Les apparatchiks et les notables se disputent les positions éligibles. La taille des circonscriptions et les divers aménagements techniques privilégient les appareils partisans installés et diminuent les chances des petits partis. Les candidats inconnus ou adoubés par des partis novices seront noyés dans de grandes circonscriptions, dans lesquelles ils auront très peu de chances de réussir. Le projet de découpage électoral est en gestation législative avancée. Le document, pièce maîtresse des nouvelles dispositions électorales, impatiemment attendu, a été finalement remis le 30 mai par le ministère de l'intérieur aux directions des partis politiques représentés au Parlement. Les partis qui seront en lice lors des prochaines législatives planchent encore sur les aspects techniques du projet afin de formuler leurs remarques et éventuels amendements. Le projet prévoit dans ses grandes lignes le découpage du territoire national en 92 circonscriptions électorales, donnant accès à 295 sièges à la chambre des députés, en plus d'une liste nationale destinée à pourvoir les 30 autres sièges. Des changements de taille ont été apportés par le nouveau projet sur l'ancien découpage électoral. 4 provinces ont été découpées en 3 circonscriptions, 14 provinces et préfectures l'ont été en 2 circonscriptions, alors que 52 autres ont été maintenues en l'état. A chaque circonscription correspondront de 2 à 5 sièges parlementaires qui mettront en lice des listes électorales à nombre de candidats égal. Pour pouvoir mettre en application la liste nationale aux 30 sièges, en principe destinée par les partis politiques aux candidatures féminines, les rédacteurs du projet ont taillé dans la part en sièges des provinces et préfectures disposant de plus de 5 sièges à pourvoir. Les hostilités sont donc ouvertes. Les partis politiques ne manqueront pas de se livrer bataille sur certains détails en fonction des intérêts de chaque formation. Dans les préfectures et provinces qui ne disposent que de 2 ou 3 circonscriptions électorales, la lutte sera rude avant de parvenir à une délimitation définitive, tant les intérêts des uns et des autres se trouvent directement mis en cause par tout déplacement des lignes séparatrices sur la carte électorale. L'administration pour sa part maintient sa ligne de conduite. Driss Jettou, ministre de l'Intérieur, ne manque aucune occasion d'affirmer que le nouveau découpage électoral ne sera pas tributaire de considérations politiciennes, mais « constituera un outil pour l'instauration de l'égalité et la représentativité dans le cadre d'une opération qui prend en considération les données géographiques, locales, ethniques et administratives, ainsi que le nombre des habitants et leur répartition au niveau des provinces et des préfectures du royaume ». En tout cas, le consensus finira par présider à la destinée du nouveau projet de découpage électoral, comme cela a été le cas pour les autres dispositions prises afin d'assurer un maximum de garantie quant à la transparence des consultations de septembre prochain. Les craintes des observateurs ne se situent nullement à ce niveau. En effet, le découpage électoral, en principe un outil de travail de l'administration et des spécialistes en la matière auprès des directions des partis politiques, ne donnerait lieu dans le pire des cas qu'à une querelle d'initiés. Là où la circonspection commence à se faire jour auprès des observateurs, c'est dans la complexité pour l'électeur ordinaire des nouvelles dispositions électorales. Les citoyens, habitués à désigner leurs 333 représentants au suffrage universel direct, auront désormais affaire à des listes de candidats. Nouveauté qu'il s'agira de gérer. Sans compter les tractations et étripages auxquels ne manqueront pas de se livrer les candidats pour figurer en tête de liste. Encore heureux que le Maroc on n'ait opté que pour « les listes bloquées », premier niveau de la complexité du mode de scrutin par liste. Les listes, comme le reste, finiront par être arrêtées. Les têtes de liste se féliciteront, les autres se feront une raison priant pour que la générosité populaire puise plus d'un nom par liste. Le jour du scrutin, cependant, c'est une autre paire de manches qui attend les organisateurs. Le bulletin de vote unique, reproduisant au lieu de couleurs, des symboles plus ou moins compliqués, promet de donner le tournis à bien des électeurs. Beaucoup trouveront que les dessins se ressemblent à s'y méprendre. Certains ne manqueront sûrement pas de le faire. Mais avant, les partis politiques se seront encore livrés une énième bataille concernant le choix des symboles. Certains symboles seront en effet jugés par trop péjoratifs et ne trouveront que difficilement preneur. A moins que l'administration n'opte pour le tirage au sort des symboles, auquel cas, mêmes désarmés, ceux a qui la chance n'aura pas souri râleront, voire mettront leur éventuels mauvais score sur le compte d'un symbole ou trop repoussant ou trop ressemblant à celui du voisin. Les symboles, comme tout le reste, finiront aussi par être attribués. Quand les citoyens auront voté, ce en sera guère facile de collecter, avec la rapidité qui s'impose, les résultats des votes dans les 92 circonscriptions électorales. aucune indication n'ayant été fournie sur un éventuel informatique simultané de ces résultats, il reste à supposer qu'une colossale machine devra se mettre en branle pour centraliser tous les résultats. Quand ce sera chose faite, commencera le casse-tête chinois des acteurs de ces législatives. Le royaume en étant à son premier contact avec le mode de scrutin de liste à la proportionnelle, avec le décompte des plus forts restes, l'arithmétique électorale ainsi définie donnera à coup sûr des sueurs froides aux non initiés. Déjà, l'on fouine ici et là à la recherche de failles, que l'on croit déceler au niveau de la prise en considération des voix des listes éliminées dans le calcul du quotient électoral. Et le débat risque là encore d'être des plus houleux.