Très apprécié autrefois par les jeunes ruraux, le jeu équestre Mata a considérablement marqué le patrimoine historique des communes rurales de la région de Tanger- Tétouan dont celles de Larbaâ Ayacha et Had El Gharbia. «Cette compétition équestre était dans le passé un jeu sportif très populaire. Elle a été pratiquée, généralement, pendant la période de la moisson par les jeunes cavaliers», précise-t-on. Selon les connaisseurs de l'histoire de ces communes et les passionnés de ce jeu équestre, celui-ci constitue une tradition ancestrale et vient du mot arabe «Imtata», qui veut dire monter sur le dos du cheval. Et il a commencé à se pratiquer depuis la conquête arabo-musulmane de la région. «Mata est une compétition traditionnelle propre à la région. Elle se déroule, chaque année, dans une ambiance festive, et à laquelle prennent part généralement des jeunes cavaliers de la localité rurale organisatrice de cette compétition et de ceux des régions avoisinantes», indique Namat Boughaba, président de l'Association Al Ghomra pour la culture et le développement organisatrice du cinquième Festival international de Mata de Had El Ghabia qui se poursuit jusqu'au 29 mai et vise à mettre à l'honneur ce jeu équestre traditionnel. Les préparatifs de cette prestigieuse compétition équestre, rappelle-t-on, se font dans la joie dans les champs de céréales. Ils y sont réalisés par les ouvriers, composés pour la majorité de femmes et jeunes filles, en chantant le célèbre répertoire des chansons traditionnelles jebli. Comme c'est le cas pour les fêtes familiales et les travaux dans les champs, les ouvrières y lancent des youyous et Ayouy spécifiques de leurs douars. Et après avoir achevé les préparatifs de cette compétition équestre et le criblage du blé, «les femmes et les jeunes filles se réunissent entre elles et chez l'une des ouvrières pour la conception et la confection d'une poupée à l'aide de roseaux et de tissus», précise M. Boughaba. Selon l'ancienne tradition des douars pratiquant le jeu Mata, les ouvrières se réunissent aussi entre femmes et loin des yeux des hommes de leurs tribus pour habiller cette poupée, appelée communément Laaroussa. «Nous avons l'impression d'y préparer la mariée pour sa grande soirée de noces», témoignent les habitants de cette région. A l'instar des fêtes traditionnelles de mariage, les femmes et les jeunes filles vont procéder aussi dans la joie et la gaieté au maquillage du visage de la poupée. Celle-ci sera ensuite exhibée aux cavaliers et aux habitants des différentes tribus venus assister à cette compétition équestre. D'après les habitants, une journée toute entière sera consacrée à cet événement populaire. Les différentes étapes de cette compétition équestre se déroulent en général dans la matinée. Symbole de courage et de bravoure, les jeunes participants à cet événement seront déterminés à remporter le titre du meilleur cavalier de son douar et de ceux avoisinants. «Les jeunes doivent se maintenir sur le dos de leurs chevaux et disputer la poupée «Laaroussa». Un seul cavalier parmi eux réussira à l'arracher et la ramener à son village. Le gagnant sera célébré comme un grand héro et marié à la plus belle jeune fille de tous les villages prenant part à cette compétition», explique M. Boughaba. Après cette matinée consacrée au grand jeu, le public est invité à participer à la grande fête, qui se poursuit tout le reste de la journée et une grande partie de la soirée. Les habitants sont ainsi amenés à vivre ensemble de grands moments de convivialité et de chaleur, aux rythmes des chants, youyous et ayouy des femmes et jeunes filles. Ils sont invités aussi à partager les repas de la fête. «Ce qui consolide chez eux l'esprit de solidarité et de bon voisinage. On se quitte ainsi en se donnant rendez-vous pour la prochaine saison de moisson et pour une nouvelle compétition permettant le rassemblement des habitants de plusieurs douars», dit M. Boughaba, avant de poursuivre que la saison de moisson sera généralement suivie, dans ces régions, «de cérémonies de mariage et d'autres fêtes familiales, qui durent jusqu'aux prochains labours». Notons que pour la sauvegarde et la pérennité de ce jeu traditionnel, des militants associatifs locaux se mobilisent pour mettre en valeur la compétition traditionnelle de Mata. Comme c'est le cas de l'Association Alamia Laaroussia pour l'action sociale et culturelle et celle d'Al Ghomra pour la culture et le développement, qui ont réussi à créer deux festivals, portant le nom de ce jeu équestre, et organisés respectivement à Larbaâ Ayacha et Had El Gharbia. «C'est le meilleur moyen de mettre en valeur ce patrimoine historique et faire connaître les potentialités et les atouts de la région dans sa globalité», conclut M. Boughaba.