Le directeur général de l'Anapec, Chafik Rachid, était convoqué il y a quelques semaines au siège du ministère de l'Intérieur. Objet de cette convocation, l'affaire des milliers d'emplois à bord de bateaux de croisière… fictifs. Chafik Rachid est parti de nouveau aux Émirats arabes unis. Il y est depuis une semaine. Détrompez-vous, le directeur général de la désormais célèbre Anapec s'est rendu dans ce pays dans le cadre d'un voyage de désagrément. C'est le cas de le dire. Au moment où les aoûtiens partent en vacances pour se refaire une santé au soleil, lui s'en va à son corps défendant au casse-pipe, au charbon. Il doit se coltiner les filous de l'agence Al Najat Shipping dans l'infime espoir de leur arracher les emplois fictifs promis à des milliers de candidats marocains à bord de bateaux de croisière. “ Donnez-moi mes jobs virtuels ou je fais un malheur“, a dû leur crier notre brave directeur général qui d'habitude est d'un calme olympien. Mais ces énergumènes, la paire Ali Pasha et Mohamed Salim, respectivement directeur général et directeur commercial d'Al Najat, ont le don de l'agacer avec leurs promesses anesthésiantes. Lors de son premier voyage, l'intéressé a ramené dans son escarcelle la promesse que le premier contingent commencerait à embarquer pour de bon à partir du 15 août après que les départs furent programmés successivement en juin, puis juillet… Or, les promesses, c'est connu, n'engagent que ceux qui y croient… Le patron de l'Anapec qui croit être tiré d'affaire ne fera que s'enfoncer dans la nasse. Dès son retour d'un précédent déplacement, déjà infructueux, des Émirats, le ministère de l'Intérieur l'a convoqué pour qu'il s'explique sur les ressorts de cette farce en haute mer. Or, la commission d'enquête de ce département s'est retrouvée face à un responsable qui ne sait pas visiblement de quoi il retourne. Notre Rachid national était incapable de répondre aux questions pourtant simples de ses interlocuteurs. Avez-vous une idée sur la courbe actuelle de l'activité des croisières dans le monde ? Non. Connaissez-vous le nom de l'employeur éventuel ? Al Najat a refusé de nous le dire. Savez-vous où les candidats passeront leur stage de futur équipage ? Non. Et les livrets maritimes, les avez-vous demandés aux autorités compétentes ? Non. Avez-vous contacté ITF (le collectif des transports internationaux) pour en savoir plus sur l'offre de l'agence Al Najat ? Non. Et les pays déjà escroqués, le Kenya, la Syrie, le Pakistan, la Roumanie ? Non plus. Au terme de cet examen sur terre ferme, la note finale du candidat confine au zéro pointé et sa météo interne vire au gris. Tout au long de cette épreuve orale, M. Rachid transpire, gigote sur son siège comme un gosse pris en défaut. Le bateau Anapec s'est échoué par des centaines de mètres de fond et percuté des récifs insoupçonnés. En se rendant pour la deuxième fois aux Émirats arabes unis chez les responsables d'Al Najat, le candidat recalé a bénéficié d'une session de rattrapage accordée par les examinateurs. Pourvu que la boussole introuvable soit au rendez-vous et que son voyage de dernière chance ne soit pas une bouteille jetée à la mer. Car les candidats de tout le pays attendent avec impatience d'embarquer et de faire en mer de grandes balades en compagnie des gens heureux. Chimères. La houle qui est en train de monter des tréfonds de milliers de prétendants blousés risque d'être aussi méchante que le naufrage du Titanic…Sale temps pour les croisières… À vos gilets de sauvetage.