Mourad Belmaachi, membre fondateur du Mouvement Economique du Maroc (Medum), nous parle des raisons ayant présidé la création de cette association patronale, son programme d'actions et ses attentes. Aujourd'hui le Maroc : Le champ associatif va profiter d'un nouveau regroupement patronal. Le Medum sera effectivement présent sur la scène à la prochaine rentrée économique. Pourquoi cette nouvelle organisation patronale ? Mourad Belmaachi : Il s'agit d'une réflexion qui a mûri dans l'esprit des membres fondateurs depuis des années. Tous étaient d'accord sur le fait qu'il n'y a pas de démocratie au sein de la CGEM. Ce n'est un secret pour personne. Les gens qui y siègent militent uniquement pour l'intérêt de leurs entreprises. Et tant qu'il n'y a pas d'organisation qui milite dans le sens du développement de l'entreprise marocaine, aucun des chantiers-phares ne pourra voir le bout du tunnel. Je fais allusion à la mise au niveau, la compétitivité, le financement… Laissez-moi vous dire une chose. Avec l'ouverture des frontières, l'entreprise marocaine sera contrainte à retrousser ses manches, sinon elle risque la disparition. A l'heure actuelle, aucune mesure concrète n'a été entreprise. Prenons l'exemple de l'informel. Qu'a fait le patronat pour le contrecarrer. Le cas de Derb Ghallef retranscrit une situation pour le moins anormale. Il atteste d'un état des lieux où l'informel tue le formel. Aucune organisation n'arrive à étaler les problèmes et discuter de leur degré de pertinence comme première étape à même de sortir le Maroc du marasme économique qui l'étouffe. Ce qui se passe actuellement suscite une crainte chez l'entrepreneur marocain dans la mesure aucun moyen réel de développement ne lui est proposé. Notre vision, au sein du Medum, est de se mettre à table et de discuter des vrais problèmes de l'entreprise et surtout des contraintes qui bloquent son épanouissement. Le code du travail, la réforme de la justice, le financement en sont quelques-uns. Mais le plus important demeure l'amalgame dans la gestion de la chose économique entre le politique et le stricto-économique. C'est justement ce que les fondateurs du Medum reprochent à la CGEM. Qu'entendez-vous par cette dernière remarque ? Et quel est donc le schéma qui prévaut au sein de la CGEM ? Je suis persuadé qu'il faille dissocier le politique de l'économique. Attribuer une couverture politique à une organisation économique signifie fatalement, la réduire à une organisation qui a des affinités avec des courants politiques donnés au détriment des autres. Au sein du Medum, nous voulons créer une structure patronale qui ait de la sympathie pour l'ensemble des tendances politiques. Seul le développement de l'entreprise prime, notamment dans sa composante PME/PMI. La PME n'a jamais été représentée au sein des organisations patronales. Je défie quiconque prétendant le contraire. Cette composante du tissu économique n'est associée à la vie de ces organisations que dans les discours ou pour faire du tapage médiatique ou politique. Et pourtant, force est de constater son importance au sein de l'économique. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur le poids que représentent ces 60.000 PME et 5.000 PMI sans compter les professions libérales et l'informel. Savez-vous que dans certaines régions du pays, le formel cède complètement la place à l'informel. Justement, il est nécessaire d'adopter une approche de proximité… Notre vision considère la région comme un réel levier de croissance. Mais avant d'être exigeants à son égard, nous sommes conscients qu'il faut au préalable organiser des assises régionales à même de déterminer les particularités de chacune d'entre elles. Une fois le malaise identifié, les projets de solutions peuvent être plus facile à concevoir. Et c'est à ce moment-là que les syndicats et les pouvoirs publics pourront être associés à notre action. D'ores et déjà, nous pensons qu'au niveau régional, l'Etat peut aider au développement en accordant des avantages qui diffèrent d'une région à l'autre selon leurs spécificités. Vous avez un programme ambitieux. Quels sont les moyens dont dispose le Medum pour les concrétiser ? D'abord, je tiens à préciser que les fondateurs ont bénévolement contribué au lancement du site Internet dont le coût est estimé à 200.000 DH. Concernant votre question, nous comptons dans un premier temps sur les cotisations des membres dont le nombre sera donné lors de l'assemblée constitutive. Nous travaillons sur une ensemble de projets qui permettront à notre organisation de consolider son assise financière. Je préfère ne pas en parler pour le moment. Le monde du travail reste soumis à un projet de législation qui est loin de faire l'unanimité. Quelle est la vision du Medum sur cette question ? La démarche actuelle consiste en la mise en place de barème de dédommagement en matière de licenciement. A mon avis, il faudrait laisser à la justice cette attitude. Et par là-même offrir la possibilité à la justice de recourir à des experts en la matière. A cet effet, des experts doivent être formés dans le domaine social. Le projet de code du travail ne définit pas les règles pouvant aider l'employeur dans le solutionnement des conflits sociaux. Les employeurs ne connaissent pas leurs droits. Il n'existe pas de formation préliminaire destinée à préparer leur prise de fonction. On pourrait même envisager le cas où le banquier conditionnerait l'octroi d'un crédit après le passage d'un stage de formation au futur chef d'entreprise. Par ailleurs, les pouvoirs publics seront amenés à intervenir du côté des employés. Chacun connaissant ses droits et ses obligations la tâche n'en serait que plus aisée. Et c'est à ce moment que l'agence nationale de l'emploi deviendrait le vrai promoteur de l'emploi. Si elle associe l'ensemble des opérateurs économiques, elle peut se développer. Véritable employeur, les entreprises pourront alors recourir à ces services, puisqu'elle mettra à leur disposition une base de données. L'ANAPEC pourrait même délivrer des attestations de bonne conduite des personnes qu'elle place. Par conséquent, un tel livret limiterait l'interventionnisme et le favoritisme dans le marché de l'emploi. Et dans le cadre, du recyclage des employés, les pouvoirs publics peuvent mettre en place un programme de délocalisation à travers les collectivités locales. Ce qui peut se traduire par la passation de fonds entre collectivités en cas de résultats excédentaires. Il est une évidence: on ne peut plus travailler au hasard. L'évolution ne réalisera que dans un système de suivi et d'appréciation du mérite. • Propos reccueillis par Nabila Fathi et Imane Azmi