Analyse. C'est une véritable douche froide qu'a reçu la France à l'annonce des résultats du premier tour des élections présidentielles. Noureddine Jallal, universitaire, spécialiste de la politique française, réagit. C'est une véritable douche froide qu'a reçue l'ensemble de la classe politique française à l'annonce des résultats de ce premier tour des élections présidentielles. Aucune étude, aucun institut de sondage n'étaient en mesure de prédire, même dans l'hypothèse la plus pessimiste, l'élimination du candidat de la gauche plurielle Lionel Jospin et le maintien du candidat de l'extrême droite Jean-Marie Le pen au deuxième tour de ces élections. Sur le plateau de télévision les mines étaient graves, le verbe rare et des adjectifs qui reviennent souvent pour expliquer l'événement étaient cataclysme, séisme, bérézina… C'est qu'en plus de ses deux évènements précités, tous les résultats de cette soirée électorale sont lourds de sens et marquent l'histoire de la Cinquième République. Tout d'abord le taux d'abstention enregistre est un record : 28,5% soit 6 points de plus que les élections de 1995 et 11 points de plus que celle de 1988. C'est à l'intérieur des deux camps, droite parlementaire-gauche plurielle que la déconfiture est perceptible. Ainsi Jacques Chirac n'obtient que 20% des voix soit le taux le plus bas d'un Président sortant. Le score de la droite parlementaire dépasse à peine 30%, ce qui est extrêmement problématique. Seul François Bayrou qui réalise plus de 6% un taux honorable pour une première candidature. La gauche plurielle essuie une vraie défaite. elle n'obtient que 26% des voix. Pour la première fois depuis 1969 le candidat de la gauche est éliminé au premier tour. Avec un score égale à 16% le revers est patent. Le parti communiste achève sa chute en n'obtenant que 3,4% des voix. Les verts font mieux que les dernières élections puisque leur candidat Noël Mamere dépasse la barre de 5%. Le grand vainqueur de ce premier tour est l'extrême droite avec ses deux lieutenant Jean-Marie Lepen et Bruno Megret respectivement 17% et 2,9% soit un total qui approche les 20% des voix. La surprise est de taille car depuis la division de ce mouvement personne ne pouvait imaginer qu'il renaîtra, de la sorte, de ses cendres. Désormais le paysage français a littéralement changé. Il est clair que pendant le deuxième tour le report des voix de la gauche plurielle s'effectuera sur le candidat Jacques Chirac pour barrer la route au leader de l'extrême droite. Et sauf surprise, car rien n'est joué, mathématiquement le candidat gaulliste devrait l'emporter. Mais rien ne sera plus comme avant, la portée de ce résultat pèsera sur la politique française future. En effet, à l'issu de ce résultat nous assistons à une banalisation de l'extrême droite. Les électeurs ne se cachent plus pour exprimer leur désaffection des ténors politiques mais ils l'expriment avec force et en votant sur les extrêmes. Cette banalisation achève ainsi la réintroduction de l'extrême droite comme force politique nouvelle. C'est cette nouveauté que les électeurs désemparés cherchent. La droite parlementaire et la gauche plurielle n'ont pas réussi à améliorer leur quotidien. La tentation d'embrasser l'extrême droite est forte. La perspective des prochaines élections législatives jette ainsi le spectre qu'un Président de droite serait amené à cohabiter avec un premier ministre et un gouvernement issus de l'extrême droite . Car cette perspective est envisageable, il suffit de jeter un coup d'œil sur les scores historiques que l'extrême droite avaient réalisés dans des bastions réputés de gauche. Il ne faut pas perdre de vue non plus les divisions de cette dernière et le vote d'une très grande partie de l'électorat ouvrier en faveur de cette droite extrême. La droite parlementaire n'est pas bien lotie non plus. Divisée, usée elle était incapable de proposer un projet de société qui la mettrait à l'abri. En utilisant le thème de l'insécurité comme pierre angulaire de sa compagne électorale elle a facilité le travail à un Jean-Marie Le Pen qui a bâti toute sa carrière politique sur la haine de l'étranger et sur ce qu'il appelle la préférence nationale. • Noureddine Jallal