Un commerce spécifique aux Marocains, aussi ancien que les métiers à budget limité. Aussi, s'il se développe, il n'est pas pour autant synonyme de prospérité. Il est tout à fait familier dans chaque quartier de voir une boutique exposant des pois-chiches, des cacahuètes, des pistaches, des amandes et surtout les pépites noires de tournesol. Ces pipas maison sont très prisées par l'ensemble des consommateurs, notamment les enfants. Qui d'entre nous à un moment ou un autre n'a pas goûté de ces graines salées et croustillantes ? Avec le temps, le vendeur de pois chiches ajoute d'autres produits à son menu. Des friandises, des confiseries, des cigarettes en détail et des bouquins. Un étrange univers que représente la boutique des marchands de pois-chiches Oriolée, la plupart du temps de quelques posters représentant des figures emblématiques dans le génie marocain. Le prophète Sidna Ibrahim sur le point d'égorger son fils et l'ange Gabriel qui lui retient la main substituant l'enfant par un sacrifice plus adéquat qu'est le mouton. Le premier Aid Al Adha ! Ou encore Adam et Eve fraîchement éjectés du paradis… A côté de ces images légendaires, figurent des portraits d'anciennes stars de la musique occidentale, comme Elvis Presley, Jimmy Hendrix et certains groupes de l'époque du hippisme. Mais c'est la photo du roi du reggae que l'on retrouve souvent accrochée chez les vendeurs de pois chiches. Des romans que les clients peuvent rechanger après lecture à deux dirhams la pièce ainsi que des revues artistiques d'occasion. Mais l'essentiel de l'activité du vendeur c'est la préparation des pépites et autres céréales et légumineuses. Un fond de tonneau en métal, transformé grâce au génie de la débrouille, en chaudron parfaitement adapté à la cuisson des céréales. Du sable spécifique à la circonstance est versé à l'intérieur du gros récipient. Une fois chauffé, on y ajoute les pépites ou autres et l'on commence à tournoyer le tout à l'aide d'une petite plaque de bois. Avant, l'opération s'effectuait sur du charbon, explique Lahcen.H « mais avec le progrès nous utilisons aujourd'hui des fours à gaz ». Il faut dire que le tout se fait selon des normes manuels qui dépendent de la seule estimation du préparateur. C'est à coup d'œil qu'il s'aperçoit de la cuisson à point et non pas en fonction du timing. Idem pour saler les pépites. Il verse avec la main la quantité nécessaire et il ne se trompe jamais. « C'est un savoir faire, signale Lahcen, avec le temps on le fait de façon automatique ». Lahcen est originaire de Yghrem, province de Tata. Il a débarqué à Casablanca vers la fin des années 60 « Quand je pense au capital de fond avec lequel j'ai loué cette boutique… Cela n'équivaut même pas à un kilo de pistaches de nos jours ». Joignant l'utile au plus important, il aménage une partie de son lieu de travail pour y habiter. Selon lui, ce genre de commerce est pratiqué surtout par des gens originaires de l'axe Tata, Zagora, Ouarzazate. Après plus de trente ans de labeur, Lahcen a réussi quand même à avoir une baraque dans le bidonville de sidi Moumen, laissant le lieu aménagé à un membre de sa famille qu'il a fait venir pour l'aider.