Moha Benhsain était chef de division qui coiffait la direction de la sécurité à la SAMIR. C'est en technicien averti ayant passé 35 ans à la raffinerie qu'il brosse un sombre tableau d'une bombe qui n'en finit pas d'exploser. ALM : Vous étiez chef de la sous-traitance qui coiffe, entre autres, la direction de la maintenance à la SAMIR, que s'est-il passé encore dans l'incendie de jeudi dernier au bac 625 ? Moha Benhsain : L'incendie de jeudi dernier est dû, comme cela s'est avéré lors de la tragédie du 25 novembre dernier, à la négligence et à la gestion désastreuse du service de sécurité et de prévention. Autrement les moyens de protection anti-incendie n'ont pas fonctionné pour le réservoir en question avec l'injection de mousse et d'eau de refroidissement. Il faut préciser que chaque bac de stockage est équipé d'un système approprié pour parer à tout incendie et qu'il suffisait seulement de l'actionner pour qu'il devienne fonctionnel. Ce qui n'a pas été fait à temps malheureusement faute de moyens humains et d'entretien dont la carence a été à l' origine du grave incendie du 25 novembre dernier. Mais cet incendie a été causé par les inondations, soit le pire qui puisse arriver à une raffinerie ? Dans la formation des ingénieurs et des techniciens de raffinerie, toutes les hypothèses d'accidents sont étudiées avec toutes les solution préventives et opérationnelles possibles. De fait, les inondations du 25 novembre ne devaient pas surprendre une direction qui en a connu d'autres sans que cela ne tourne au drame. Il fallait donc prendre les mesures préventives d'autant plus que les défaillances des bacs étaient connues. Les fameux réservoirs 600 , 601, et 602 avaient des toits flottants qui laissaient apparaître des fuites à conséquences dangereuses en cas de pluie. Les techniciens marocains avaient, bien avant la privatisation , trouvé la parade en usant de pompes et de matériel pneumatique pour dégager l'eau. Il fallait, bien sûr, une surveillance accrue de la part du personnel de la sécurité , ce qui a permis d'éviter de catastrophe semblable à celle du 25 novembre pendant les périodes pluviales. Mais pourquoi ce système n'avait-il pas fonctionné ? Parce que tout simplement la nouvelle direction a décompressé le personnel de la sécurité d'une manière irraisonnée qui dépasse l'entendement. Encore faut-il préciser que le nombre restreint des techniciens restants est acculé à exécuter les ordres sans avoir le droit au moindre esprit d'initiative. Pourtant la formation dans la sécurité de la raffinerie est formellement stricte en cas d'inondation qui est le danger le plus grave pour une raffinerie. En cas de danger, l'opérateur doit prendre l'initiative de couper le courant et d'arrêter les machines sans demander l'avis de la hiérarchie. Il est le non-respect de cette formule sacrée qui a engendré la catastrophe du 25 novembre quand le directeur, Abderrahmane Saâidi, avait ordonné de laisser les unités en marche alors que les inondations étaient imminentes. Il est normal qu'une faute aussi grave soit commise par un expert comptable qui ne connaît rien à la technologie de la raffinerie. C'est d'autant plus intriguant que l'Etat a permis à un ex-ministre de la Privatisation qui a cédé la SAMIR d'en devenir le directeur. Mais la situation est beaucoup plus complexe pour la réduire à un problème de personnes ? Je ne personnalise pas. Je parle bien des ressources humaines compétentes qui ont été soit licenciées , soit marginalisées. L'ex-directeur Abderrafii Manjour était un technicien qui maîtrisait la technologie de raffinage alors que Saaidi n'en est pas un et a pris des décisions graves de conséquences en réduisant le personnel de securité. Il n'a pas, de ce fait, respecté le cahier des charges et a succombé à la volonté des acquéreurs qui n'ont jamais voulu croire à la compétence des Marocains. Il est vrai que les Saoudiens comptent sur les Occidentaux pour diriger leurs raffineries, car ils considèrent que ces derniers sont les seuls à pouvoir maîtriser cette technique. Ils ont oublié que les Marocains ont pendant plus de trente ans dirigé la SAMIR avec un brio et un savoir-faire qui leur ont été reconnus de par le monde. Mais il est tout de même consternant que ces mêmes Saoudiens qui ont acquis une raffinerie en Suède aient gardé tout le personnel de ce pays depuis le directeur jusqu'au dernier technicien. Chez nous, les acquéreurs n'ont pas respecté le cahier des charges ni en matière de la gestion du personnel , ni en investissement pour la mise à niveau de la raffinerie. La population de Mohammedia a été prise de panique lors du dernier incendie. Existe-il vraiment des risques graves qui peuvent causer des catastrophes aux habitants ? Il ne faut pas se leurrer et croire aux propos rassurants de certains dirigeants de la raffinerie. Les risques d'une catastrophe sont multiples et le danger est omniprésent quand on sait que la déflagration d'une sphère de propane ou de butane peut frapper sur un rayon de 15 Km. Quand on sait que ces sphères sont juxtaposées les unes aux autres et que leurs soudures sont fissurées, une explosion peut se produire en série et toucher de plein fouet Mohammedia et Ain Sebaa. Autant dire la vérité et rappeler qu'il existe des zones névralgiques qui nécessitent une intervention immédiate sinon le danger guettera la population à chaque instant.