Le coordinateur d'Al Najat au Maroc, Réda Rami Yahyaoui, ne sait plus à quel saint se vouer. Dans cet entretien, il évoque son rôle dans l'opération de recrutement, parle de la responsabilité de l'Anapec et étaye les actions qu'il entreprend pour minimiser les dégâts. ALM : Ces derniers temps, la presse vous présente tantôt comme représentant d'Al Najat, tantôt comme un agent d'intérim. Auquel des deux profils vous-identifiez-vous ? Réda Rami Yahyaoui : Ce sont les documents et les preuves tangibles qui parlent et non de simples spéculations émanant de parts et d'autre. Je dispose du papier signé de la société émiratie Al Najat qui délimite mon intervention dans l'opération de recrutement à la simple coordination. Par ce terme, il est fait référence à la circulation de l'information entre les différents intervenants, de manière à chasser tout équivoque. Cet écrit atteste en effet que je ne suis en aucun cas le représentant d'Al Najat au Maroc. Vous avez déclaré à notre journal au début de l'opération que le premier contact d'Al Najat au Maroc était noué avec vous alors que lors de la conférence de presse organisée par l'Anapec au mois de mai, son D.G Chafik Rached a certifié que son agence a été la première à prendre contact avec cette société émiratie. Aujourd'hui, il déclare que vous étiez choisi unilatéralement par Al Najat. Que répondez-vous à tout cela ? Je n'arrive pas à cerner l'objectif de l'Anapec en cherchant à me décrédibiliser. J'assure toutefois que j'étais le premier contact qu'a noué Al Najat au Maroc. C'est une réalité que je ne vais pas fuir alors que je pouvais le faire en mettant en exergue la déclaration de Chafik Rached lors de ladite conférence de presse. Ce sur quoi je veux insister, c'est qu'une fois informé du contenu du travail qui m'est demandé, je me suis adressé aux autorités compétentes pour m'assurer de la réelle teneur de l'opération de recrutement et de l'existence de la société émiratie. Un travail d'investigation que je ne pouvais en aucun cas accomplir par mes propres moyens. Dès lors, des correspondances ont été échangées entre des officiels des deux pays. Elles assuraient toutes que la société existe bel et bien et que l'opération ne pouvait qu'aboutir, d'autant qu'elle était cautionnée par l'Emir Sakr, par ailleurs président du conseil d'administration d'Al Najat et détenteur de 51 % de ses actions. Ce n'est qu'à partir de ce moment que nous, agence de recrutement, avions démarré notre travail. Pourtant, Chafik Rached a déclaré à un journal de la place que l'opération avait démarré avant cette date, notamment dans la région de Khouribga. Il n'a pas tout à fait tort. Mais une précision s'impose. Trois cabinets avaient déjà commencé à recueillir les demandes pour achalander leurs bases de données, mais l'Anapec est intervenue pour leur notifier qu'il faut tout abandonner et que tout doit émaner de sa propre base de données. Et toute l'opération s'est déroulée dans les locaux de l'Anapec en puisant dans sa base de données. Ça représente un coût pour les agences de recrutement. A combien l'évaluez-vous ? Il faut savoir d'abord que les coûts se comptent en termes de frais directs mais aussi de manque à gagner. Dans la pratique, un consultant en conseil est payé 5000DH par jour. L'opération a duré huit mois pendant lesquels toute une équipe de consultants fut mobilisée. Ajoutons à cela les frais liés à la logistique, au montage, au traitement et envoi des dossiers de candidature, aux voyages à l'échelle nationale et à l'internationale…En somme et sans me hasarder à vous avancer un chiffre exact, j'évalue le coût global en plusieurs millions de DH. Comment comptez-vous les récupérer, maintenant que l'escroquerie est établie ? C'est plutôt l'échec de l'opération qui est établi. Car comment peut-on parler d'escroquerie alors qu'on n'a pas certifié qu'il y a eu flux d'argent, comme c'est le cas dans d'autres pays. Le seul flux d'argent se situe au niveau de la clinique Dar Salam… Ce que vous insinuez s'assimile à de simples suppositions alors qu'il faut se baser sur des faits avérés. De ma part, je tente actuellement de rassembler un maximum d'informations portant sur le domaine maritime. J'essaie d'entrer en contact avec des compagnies maritimes qui détiennent des bateaux de croisière pour déceler les besoins potentiels du marché dans sa globalité et de là, vérifier si leur volume peut absorber la demande exprimée par Al Najat. Cela se fait-il en coordination avec l'Anapec ? Plus aucune information ne nous parvient de l'Anapec. Tout est en stand-by en attendant d'analyser dans le détail tout ce qui s'est passé. Il faut dire que l'opération de recrutement a atteint à une certaine période, un niveau d'intensité qui ne permettait plus d'agir avec du recul. C'est vrai qu'on avait tous des soupçons, mais ce sont les mêmes raisons qui amenaient des milliers de candidats suspicieux à aller de l'avant qui nous poussaient à faire de même. Nous essayons actuellement pour parer au problème, ne serait-ce qu'en partie, d'optimiser la base de données de candidature en essayant d'y répondre par une offre appropriée en privilégiant les recruteurs nationaux. À combien s'élève l'effectif des candidats ? À exactement 46.160 personnes. Etant donné que Ali Pacha a disparu, ne faut-il pas s'adresser directement au Cheikh Sakr au lieu de s'obstiner à chercher Pacha, peut-être en vain ? Au niveau des agences de recrutement, les formalités vont bon train pour attaquer Al Najat en justice et établir la responsabilité d'Al Najat, Cheikh Sakr et Ali Pacha. La disparition de ce dernier demeure toujours un mystère. Comment expliquer le mutisme du Cheikh Sakr, vu qu'il est garant de l'opération ? C'est fuir une responsabilité évidente que de ne pas s'exprimer et donner sa version à des millions de candidats lésés de par le monde. C'est tout ce que je peux dire.