Latifa, 42 ans, mère de trois filles entretenait une relation avec un jeune de 31 ans cocufiant ainsi son mari, qu'elle cherche à quitter. Il la tue. Lundi 22 avril 2002. Quatre heures du matin. L'appartement, n°16, quartier Al walaa, Sidi Moumen, préfecture Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ, Casablanca. Ghanem s'étend sur le divan, les yeux fixés au plafond. Il fume une cigarette. L'écho des paroles que sa femme vient de lui lancer sonne encore à ses oreilles : “Je ne veux plus de toi…Tu dois me répudier si tu es un homme…et je sais que tu ne l'as jamais été ». Il crache, insulte, jette le mégot, se lève, très nerveux, hors de lui. Il quitte la chambre, entre dans la cuisine, ouvre le tiroir d'une armoire, se saisit d'un couteau. Et se dirige ensuite vers l'autre chambre. Là dorment sa fille Fatima et sa femme, Latifa. Que veut-il faire ? Â El Aâwnate, province d'El Jadida, Ghanem est né en 1950. Sa famille n'a ménagé aucun effort pour l'aider à poursuivre ses études. Mais il n'a pas pu continuer au-delà de “La classe d'observation" . En 1969, alors qu'il a dix-neuf ans, Ghanem rejoint les rangs de l'armée jusqu'en 1974. C'est cette année qu'il rencontre Latifa, dix-huit ans. Une belle fille qui l'a séduit. Une année et demie de relation ; ils se trouvent sous un même toit au quartier Sidi Moumen, vivant en concubinage. En 1991, ils ont déjà trois filles ; Khadija, née en 1978, Hayat, née en 1983 et Fatima née en 1989. Ce n'est qu'en 1991 qu'ils établissent un acte de confirmation de mariage et tous les autres documents nécessaires pour une famille. Quelques mois plus tard, Ghanem retourne chez lui. Il est surpris par ce qu'il voit ; une dizaine de femmes chez sa femme. Qu'est ce qu'elles font là? “Je suis devenu voyante…“ lui dit sa femme. “Depuis quand ? Mais c'est de la folie !… Pourquoi t'adonnes-tu au charlatanisme ? “ lui demande-t-il stupéfait. “…Sois tranquille, ce n'est qu'une astuce pour avoir de l'argent…Je crois que nous aussi, nous avons le droit d'acheter un appartement à nos filles…‘ tente-elle de le convaincre. Et elle y arrivé. Ghanem accepte le statu quo. Les jours passent, la joie trouve sa place dans la famille Ghanem. Les commissions qu'il empoche de son activité de Samsar (Intermédiaire en immobilier) et l'argent que touche sa femme leur permettent de vivre dans les meilleures conditions. En 1998, Ghanem et sa femme sont arrivés à acheter un appartement au quartier Al Walaa. Il est enregistré au nom de la femme. Quelques mois plus tard, leur aînée, Khadija se marie et ensuite leur cadette, Hayat. En moins d'un an, Khadija retourne chez ses parents, les larmes aux yeux et un ventre qui indique le deuxième mois de sa grossesse ; elle a été répudiée par son mari, un soldat de son état. Deux ans se sont écoulés depuis cet incident. La petite fille de Khadija en est à son deuxième printemps. Été 2001. Latifa et sa fille aînée assistent à un mariage. Khadija séduit le chanteur Abdelaziz, trente et un an. Il parle à la mère, lui donne ses coordonnées. “Eh Latifa, qu'est ce qu'il fait cet Abdelaziz chez nous alors qu'il ne veut pas établir un acte de mariage avec Khadija…Qu'est ce qu'il attend ?…“, lui demande-t-il. “Il faut attendre encore un peu car s'ils établissent maintenant un acte de mariage son ex-mari va sûrement intenter un procès contre elle pour lui retirer la garde de la fillette…tu comprends ?…“ lui répond-t-elle avec nervosité, avant de retourner dans la cuisine sans attendre sa réplique. Début février 2002. L'aînée, Khadija disparaît. Ou est-elle allée avec sa petite fille ? Depuis, Latifa sort quotidiennement avec Abdelaziz pour la chercher et lorsqu'elle retourne chez elle, elle se contente de dire à son mari : “On ne l'a pas trouvée…On a passé toute la journée à chercher dans les cafés, les commissariats et les hôpitaux, en vain…Je ne sais pas ou est-elle allée…Oh ma fille!…“. Ghanem ne répond pas, garde le mutisme, remarque le manège qui se passe devant lui sans parler. Pourquoi ne réagit-il pas ? personne ne sait au juste. Elle passe quotidiennement sa journée avec Abdelaziz, bien maquillée, bien habillée. Elle ne porte plus les djellabas, mais des pantalons, des jupes et des chemises. C'est dans cette tenue qu'elle cherche sa fille et sa petite-fille ? s'interroge Ghanem. Les doutes lui rongent le cœur et la tête. Elle ne s'est jamais rendue chez le coiffeur, pourquoi aujourd'hui et avant de sortir avec Abdelaziz ?. La tempête gronde sous son crâne. Mi-Février. Le téléphone sonne. Ghanem saisit le combiné. “Allo…Allô... ça va Ghanem ?…Je suis l'ex-mari de Khadija…Maintenant elle est chez moi depuis quelques jours, on va Incha Allah se remarier parce qu'on s'aime encore“. Une fois que Ghanem a reposé l'appareil, il est hors de lui. Il sent qu'il n'est plus l'homme de la maison. Latifa revient à la maison. Ghanem lui demande :“ Ou tu passais les journées avec Abdelaziz ? Tu sais que ta fille est chez son ex depuis quelques jours…“. Lundi. Vers quatre heures. Le cendrier est plein de mégots. “Je vais mettre fin à ce calvaire aujourd'hui …je ne peux plus supporter plus longtemps cette situation …“se dit-il. Il se lève, se saisit d'un couteau de la cuisine, retourne dans la chambre où sa femme dort. Sa benjamine, Fatima, trois ans, dort à côté d'elle. À pas lents, il entre, n'allume pas la lumière…“Et maintenat, qui c'est l'homme ? : moi ou Abdelaziz ? “ crie-t-il en lui portant des coups de couteau dans l'obscurité. Elle crie, hurle…et se calme. Elle n'est plus qu'un cadavre. L'enfant ouvre les yeux. Mais il y a toujours l'obscurité. Elle crie. Le père sort, quitte les lieux du crime, pour se rendre à la gare routière Oulad Ziane, regagne Kenitra à la recherche de son oncle. Il ne le trouve pas. Il y passe deux jours avant de retourner à Casablanca. Ses pas l'emmènent chez lui, où l'attendent les éléments de la brigade mobile de la sûreté publique de Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ.