L'affaire des 30.000 emplois sur des bateaux de croisière à l'étranger prend une nouvelle tournure avec l'entrée en lice de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF). Cette organisation syndicale confirme, arguments à l'appui, que l'offre d'embauche de l'agence émiratie Al Najat ressemble à une arnaque. Houleux. “Ça ressemble à du racket, à une escroquerie“. C'est en ces termes sans équivoque que ITF (International transport workers) qual- lifie l'opération des 30.000 emplois sur des bateaux de croisière à l'étranger, proposés au Maroc par l'agence émiratie Al Najat Marine Shipping. Regroupant 594 syndicats des transports dans 136 pays, représentant environ 5 millions de travailleurs, la Fédération internationale des ouvriers du transport, créée en 1886 à Londres en Angleterre pour faire pièce aux briseurs de grève, encadre aujourd'hui les ouvriers dans diverses activités : les transports maritimes, les ports, les chemins de fer, le transport routier de marchandises et voyageurs, les voies fluviales, la pêche, le tourisme et l'aviation civile. Autorité mondiale en matière de syndicalisme, l'ITF avait déjà attiré l'attention du gouvernement kenyan sur les agissements peu nets de Al Najat qui a “vendu“ le même programme d'embauche en juillet de l'année dernière pour des milliers de postulants au Kenya. Pour ITF, “les auteurs de l'arnaque ont soutiré plus de 500 000 dollars à au moins 10 000 jeunes Kenyans“. Al Najat Marine Shipping s'était attaché les services de cinq agences d'intérim, basées à Nairobi, pour le recrutement de pas moins de 50 000 employés à bord de navires de croisière. Pour être inscrit, chaque candidat était obligé de verser la somme de 58 dollars au titre de la visite médicale. Selon ITF, au moins 10.000 candidats ont mordu à l'hameçon. L'ITF, qui a par ailleurs déjà obtenu par le passé la condamnation de compagnies impliquées dans des escroqueries similaires en Belgique et au Canada, juge malhonnête “le procédé de l'embauche contre l'argent“. En effet, un chômeur à la recherche d'un emploi est par définition un homme sans ressources financières. Aussi ne doit-il en aucun cas payer les frais médicaux qui sont, selon la législation internationale du travail, à la charge de l'employeur. C'est logique, clair et net. Secrétaire général d'ITF, David Cockroft s'était rendu dans la capitale du Kenya, Naïrobi, où il a rencontré à ce sujet des ministres de ce pays. “ Cette pratique ressemblait fort à du racket, à une escroquerie“, leur a-t-il expliqué. Les victimes auraient pu être beaucoup plus nombreuses. Mais l'intervention de cette organisation qui a mis la puce à l'oreille aux syndicats maritimes kenyans et aux autorités locales a fait interrompre le processus suite à une enquête diligentée par le gouvernement Kenyan. Le scandale éclate. Et l'affaire tourne en queue de poisson. Voilà donc que cette mystérieuse compagnie, Al Najat Marine Shipping, refait surface et jette son dévolu sur le Maroc où elle utilise le même mode opératoire qu'au Kenya, promettant de caser au départ 22.000 Marocains (une offre additionnelle de 8.000 jobs vient d'être annoncée) sur des navires de croisière. L'ITF est formel: ces derniers ne peuvent pas absorber le nombre d'emplois, il est vrai énorme, offerts par l'agence de recrutement basée aux Émirats arabes unis. “ Il est impossible qu'autant d'opportunités d'embauche existent sur ce type de bâtiments“, explique-t-on du côté de l'ITF. Cette organisation livre un autre argument pour corroborer sa thèse : “ Même avant les attentats du 11 septembre qui ont eu des conséquences fâcheuses sur nombre de secteurs y compris celui de la croisière, ce créneau-là ne pouvait pas offrir plus de 1000 nouveaux postes d'emploi“. Parole de spécialiste. Alors, où se nichent les milliers de jobs promis par l'agence émiratie ? Le mystère est d'autant plus épais que cet intermédiaire n'a pas révélé l'identité des éventuels sociétés maritimes concernées. Que des zones d'ombre dans ce dossier qui promet d'être houleux. L'ITF conseille “vivement aux chercheurs d'emplois de ne pas verser d'argent pour un travail, de s'assurer que l'emploi existe vraiment et de prendre conseil auprès des syndicats en cas de doute“. Cette mise en garde vaut pour tout le monde y compris pour les autorités marocaines.