Chercher des repères. Réunir les QG. Inspecter les troupes. Simuler des évolutions. Dégager des projets d'alliances. En somme, mettre sur pied la stratégie la plus à même de permettre d'investir l'arène électorale avec quelques chances de succès. En tout cas pour le moment, c'est la prudence qui semble l'emporter. Les alliances sont réservées pour plus tard. Quand les batteries de chacun seront dévoilées. Pour l'instant, chacun fait cavalier seul. Il n'est pas question que le bénéfice de telle ou telle bonne initiative soit porté au crédit d'un autre. Fut-il un allié. Il n'est pas question non plus de partager ses torts, fussent-ils une oeuvre commune. Bien au contraire, dans le même élan électoraliste, on n'hésite pas de temps à autre à pointer un doigt accusateur ici et là. Sur les amis, au même titre que sur les rivaux. C'est de bonne guerre et ca ne fera que monter les enchères quand le moment sera venu de s'allier. Abderrahman Youssoufi qui recevait de façon informelle, il y a quelques mois, des représentants de la presse nationale avait déjà laissé entendre que son parti ne chercherait pas absolument à opérer des alliances avant les élections. L'USFP, formation majoritaire au gouvernement est comptable du bilan de l'exécutif. Une donne qui permet deux lectures. D'une part, les socialistes seraient tentés de garder pour eux seul le bénéfice d'un éventuel bilan positif. Le Premier ministre a certes assuré le contraire lors de son dernier passage sur 2M, mais des mauvaises langues ont rappelé qu'il n'avait pas hésité à présenter lui-même, contrairement à son habitude, le projet de couverture maladie obligatoire devant le Parlement. Il aurait pu, ajoutent les mêmes parties, laisser ce soin au ministre des affaires sociale, leader du parti de l'Istiqlal, ou alors à celui de la santé, leader du FFD. Du côté de l'Istiqlal, « allié-grand rival » de l'USFP, c'est sur des charbons ardents que l'on semble évoluer. Cautionner le bilan du gouvernement, serait automatiquement prêter main forte aux socialistes. Alors on a confectionné une posture de soutien-critique, en total retrait par rapport au bilan, dont on sait pertinemment le caractère éphémère. Chez l'opposition, de droite d'abord conduite par l'UC, on sort tardivement de cette position en retrait adoptée aux premiers temps du gouvernement de l'alternance. Seulement, entre-temps, on n'a semble-t-il guère affiné l'exercice de l'opposition et le discours trop enflammé, risque de ne pas faire long feu. L'opposition de gauche, quant à elle, mène le combat sur tous les fronts, n'hésitant pas sous la houlette de Noubir Amaoui à engager la CDT dans l'arène, à coup de grèves que l'on s'ingénie, en face, à annuler ou à minimiser. C'est du côté du centre que les remous font le moins de vagues. Que ca déborde d'un coté ou de l'autre, ne peut être que bénéfique pour ceux qui tiennent le milieu du balancier. Alors on se fait discret, on colmate les brèches et l'on attend les offres. Finalement, dans ce paysage d'une majorité plus habituée à proposer l'alternative et d'une opposition plus habile à parer les attaques qu'à les porter, c'est un « nouveau venu » qui apporte l'animation, depuis que le ministère de l'Intérieur a décidé de se mettre à la communication. Il est pour le moment, le seul véritable acteur, actuellement, sur la scène pré-électorale.