Mustapha Sabik, membre du conseil municipal de la ville de Casablanca, s'explique sur l'augmentation du prix de la viande. Il commente les causes de cette flambée des prix, liée à ses yeux la bonne saison agricole et au jeu des intermédiaires. Aujourd'hui le Maroc : Comment expliquez-vous l'augmentation du prix de la viande rouge à Casablanca? Mustapha Sabik : D'abord, je suis enclin à répondre que cette augmentation est liée à la loi de l'offre et de la demande. La saison agricole est en effet très bonne, et les éleveurs ne se précipitent pas sur les marchés pour vendre leur bétail. Ils ont l'assurance de trouver dans les champs de quoi nourrir à moindres frais leurs troupeaux. Par conséquent, peu de bêtes sont acheminées chaque jour aux abattoirs. Ce qui explique la flambée des prix. Mais la saison agricole n'est pas toutefois la seule responsable de l'augmentation des prix. Quels sont les autres facteurs ? Je répondrai plutôt : qui sont les parties à qui profite cette augmentation des prix de viandes ? Il faut d'emblée exclure la ville. Elle a investi 80 millions de dollars pour la construction des nouveaux abattoirs qui répondent à des normes internationales. La ville de Casablanca n'a pas encore payé toutes les échéances. Mais il y a de quoi être fier avec les nouveaux abattoirs. Ils permettent la mécanisation de l'abattage et la traçabilité des bêtes. Aujourd'hui, un Casablancais qui achète la viande sortie de ces abattoirs peut être certain qu'elle n'a pas été tripotée par les mains des chevillards et qu'elle présente toute les garanties d'hygiène. Mais alors à qui profite cette augmentation ? Les abattoirs et le marché du gros sont deux grosses institutions de la ville de Casablanca. En dépit des efforts pour les réguler, il y persiste des centaines d'intermédiaires. Ils sont incontrôlables et très inventifs. Ce qu'il faut, c'est réguler ces deux structures de façon à barrer la route aux intermédiaires. Les empêcher de procéder à des opérations sibyllines. Pour atteindre cet objectif, il faut renforcer le pouvoir des autorités de la ville, en créant des commissions de régulation. Nous avons besoin d'équipes professionnelles, dotées de moyens pour mettre un terme aux manœuvres, quasi hors-la-loi, des intermédiaires. Ils sont spécialistes de l'informel dans le formel. A propos d'informel, ne craignez-vous pas que l'augmentation du prix de la viande n'encourage la multiplication de l'abattage clandestin ? Les abattoirs clandestins existent déjà. Et ils sont fort nombreux et parfaitement en harmonie avec les autres secteurs de l'informel qui rongent l'économie nationale. Celui qui abat le bétail dans des locaux de fortune à Dar Bouazza, Médiouna et Bernoussi a l'habitude de construire dans l'illégalité, dérobe des plantes en cachette et ainsi de suite... Mais comment combattre l'abattage clandestin ? En menant des campagnes de sensibilisation contre les risques de consommer les viandes qui sortent de ces endroits. En créant peut-être des abattoirs, qui répondent aux normes, mais qui sont d'une taille plus modeste, comparativement au nouveau. Le défaut de proximité peut encourager en effet la naissance de structures informelles. Pourquoi ne pas réfléchir à la création de trois petits abattoirs dans les points noirs de la viande clandestine ? On peut tout à fait les envisager à Dar Bouazza, Médiouna et Bernoussi. Pensez-vous sérieusement que ce soit suffisant pour mettre un terme à l'abattage clandestin ? Ces mesures peuvent inciter à conduire les bêtes vers des structures régulées, mais elles ne peuvent en aucun éradiquer un phénomène qui a de nombreuses implications, y compris culturelles. Il existe des personnes qui achètent de la viande seulement quand elles voient les abats de la bête. Comment faire pour changer cette culture-là ?