Al Mochrik avait à peine le temps d'ajuster ses vieilles binocles. Vendeur attitré de sucreries, il avait le regard perdu face au flux impressionnant des clients. Son commerce, situé à Sidi Fateh, à l'entrée du souk de «Bab El Had» à Rabat s'apparentait à un véritable guêpier. L'odeur fort épicée de sa «chabakia» attirait les foules de différents endroits de la capitale. L'expérience de «vingt ans», dont Al Mochrik se targuait, y serait pour quelque chose. Certes. Mais, ce samedi 23 septembre, plusieurs autres commerces connaissaient la même ruée. De fait, explique un client, «les consommateurs préfèrent acheter de la chabakia au lieu de la confectionner chez eux». Du point de vue matériel, ajoute notre interlocuteur, «cela permet à notre ménage d'économiser un peu de temps et de moyens», compte tenu de la cherté des ingrédients indispensables à la confection. Toutefois, objecte un autre client, la qualité laisse parfois à désirer. Un client exigeant est obligé à payer le prix fort. «Les prix vont de 22 à 120 dirhams», certifie Al Mochrik. Quoiqu'il en soit, le «prêt à consommer» a l'avantage d'épargner aux clients les efforts considérables de la confection «maison». Changement de décor. Du côté des vendeurs de dattes, l'autre plat favori du Ramadan, les recettes se veulent moins encourageantes. Les prix, encore moins. Et pour cause. Les dattes locales tardent à arriver, la cueillaison en serait encore à ses débuts. En attendant, les clients ont le choix entre les dattes tunisiennes (35 dirhams le kilo) et les algériennes acheminées souvent par voie de contrebande et dont le prix s'élève à 37 dirhams. «Cher, c'est très cher», proteste une dame, qui dit devoir assumer d'autres problèmes. En effet, Ramadan 2006 coïncide avec un renchérissement préoccupant du coût de la vie. En plus de l'augmentation des tarifs de train, de la facture d'eau et d'électricité, sans oublier la fièvre des cours de l'essence et du gazole, ce début de Ramadan connaît une montée des prix des légumes et autres fruits. Un petit tour du côté de Bab Sebta, à Salé, suffit pour se rendre de l'amère évidence : le kilo de tomates est passé de 3 à 6 dirhams, au même titre que les pommes de terre et autres légumes. «Le prix des légumes a doublé d'un seul coup ; pour les fruits, on n'ose plus en acheter», s'indigne un père de famille. Pourtant, à la veille du Ramadan, les marchands de fruits et légumes sont restés toute la journée sous pression pour répondre à la forte demande des consommateurs. Même tendance à la hausse enregistrée chez les bouchers, le prix du kilo de viande ayant grimpé à 65 dirhams le kilo. Quant aux poissonniers, une odeur de brûlé semblait se dégager de chez eux. En cette pré-saison de « mauvais temps», la rareté de la sardine risque de doper les prix. La perspective d'un kilo de sardines à 15 dirhams ( !) fait déjà frémir les petites bourses. Pour le reste, il faut vraiment avoir la carapace dure pour faire face au renchérissement des prix . Une situation qui a suscité une levée de boucliers chez plusieurs acteurs de la société civile, ainsi que des militants des partis politiques. L'organisation, jeudi soir dernier, d'un sit-in devant le Parlement en témoigne.