Mustapha El Haddaoui est l'un des rares joueurs marocains à avoir fait un parcours professionnel exemplaire. Dans cet entretien accordé à ALM, l'ex-stéphanois nous parle des professionnels marocains les mieux payés, de la nouvelle génération des pros, de la misère des joueurs locaux et de ses premiers salaires avec le Raja de Casablanca. ALM : Pour avoir porté les couleurs de Lauzane, Saint-Etienne, Nice, Lens, Angers, avant de tirer votre révérence à Sultanat Oman, pensez-vous que les joueurs marocains évoluant à l'étranger sont mieux payés qu'avant ? Mustapha El Haddaoui : Sans aucun doute. Le football a beaucoup évolué ces dix dernières années. Aujourd'hui, les joueurs gagnent un «argent fou». Cela est devenu une véritable industrie, les sponsors, les grandes marques, la pub et, surtout, l'image et les droits de TV. Pour rester dans le cas des joueurs marocains, je crois que le cercle des joueurs les mieux payés est encore restreint. Je fais allusion aux joueurs professionnels qui jouent dans les grands championnats européens (Espagne, Angleterre, France…) comme Noureddine Naybet, Talal El Karkouri, Mustapha Hadji, Safri… Mais il y a aussi les joueurs qui évoluent dans les pays du Golfe et qui ont encore la cote, tels Lembarki, Assas, Abrami et Chipo. Mais les plus gros salaires dans ces pays-là restent, sans aucun doute, ceux d'Ahmed Bahja et Rachid Daoudi, estimés à quelque 150.000 DH par mois. Et qu'en est-il de la nouvelle génération des pros ? Si l'on prend le cas des jeunes éléments de l'équipe nationale, qui évoluent dans le championnat français, comme Jawad Zairi, Youssef Hadji, Chammakh ou encore Ouaddou, ce sont des joueurs qui ont fait leurs débuts dans des centres de formation, avant de signer leurs premiers contrats, généralement d'un an et dont le salaire mensuel varie entre 20 000 et 30 000 DH. Mais une fois le joueur fait preuve de talent, le statut n'est plus le même. Les termes du contrat aussi. C'est-à-dire ? Cela veut dire que le joueur passe d'un stade à l'autre. D'un joueur de centre de formation à un joueur professionnel. Par conséquent, le contrat qui lie ce dernier à son club doit être revu et corrigé. Plusieurs éléments interviennent dans la révision d'un contrat. Il y a d'abord le nombre de matchs disputés par le joueur. Ensuite, son rendement tout au long de la saison, sans oublier le nombre de participation avec son équipe nationale dans les compétitions internationales. C'est un élément très valorisant. Et c'est sur la base de ces éléments que le joueur renégocie son contrat. Il y a aussi les propositions faites par les autres clubs et qui viennent tirer vers le haut et le salaire et les primes. Généralement, un joueur professionnel gagne entre 250.000 et 700.000 DH par mois. Et cela peut aller jusqu'à 2 millions de DH, quant on joue, par exemple, pour un grand bonnet du football, comme le Real Madrid. Sans oublier bien entendu les primes. Et les joueurs locaux dans tout cela ? Tout ce que je peux vous dire, c'est que les joueurs nationaux qui sont plus au moins bien payés se comptent sur le bout des doigts. Ce sont généralement des joueurs qui portent le maillot de grands clubs : Raja, WAC, FAR, MAS…. Chez certains joueurs, le salaire peut atteindre 10 000 DH, auquel il faut ajouter les primes. Mais la plupart des joueurs de notre championnat touche un salaire de misère. Comment voulez-vous que l'on donne le meilleur de soi-même ? Des salaires alléchants, c'est ce qui pousse nos joueurs à changer de cieux dans l'espoir d'un avenir radieux. Et par rapport à vous, quand vous étiez encore avec les diables verts ? C'est beaucoup. À l'époque, la prime se situait dans une fourchette allant de 200 à 500 DH. En fait, c'était en fonction des résultats des matchs. Pour un nul, la prime était de 200 DH, une victoire 500 de DH. En même temps, nous percevions un salaire mensuel de 1.500DH, pour ceux qui travaillaient au CIH et 1000 DH pour ceux qui étaient sans job. La meilleure prime que j'ai reçue, quand j'étais encore avec le Raja, était d'environ 3 000 de DH. Je me rappelle, c'était après notre victoire en finale de la Coupe du Trône en 1982 contre le KAC. Il faut dire qu'à l'époque, les dirigeants n'avaient pas les moyens de leurs ambitions. Le football n'était pas commercial comme aujourd'hui. Des dirigeants, comme feu Semlali, Meckouar, Doumou ou encore Zaouli, étaient des bénévoles. Ils faisaient tout cela par amour au football.