On la verra encore mercredi 8 mai à 20 h à Rabat et vendredi 10 mai à 19 h à Kénitra. Il s'agit d'une pièce de théâtre dont la première, jeudi dernier à l'Institut français de Casablanca, a tenu en haleine les spectateurs pendant plus d'une heure. Le bruit des armes à feu. Des tirs de mitrailleuses. Des explosions. Des détonations assourdissantes. Le sifflement des balles. Une pluie d'obus. Voilà ce que réserve aux spectateurs l'accompagnement sonore de «Une alliance nommée désert», une pièce de théâtre écrite par Rachid Mountasar d'après un scénario de Mostafa Nissabouri et Abderrahmane Tazi. La mise en scène de la pièce a été assurée par Mohamed Nadif. Le décor est très cinématographique. Il représente un champ de bataille, avec des sacs de sable, des paquetages, quelques casques éparpillés. Dans la première scène, un soldat fait son paquetage. On ne saura jamais son nom, mais on voit sa femme qui use de tous les moyens pour le persuader de rester. Ce soldat s'apprête à partir pour le désert. Les supplications de sa femme, rôle remarquablement tenu par Latifa Ahrar, n'y font rien. «Les nuits sont longues, froides, très froides» lui dit-elle pour le pousser à annuler son départ. Le déchirement de cette séparation semble être une parodie d'une vieille scène du genre : les adieux de Hector avec Andromaque. Nous sommes ensuite plongés dans une scène de bataille qui mêle très bien effets de lumière, fumée et surtout son. Deux soldats ennemis qui ont survécu à la bataille discutent. Une femme, Asmae Hadrami et un homme, Mohamed Nadif. Ils s'appellent par leurs matricules, respectivement X 96 et B 22. La femme raconte des histoires drôles à l'homme, dissipe peu à peu ses craintes. Ils finissent par sortir de leurs tranchées, et trompent leur solitude en enterrant les morts. Les cris des hyènes font peser une lourde menace sur la survie des deux soldats. Bonne interprétation de Mohamed Nadif qui dégage une grande énergie dans le jeu, sait exploiter son corps de façon à le rendre expressif. Au reste, de petits réglages restent à faire dans cette pièce. C'est d'ailleurs le propre d'une première. La principale réserve qu'on peut émettre sur cette pièce, c'est que la mise en scène reprend plusieurs techniques cinématographiques. Ce n'est pas à proprement parler un reproche, mais cela crée un étrange sentiment chez le spectateur qui assiste à une pièce de théâtre comme s'il regarde un film au cinéma. L'illusion trop réaliste y est très probablement pour quelque chose. Les treillis, les paquetages, les casques et les bottes sont absolument conformes à l'attirail de guerre. Rien n'a manqué pour pousser l'illusion jusqu'au bout: X 96 et B 22 sont équipés de fusils-mitrailleurs. L'autre réserve a trait à la diction qui nécessite d'être revue. Cela dit, «Une alliance nommée désert0» dispense de bons moments de théâtre. Elle doit beaucoup au texte de Rachid Mountasar. Un texte plein de poésie, et qui reflète une véritable connaissance de la psychologie humaine. On ne connaîtra pas la nationalité des soldats en conflit, ni les raisons de leur guerre. Mais peu importe, puisqu'il peut s'agir de n'importe quelle bataille à laquelle survivent un homme et une femme. Deux êtres, sans noms, mettent ainsi à nu ce qu'il y a de plus troublant dans l'humain. Et ce indépendamment des raisons qui les ont mis l'un face à l'autre. B 22 découvre une lettre dans la poche d'un officier mort. Il apprend ainsi que sa femme, qui a mis tant d'ardeur pour le retenir, avait l'habitude de le tromper avec l'officier qui gît à ses pieds. B 22 devient pathétique après la découverte de l'adultère de sa femme. Il en veut à tout le monde, tente de séduire X 96 qui refuse de se donner à lui. Il la pousse un peu trop fort, elle tombe et ne se réveille plus. B 22 est livré au désert. Il est seul avec les cris des hyènes de plus en plus proches.