Marrakech, qui ne dispose ni de port, ni de frontière avec un autre pays, occupe régulièrement la rubrique des faits divers en rapport avec la drogue. Le signe d'un pervertissement que d'aucuns essayent d'expliquer. Survol. Ville touristique, par excellence et de farniente, Marrakech glisse tout doucement dans les pièges de la drogue. Les petits coups musclés des autorités de la ville de la profondeur du mal. L'arrestation du chanteur populaire Abdelaziz Stati, a remis le sujet à l'ordre du jour. D'après certaines sources, la police travaille sur une fameuse liste de 200 personnes, comprenant des consommateurs, des dealers qui appartiennent à toutes les classes, des chauffeurs de taxis aux universitaires. «Pourtant, s'indigne ce Marrakchi pure souche, propriétaire d'un restaurant, «il est étonnant que notre ville fasse l'actualité par la drogue. Nous n'avons ni port, ni frontière avec un pays. En plein désert, on ne peut pas être une plaque tournante de la drogue. C'est du côté de Casablanca et de Tanger qu'il faut voir ». Une thèse partagée par nombre de citoyens de cette ville pour qui les gros bonnets ne sont pas natifs de Marrakech. Dans les ragots, le nom d'une femme surnommée la «Tanjaouia», actuellement en cavale avec ses deux fils, revient avec insistance. La police serait aux trousses de cette femme originaire du Nord et aussi derrière un Fassi, grand fournisseur de la ville ocre en substances interdites. Un autre réseau, casablancais celui-là, serait aussi de mèche. La préfecture de la ville observe un silence de rigueur concernant cette affaire qui agite le tout Marrakech. Ces réseaux «externes » revendraient leurs produits aux petits distributeurs locaux qui savent, eux, toucher tout le monde, du simple Marrakchi au vacancier en villégiature et aux notabilités qui fréquentent les soirées de luxe. Les arrestations retentissantes de personnalités plus ou moins bien vues ont jeté un parfum de scandale dans la ville, entourant d'un léger voile de fumée son tourisme. Avant l'affaire Abdelaziz Stati, il y a eu celle de Tarik Benabdallah. Cet hôtelier, propriétaire de l'hôtel Meriem a déjà séjourné derrière les barreaux en juillet 2001. Depuis qu'une folle rumeur a gagné la ville ocre ce week-end que la police a réquisitionné les portables de certains suspects, certains bonnets tremblent. Nul doute que le prix de la demi-prise d'héroïne négocié à 900 dirhams va grimper. Ce prix promotionnel servait, d'après un observateur averti, à attirer la jeunesse nantie qui, une fois dans les filets, devra débourser 4 000 dirhams jour pour les 4 grammes nécessaires pour agrémenter une soirée. D'aucuns pointent du doigt les flots interminables de touristes qui arrivent à Marrakech via l'aéroport de la ville ou par d'autres voies d'accès, sans aller jusqu'à mettre en évidence un lien de cause à effet entre tourisme et consommation de drogue. Les quartiers d'Hivernage, le long de l'Avenue de Paris, les villas dans la Palmeraie, ainsi que les maisons d'hôtes bruissent actuellement de rumeurs de toutes sortes. D'après les indiscrétions qui filtrent ça et là, Abdelaziz Stati nie tout en bloc, reconnaissant seulement avoir consommé du kif. Ce qui n'est pas l'avis de l'un des détenus qui l'accuse. Bref, le procès de ce chanteur, prévu le 11 juin, risque d'être retentissant.