Peu de temps avant la prière d'El Asr, les employés du four de l'un des quartiers de Msala à Tanger commencent à accueillir les premiers plateaux de «calienté». C'est une rapide et délicieuse recette très connue dans la région du Nord dont les villes de Tanger, Tétouan et Assilah. Préparé à base de farine de pois chiches, «calienté» qui veut dire en langue espagnole chaud- est un plat très prisé tant en hiver qu'en été. «Nous recevons, chaque jour, et précisément peu de temps avant la prière d'El Asr, au moins trente plateaux de «calienté». La préparation de cette recette est très facile. Et la plupart de nos clients peuvent le préparer dans un coin que nous avons aménagé à cet effet. Sa cuisson doit être faite particulièrement dans les fours publics, qui fonctionnent au bois», précise Maâlam Si Lamine, qui travaille depuis près de trente ans dans un four public. Beaucoup de gens ont fait de la préparation et de la vente de ce petit délice gastronomique leur activité commerciale. Et bien qu'il soit un commerce plus pratiqué par les hommes, El Hajja Aïcha en a fait son métier et sa seule source de revenu. Elle pratique ce commerce depuis une trentaine d'années dans sa petite épicerie- située à Rass Msala- qu'elle a héritée de son défunt mari. Cette septuagénaire qui n'a rien perdu de son dynamisme a réussi, avec le temps, à fidéliser une large clientèle. D'ailleurs, elle est fière que ses clients, toutes catégories sociales, viennent des quatre coins de la ville de Tanger pour déguster son «délicieux calienté». «Nous sommes attirés par la propreté et la saveur de son produit. Je viens souvent pour manger un morceau de «calienté» seule ou avec mes enfants. Il m'arrive de rencontrer chez El Hajja un parent ou une amie que je n'ai pas vus depuis de longues années», confie Amal, une femme au foyer. La recette du «calienté» est très facile à préparer et peu coûteuse. Pratiquant des prix raisonnables, les vendeurs de ce produit qui sont en général sympathiques se disent disposés à donner à leurs clients la recette du «calienté. «Je trouve du plaisir à faire connaître la recette à mes clients. Je suis souvent sollicité par des clientes originaires d'autres villes marocaines en visite à Tanger. Elles sont surprises de la facilité et de peu d'ingrédients qui entrent dans la préparation de cette recette», explique Abdeslam El Ftouh qui pratique ce commerce depuis plus de vingt ans. Ce dernier poursuit qu'un «plateau de «calienté» nécessite un demi-kilo de farine de pois chiches, un verre d'huile, un litre et demi d'eau et un peu de sel. Nous pouvons y rajouter trois œufs pour obtenir une recette beaucoup plus savoureuse». Les vendeurs de «calienté» se trouvent notamment dans les quartiers populaires. Pour gagner plus d'argent, certains vendeurs ambulants se déplacent devant des cinémas, des établissements scolaires, des marchés, des administrations publiques et privées, … «Je peux, grâce à ce petit commerce, gagner ma vie et éduquer mes enfants. C'est l'une des recettes préférées pendant l'hiver. Mais j'en vends presque autant pendant les quatre saisons. Cette recette traditionnelle est de plus en plus appréciée par les touristes étrangers et les Marocains résidents à l'étranger (MRE)», révèle M. El Ftouh. Et de poursuivre : «Je vois le nombre de mes clients augmenter pendant la saison estivale. Les touristes et les MRE ont l'habitude, en été, et pendant leur séjour à Tanger, d'en acheter une grande quantité voire des plateaux entiers». Des anciens Tangérois et vendeurs de ce produit déclarent qu'il faut remonter plusieurs décennies en arrière pour connaître l'origine de cette recette. «Bien que cette recette porte le nom de «calienté», cela ne signifie pas que ce plat est d'origine espagnole. Ce sont les juifs qui ont habité, dans le passé, à l'ancienne médina qui avaient inventé cette recette. Et comme ils parlaient bien l'espagnol, ils lui ont donné le nom de «calienté». Leurs anciens voisins tangérois disent qu'à cette époque, les fours publics ne se désemplissaient pas, dans l'après-midi, de plateaux de «calienté» et «rkaka» préparés par les femmes juives», rapporte Maâlam Si Lamine. Des anciens habitants de la médina affirment, aussi, qu'à l'époque où Tanger était sous statut international, la préparation et la vente de «calienté» étaient pour ainsi dire pratiquées par des juifs. «Ils n'ont pas été aussi nombreux comme aujourd'hui. C'est pourquoi ils ont été connus par les habitants de la ville. Ils avaient l'habitude de vendre leur marchandise au petit Socco (Souk Dakhel), dans la rue de Tétouan ou à Msala. Mais il y avait un seul juif qui a réussi, à cette époque, à acquérir une réputation dans ce commerce. Il vendait «calienté» près du cinéma Capitol», dit M. El Ftouh. Pour les amoureux de la cuisine traditionnelle, qu'attendez-vous pour découvrir ce délice gastronomique peu coûteux et facile à préparer.