Mustapha El Haddaoui est l'un des grands techniciens de l'équipe nationale des années 80. C'est en connaissance de cause qu'il évalue le parcours des Lions lors de la CAN 2004. Entretien. ALM : En tant qu'ex-Lion de l'Atlas que pensez-vous de la prestation de l'équipe nationale lors de cette CAN ? Mustapha El Haddaoui : Je dirai d'abord que cette équipe a surpris tout le monde. Entraîneurs, joueurs des autres sélections et même les observateurs et les spécialistes du ballon rond. Personne ne misait sur un parcours aussi palpitant pour une équipe toute rénovée et qui figurait de surcroît dans un groupe qualifié comme groupe de la mort et qui comptait l'Afrique du Sud et le Nigeria. Certes ces deux équipes ont connu plusieurs changements depuis le temps de leur épopée récente, elles ne sont plus ce qu'elles étaient il y a quelques années seulement, mais elles demeurent quand même de grandes formations au niveau du continent. La jeune sélection marocaine a entamé donc la compétition avec prudence. Mais juste après la victoire contre le Nigeria, à l'issue du premier match, la confiance s'était installée. Chose qui a été reflétée sur le reste des matchs jusqu'à la finale. Est-ce que la présence d'un staff technique national incarné par Baddou Zaki y est pour quelque chose ? Absolument. Depuis le début, Zaki a pris conscience de ses énormes responsabilités qu'il s'était engagé à assumer. Il fut derrière tous les choix, à commencer par son staff et la détection de jeunes talents évoluant dans les différents championnats européens. Zaki fut également derrière la mise en place de sa propre stratégie de jeu ainsi que l'emplacement des joueurs. Dans ce sens je peux dire que le coach national a pris des décisions importantes. D'ailleurs il avait déclaré avant le début de la CAN que son équipe serait la surprise de la 24ème édition, et c'est effectivement le cas. Il a également déclaré qu'il aspirait à atteindre la finale et qu'il ferait tout pour réaliser ce rêve. Sur ce point également, Zaki a tenu parole. Cependant, le mérite revient en même temps à tout le staff accompagnant Zaki, techniciens préparateurs et médecin. Dommage qu'un joueur de la trempe de Jaouad Zairi a été indisponible pour cause de maladie juste avant la demi-finale, ce qui a affecté son rendement contre la Tunisie. Car sans ce contre-temps, ce garçon aurait pu faire beaucoup de choses lors de la finale. Ce qui revient à dire qu'une sélection composée de joueurs locaux n'aurait pas réussi le même exploit ? Sincèrement je n'imagine pas qu'une équipe composée d'éléments qui pratiquent dans le championnat national puisse effectuer le même parcours avec un tel brio. Sur ce point, Zaki, qui était également joueur professionnel, connaît la différence entre les locaux et les professionnels. Mais ce n'est pas parce qu'ils sont professionnels dans leur jeu que l'entraîneur les avait appelés. Zaki voulait une sélection professionnelle dans sa mentalité, et tous les détails appris par le joueur pro dans les centres de formation de football. Notamment côté préparation et discipline. Nous avons même pu constater que l'entraîneur de l'équipe nationale n'a pas fait appel à certains joueurs professionnels qui sont peut-être performants mais qui ne peuvent rentrer dans le cadre de sa stratégie et de sa tactique de jeu. C'est pourquoi je pense que M. Baddou a fait ses choix et il vient de prouver que ces choix étaient justifiés comme le confirme la formidable prestation de nos Lions. Comparée aux formations que nous avons vu évoluer lors de cette CAN, où classeriez-vous la sélection marocaine ? En deux mots, je dirai que l'avenir est devant le football marocain. Avec la moyenne d'âge des Lions de l'Atlas, il est certain que cette équipe sera l'une des meilleures du continent. Mais il faut accompagner tout cela avec un travail intense au niveau des clubs marocains en installant des centres de formation, des écoles de football. Nous avons pu constater que même la sélection olympique et la sélection des juniors sont au top de leur forme et comptent de nombreux talents. Autrement dit, la relève est parfaitement assurée côté ressources humaines. Il reste donc le côté organisation et infrastructure. En ce qui concerne les autres grandes sélections africaines, comme le Sénégal et le Cameroun, je pense qu'elles sont été décevantes. Des équipes qui se sont fait des airs de suprématie et qui ont rompu avec toutes les notions de la modestie. Comparées au Maroc, ce sont des équipes vieillissantes qui auront certainement du mal à se replacer sur l'échiquier international avant longtemps.