Chafik Rached est parti soit pour une croisière dans l'un de ses fameux bateaux, soit il est allé carrément chercher un travail auprès de la compagnie «Al najat». Une boutade d'un député qui veut tout dire. La mascarade de l'ANAPEC n'a pas laissé les hommes politiques indifférents. Bien au contraire, ils se sont tous posé des questions et en ont même posé plusieurs au ministre du travail, Abbas El Fassi, aussi bien en séance plénière ou dans les commissions du Parlement. Mais les réponses du ministre étaient tellement rassurantes qu'ils étaient obligés de le croire. Et comment ne pas le croire quand on sait que tout le monde espérait que l'opération serait un miracle qui sorte des affres du chômage les 30 000 jeunes marocains. Certains ministres et autres députés sont tellement déprimés par le taux de chômage élevé qu'ils n'ont pas voulu raisonner face à l'intransigeance d'un ministre trop sûr de lui. D'autant plus que l'approche des élections, aidant et la campagne électorale ne pouvaient que conforter le ministère dans son assurance préméditée. Personne n'a besoin d'une bombe à l'approche des élections même si le 15 août promis, pour le départ d'un premier contingent de 5000 personnes, s'est avéré une incroyable farce. Mais il existe aussi ceux qui ne sont pas tombés dans le piège du rêve pour garder les pieds sur terre et voir la réalité en face. On ne peut pas, d'un jour à l'autre, recruter 30000 personnes, à moins qu'il s'agisse de déplacer des êtres humains pour une planète qui vient d'être conquise. Le secrétaire général du PND, Abdallah Kadiri, est l'un de ceux qui ont douté dés l'annonce de l'opération ANAPEC. Presque le titre d'un film. Kadiri n'a pas failli à sa réputation d'un homme direct qui dit ce qu'il pense : «Je n'ai jamais cru à cette opération de recrutement gigantesque parce que tout simplement cela relève de l'impossible. J'ai dès le début pensé que c'était une arnaque qui crevait les yeux pour ne pas la ranger sous la rubrique d'une utilisation politique sordide. Ce n'est pas l'affaire d'une personne, car j'estime qu'un gouvernement ne doit pas se soumettre aussi naïvement à une telle supercherie. Il est inconcevable par exemple de croire que des société de bateaux de croisière appartenant à des Européens fassent appel à une petite ou fictive société émiratie pour le recrutement des gens. C'est le monde à l'envers. Aujourd'hui l'amertume et la déception des jeunes risquent de faire mal si on ne trouve pas les solutions adéquates pour remédier à cette situation incroyable.» Le président du groupe parlementaire du PJD, Mustapha Ramid, développe le même raisonnement même si l'avocat avait à un certain moment rêvé à la place des chômeurs. Mais quand ils sont venus le voir, il y a quelques jours pour lui annoncer que tout ce scénario était un bluff, il n'arrive pas à contenir sa bile : «Je ne vous cache pas qu'au début , j'étais heureux pour les chômeurs qu'une opération, cautionnée par le ministère du travail puisse les éloigner des affres de la misère. Mais malgré la garantie gouvernementale, je n'ai jamais cessé de douter et de dire au fond de moi-même qu'il y a quelque chose de louche dans cette affaire. Mais j'étais encore une fois réconforté dans mon souhait que ce recrutement soit vrai quand le ministre Abbas El Fassi est venu rassurer les gens sur la véracité de cette opération. Mais malgré l'intervention du ministre, j'ai continué à me poser des questions sur le nombre de bateaux de croisière capables de contenir 30000 emplois. J'ai fait toutes les probabilités possibles et je me suis retrouvé en fin de compte avec une équation impossible à résoudre. Maintenant que le voile est tombé sur cette gigantesque arnaque, je me demande comment ca se fait que le gouvernement s'est déclaré comme intermédiaire dans cette affaire sans s'entourer de toutes les précautions d'usage. Il faut d'abord trouver le résultat de la multiplication de 30000 emplois fictifs par 900 dirhams réels que chaque candidat a déboursés. Ensuite il faut que le gouvernement intervienne dans cette affaire et personnellement j'estime que le prochain gouvernement doit constituer une commission d'enquête. Dans tous les cas, les victimes de cette escroquerie vont se porter partie civile contre l'Etat. Car on ne comprend pas comment notre gouvernement n'a pas traité cette affaire avec plus sérieux en mettant à contribution le gouvernement des Emirats Arabes Unis.» Mustapha Ramid en tant qu'avocat n'a plus de doute sur l'ampleur de dégâts, d'autant plus qu'un grand nombre de candidats sont venus le voir pour solliciter son aide en tant que juriste et député. Le président de la communauté urbaine de Casablanca, Saad Abbassi, développe un discours modéré même si on peut lire en filigrane un scepticisme certain : «J'ai cru à cette opération parce qu'il y a quelques années, dans le cadre de jumelage de Settat avec l'emirat d'El Foujaira, les responsables de cet emirat avait besoin de main d'oeuvres. Il demandait un contingent d'employés, de commis, de banquiers et autres agents d'assurances. Mais il faut avouer qu'à l'époque le contexte était différent parce que les dirigeants de ce pays voulaient remplacer une main d'œuvre essentiellement iranienne pour des raisons politiques évidentes. Ceci étant je comprends le désarroi de milliers de gens qui ont cru à la véracité de cette opération et qui y ont tout investi. On ne crée pas un espoir sans être certain de sa finalité, il fallait être assuré de l'employabilité de ces gens avant de les embarquer dans cette galère. Ce qui se passe aujourd'hui est une catastrophe dont il faut limiter immédiatement les dégâts.» Le secrétaire général de l'UC Mohamed Abied de l'UC, Mohamed Abied, est tout aussi incrédule même s'il reste modéré dans ses propos : «Vous savez quand un membre du gouvernement vous rassure sur la fiabilité de l'opération, vous ne pouvez que le croire. Les députés de notre parti ont posé des questions à temps aussi bien dans la séance des questions orales que dans les commissions. On n'a pas cessé de demander des éclaircissements sur cette opération et le ministre n'a pas cessé de nous dire que c'était sérieux. Maintenant que tout le monde en parle, il faut bien qu'on sache une fois pour toute si le recrutement de ces 30000 personnes est toujours une réalité ou une mascarade.» La réalité est malheureusement amère pour des milliers de jeunes qui ont cru à la parole d'un membre du gouvernement. Quant à l'ANAPEC et la disparition de son directeur, Chafik Rachid, il n'y a pas mieux que cette boutade d'un homme politique pour définir son ridicule. On raconte, dit le député, que le directeur de l'ANAPEC est parti soit pour une croisière dans l'un de ses fameux bateaux soit il est allé carrément chercher un travail auprès de la compagnie « Al najat ». sauve qui peut !