Le 16 mai 2003, les Marocains étaient horrifiés par les attentats terroristes qui ont frappé Casablanca. C'est la première fois que le pays, jouissant jusqu'alors de paix et de stabilité, est attaqué d'une façon aussi ignoble. Il y a un an, des attentats terroristes frappaient le Maroc. Le vendredi 16 mai 2003, sur le coup de 22 heures, des kamikazes au nombre de 14 se sont fait exploser simultanément dans trois endroits différents à Casablanca : hôtel Farah, Casa d'Espagna et un restaurant près du consulat de Belgique . Bilan : 45 morts et une centaine de blessés. Les images de la tragédie sont insoutenables. Horreur et consternation. C'est la première fois que le Maroc est frappé par le terrorisme aveugle. Le pays, entre révolte et incompréhension, est en émoi. Les terroristes ont profité de la période des festivités de la naissance du Prince héritier et le jour du 47ème anniversaire de la Sûreté nationale pour passer à l'acte. Mais ces crimes abjects ne resteront pas impunis : prenant certainement peur en voyant ses acolytes se faire déchiqueter sous l'effet des explosions, un candidat au suicide, Mohamed Amri, condamné plus tard à la perpétuité, renoncera à la dernière minute d'actionner sa bombe. Arrêté, il est interrogé par la police. Ce sont ses aveux qui permettent aux enquêteurs de remonter la filière et d'identifier les commandos kamikazes. La plupart d'entre eux sont originaires des bidonvilles Thomas situés au quartier Sidi Moumen. Âgés entre 20 et 24 ans, ils faisaient partie de la mouvance clandestine de la Salfiya Jihadia apparue au début des années 90 et qui a essaimé dans nombre de villes du Royaume. Le groupuscule de Casablanca se dénomme “Assirat Al Moustakim“ (le Droit Chemin) qui compte des adeptes se recrutant parmi la masse des jeunes exclus. Ce quartier de la périphérie poussiéreuse et misérable de Casablanca, propulsé en première ligne, devient le lieu le plus visité au monde par les journalistes marocains et étrangers. Reportages sur le terrain, interviews avec les familles des kamikazes…On voulait comprendre comment des jeunes ont accepté de mourir en tuant. Endeuillés, les parents des bombes humaines sont horrifiés par ce qui s'est produit autant que les autres. Les attentats de Casablanca, compte tenu du modus operandi, portent la signature du terrorisme international comme l'a affirmé le ministre de l'Intérieur Al Mustapha Sahel dans son intervention télévisée après les attaques. Al Qaïda et son chef Ben Laden sont sur toutes les lèvres et dans tous les esprits. Dans le cadre de la coopération anti-terroriste, un aréopage d'enquêteurs européens et américains débarque à Casablanca. Il s'agit d'analyser tous les indices et de ne négliger aucune piste. Dans un entretien paru récemment dans le quotidien français «Le Figaro» du dimanche 9 mai 2004, le général Hamidou Laânigri (aujourd'hui directeur général de la Sûreté nationale), patron de la DST au moment des faits, a confirmé que les attentats de Casablanca ont été conçus “par des membres marocains d'Al Qaïda qui ont rencontré Oussama Ben Laden et l'idéologue Ayman Zawahiri“. S'ensuit dès le lendemain du 16 mai une gigantesque traque policière dans les milieux de la nébuleuse Salafiya Jihadia à Casablanca, Fès, et ailleurs. Les procès des accusés s'ouvrent devant les tribunaux dans une ambiance spectaculaire. Au total, 700 jugements ont été rendus et 17 condamnations à mort prononcées. Mobilisation totale de la justice et des services de sécurité. Le Maroc, jusqu'ici un pays jouissant de paix et de stabilité, est en guerre contre le terrorisme. Cela n'arrive pas qu'aux autres. Une semaine après les attentats, les Marocains venus de différentes villes du Royaume participent à une grande marche contre le terrorisme symbolisé par “ Touche pas à mon pays“. Depuis le 16 mai, les services de sécurité, toutes catégories confondues, ne connaissent pas de répit. Le démantèlement des groupuscules terroristes un peu partout au Maroc se poursuit de plus belle. La dernière opération en date étant celle de Sid Al Khadir à Casablanca qui s'est soldée par l'arrestation de trois terroristes recherchés avant le 16 mai pour leur implication dans une série de meurtres au nom du “pourchas du mal“. Les bandes terroristes mises hors d'état de nuire au cours de ces dernières semaines ( celles de Settat et de Sid Al Khadir) voulaient refaire le 16 mai. Mais la vigilance jamais démentie des corps de sécurité a déjoué leurs plans criminels. La tâche des forces de l'ordre est d'autant plus difficile et risquée que ces individus leur opposent une résistance farouche. Plutôt que de se rendre en répondant aux sommations de la police, ils mettent un point d'honneur d'en découdre avec les policiers en utilisant les sabres. Le terrorisme qui a frappé Casablanca a levé le voile sur une dérive importante de la religion interprétée par les théoriciens de la Salfiya Jihadia de telle sorte qu'ils ont autorisé le meurtre de citoyens innocents. D'où l'initiative royale du 30 avril, qui a appelé à une restructuration du champ religieux en le débarrassant des pulsions étrangères aux vraies valeurs de l'Islam que sont la tolérance et le respect. Les attaques de Casablanca ont également rappelé une autre réalité : le terrorisme prospère sur le terreau de la misère, du désespoir et de l'ignorance. Un cocktail explosif omniprésent dans les bidonvilles de Sidi Moumen et d'ailleurs.