Mercredi, tôt dans la matinée, trois bombes ont explosé devant un commissariat à Athènes, à cent jours de l'ouverture des Jeux Olympiques. Pas de victime, mais les dégâts sont très importants selon les autorités grecques. Le spectre du terrorisme des années 1970 resurgirait-il de nouveau ? Selon les responsables de sécurité grecques, les poseurs de bombes avaient pour objectif de faire des victimes. Pour preuve, ces attentats ont été perpétrés dans le quartier très peuplé de Kalithea. De nombreuses parties de l'immeuble, qui regroupent plusieurs services de police, ont été endommagées et les vitres des immeubles d'habitation alentour ont volé en éclats. La police a évacué le bâtiment et bouclé le secteur. Le directeur de la brigade antiterroriste a été appelé sur les lieux. Les artificiers ont fait exploser un paquet suspect mais, après vérification, il ne s'agissait pas d'un quatrième engin explosif. Cependant, l'alerte a été donnée à un journal de la place. En effet, un interlocuteur anonyme avait appelé un quotidien d'Athènes pour avertir, à l'avance, de l'imminence de ces attentats, mais n'a donné aucune explication sur le mobile ni les revendications. Ces attentats sont survenus alors que la capitale grecque s'apprêtait à célébrer mercredi les cérémonies des 100 jours avant l'ouverture des Jeux olympiques qui se dérouleront du 13 au 29 août prochain à Athènes. D'autant qu'une délégation grecque conduite par le ministre de l'Ordre public et le chef de la police se trouve actuellement à Washington pour discuter de la sécurité des Jeux olympiques, les premiers depuis les attentats du 11 septembre 2001. Par ailleurs une équipe d'inspection du Comité international olympique (CIO) est attendue lundi prochain à Athènes pour un dernier passage en revue des préparatifs. Il faut reconnaître que c'est un sacré problème pour les organisateurs grecs, qui se démêlent tant bien que mal pour que les préparatifs soient achevés à temps. A un peu plus de trois mois de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'Athènes, la dernière ligne droite pour les préparatifs ressemble plus à une course d'obstacles qu'à un sprint. Sous la pluie, dans la boue, de jour comme de nuit, si besoin sous les projecteurs, une frénésie de travaux s'est emparée des sites en retard sur le calendrier prévu, notamment le grand stade olympique. Les rues et les places sont éventrées en vue de travaux de repavage ou de construction de nouvelles lignes ferroviaires. Les allées et venues des bétonneuses et des grues provoquent des bouchons dans la capitale grecque. Des nuages de poussières tournoient dans les rues de nombreux quartiers. Serait-ce le spectre du terrorisme des années 1970 qui resurgit de nouveau ? En tout cas, la Grèce, comme plusieurs autres pays européens, ont bien connu une vaste vague d'attentats et de tueries perpétrés par des organisations terroristes d'extrême gauche ou d'extrême droite bien avant que le «Benladisme» ne voie le jour. Les Européens et particulièrement les Grecques n'ont certainement pas oublié l'Organisation révolutionnaire du 17 novembre (OR17). Cette dernière a vu le jour en Grèce en 1975 et est probablement issue de l'Epanastatikos Laikos Angonas (petit mouvement marxiste créé en 1971, initialement dirigé contre la junte militaire, qui se définit comme révolutionnaire, anticapitaliste et anti-impérialiste) avec lequel il reste en contact. Le nom est tiré de la manifestation étudiante du 17 novembre 1973 contre la junte militaire. L'organisation d'obédience marxiste voulait faire la révolution en Grèce, objectif alimenté par le combat contre la junte militaire alors en place et contre le système capitaliste prôné par la CEE et les États-Unis. L'OR17 est donc fortement anti-américaine. On attribue entre autres à l'OR17 l'assassinat du chef du bureau de la CIA à Athènes en 1975, l'assassinat de l'attaché militaire turc Cetin Borgu en 1991 et plusieurs autres assassinats, tirs à la roquette et attentats à l'explosif. L'organisation est relativement petite et, en 2002, la police a arrêté 19 membres suspectés. Mais l'heure de gloire de l'organisation révolutionnaire du 17 novembre semble chose du passé. Alexandros Giotopoulos, le présumé chef du groupe, a d'ailleurs été arrêté en 2002. Il n'en demeure pas moins que tout est possible. Déjà en septembre dernier, des attentats contre un tribunal d'Athènes avaient blessé un policier. Les deux bombes avaient explosé à vingt minutes d'intervalle. Ces attentats avaient été revendiqués par un groupuscule se baptisant lui-même Lutte révolutionnaire (LR) qui entendait protester contre les arrestations qui ont décimé la cellule terroriste du 17 novembre. Toujours est-il que la sécurité des Jeux olympiques a atteint un budget record d'au moins un milliard d'euros et prévoit notamment le quadrillage serré de la capitale grecque par des caméras de surveillance et des patrouilles aériennes. Le système de vidéo-surveillance n'est pas encore totalement opérationnel. Sous l'intense pression internationale, les autorités grecques assurent avoir écrasé le terrorisme intérieur après les condamnations en décembre de 19 membres du mouvement du 17 novembre accusé de 23 assassinats et de dizaines d'attentats depuis 1975. Parmi les victimes du mouvement du 17 novembre figurent notamment quatre responsables américains, deux diplomates turcs et un conseiller militaire britannique. En avril, dans son rapport annuel sur le terrorisme, le département d'Etat américain notait que «les attentats perpétrés contre une série de symboles de ce qui est perçu comme les milieux dirigeants et de cibles soi-disant impérialistes (...) soulignent la nature persistante du terrorisme d'extrême gauche en Grèce». De la crainte en perspective pour plusieurs responsables de Comités olympiques et un sale-temps à passer pour les organisateurs grecs.