Une domestique de nationalité philippine a été maltraitée violemment, à Casablanca, par son employeuse marocaine et sa mère. Ces dernières ont été arrêtées et la victime a été confiée à l'association «Touche pas à mes enfants». Cela fait trois ans qu'elle a quitté les Philippines. Mais il y a uniquement six mois qu'elle trime, sans répit, comme bonne à tout faire ; qu'elle mène une vie hypothéquée au service de ses employeuses, Nadia et sa mère Saâdia, peu scrupuleuses ; qu'elle ne sache que laver, nettoyer, récurer, obéir, servir et oublier tous ses propres besoins. Durant ces six mois, elle semble avoir oublié si elle est encore un être humain et qu'elle n'est plus qu'un objet qui ressemble à un balai, un aspirateur ou à un chiffon. Elle s'appelle Salasal Baybannot, de nationalité philippine. À son trente et unième printemps, sa taille donne l'impression qu'elle est encore mineure. «Elle a été surexploitée, maltraitée et humiliée au point qu'elle est devenue esclave ordinaire des temps modernes», affirme à ALM, Najia Adib, présidente de « Touche pas à mes enfants» (Matkich Wladi) qui est venue sauver la domestique philippine des mains de ses deux bourreaux ! «J'ai quitté mon pays les Philippines pour l'Arabie Saoudite…», confie à ALM, Mlle Salasal, dans un anglais et un arabe difficilement compréhensibles. Elle a passé plus de deux ans chez une famille saoudienne. «La famille saoudienne me traitait humainement…», précise-t-elle à ALM. Mais le destin l'a conduite, en début d'année, vers les Emirats Arabes Unis et l'a mise entre les mains d'un couple composé d'un mari émirati et d'une épouse marocaine. Depuis quatre mois, un nouveau-né a égayé le foyer de ce couple encore jeune. Et au mois d'avril, il a pris l'avion à destination de Casablanca, la ville où l'épouse, Nadia, est née et a grandi avant d'aller chercher aux Emirats Arabes Unis. Avec leur nouveau-né, le couple a atterri chez la mère de l'employeuse, Saâdia, demeurant dans un appartement situé au deuxième étage de la résidence Hlioua, sise au boulevard Ali Yata, préfecture de Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ. Au fil des jours, quelques habitants ont été surpris de constater, depuis quelques balcons, que la fille philippine était maltraitée par son employeuse et sa mère. Toutes les deux lui administraient des coups de poing, de pied, de balai et avec d'autres objets. L'un des témoins, Mohamed Ziyad, membre de la Fondation des droits des Marocains dans le monde, a précisé à ALM que «La grande femme (la mère) battait la domestique avec une sandale en plastique tout en lui mettant la tête dans un sac en plastique et sa fille, Nadia, la frappait avec le balai…». Ziyad n'était pas la seule personne à les avoir remarquées. Mais plusieurs autres voisins. D'abord, ce sont eux qui ont avisé la présidente de l'association « Touche pas à mes enfants » (Matkich Wladi), Najia Adib. Avec abnégation, cette dernière a pris le train pour se déplacer à Casablanca et aviser les éléments du 36ème arrondissement de police au quartier Al Ântariya qui assuraient la permanence, ce dernier dimanche du mois d'août. «Je ne pouvais pas rester les bras croisés, je remarque qu'il y a une injustice contre un être humain quelle que ce soient sa nationalité, son identité et sa couleur…», précise Najia Adib à ALM. Rapidement, les policiers de l'arrondissement Al Ântariya se sont dépêchés sur les lieux, ont pris les mesures nécessaires après avoir reçu les instructions du procureur du Roi près le Tribunal de première instance de Casablanca. Le couple et la mère de l'épouse ont été arrêtés et conduits avec la victime vers le commissariat. Les policiers ont remarqué les traces de violence et de brûlures sur tout le corps de Salasal. Avec un corps qui ressemble à un squelette, il semble mal nourri. Elle a été évacuée aussitôt vers l'hôpital Mohammed V, à Hay Mohammadi. Le médecin-chef qui l'a consultée lui a fourni un certificat médical d'ITT d'un mois. Alors que le couple et la belle-mère ont été soumis aux interrogatoires policiers. Ils ont nié avoir maltraité la Philippine, et l'avoir mal nourrie. «Mon employeuse, sa mère et son frère m'ont coupé les cheveux, m'obligeaient à boire l'urine et ils ne me donnaient qu'un morceau de pain sec pour mon repas… Ils me frappaient pour un oui et pour un non, ils me violentaient même avec un couteau et ils ne me permettaient de coucher qu'au balcon à la belle étoile… », relate à ALM la Philippine avant de fondre en larmes. Lundi matin, 1er septembre, la police a traduit, en état d'arrestation provisoire, les trois suspects devant le procureur du Roi près le Tribunal de première instance de Casablanca. La police a accusé l'employeuse et sa mère de violence alors qu'elle a poursuivi le mari émirati pour non-dénonciation. Seulement, le procureur du Roi a décidé le non-lieu en faveur du mari et a traduit l'employeuse et sa mère devant le juge d'instruction. Ce dernier a décidé de poursuivre les deux femmes, selon les dispositions de l'article 401 aliéna 1 du Code pénal, pour coups et blessures avec violence, préméditation et guet-apens. Cet article prévoit une peine d'emprisonnement allant de deux à cinq ans et une amende de 250 à 2000 dirhams. Mais ce qui est important pour la présidente de l'association « Touche pas à mes enfants », Najia Adib, soutenue par l'avocat Mustapha Dahbi, est «la décision du juge d'instruction qui a confié la victime à l'association afin de prendre soin d'elle jusqu'à l'achèvement de l'affaire… ». Poursuivies en état de liberté provisoire, les deux femmes ainsi que la victime seront présentées, demain, jeudi matin, devant le juge d'instruction pour la reprise de l'instruction. Alors que Salasal a passé son premier jour de Ramadan, puisqu'elle est musulmane, chez Mme Najia Adib, qui semble ne pas défendre uniquement les enfants victimes de violence sexuelle, mais elle combat également l'esclavage domestique.