Les anciens reprochent aux jeunes de déformer l'héritage des Abidat R'ma. Les jeunes insistent sur le fait qu'il faut l'adapter à la vie moderne. Explications… Abidat R'ma comprend deux mots. Le premier est un diminutif du terme esclave et le second désigne littéralement des archers. L'ensemble de la construction signifie les petits esclaves des archers. Ces derniers ne faisaient pas la guerre, mais partaient à la chasse, armés d'arcs et de lances. Les Abidat R'ma étaient donc à l'origine des rabatteurs qui organisaient des battues pour faire sortir le gibier. Leurs cris se sont peu à peu transformés en chants rythmés, et ils en ont fait une prestation artistique qui se perpétue de génération en génération. Les différents moqadems des groupes insistent sur l'aspect ancestral de cette musique. « Elle nous vient de nos aïeux. Les paroles se transmettent oralement. Elles louent le courage de certaines personnes pendant le protectorat et abordent des faits de société » dit Mohammed El Amrani, chef des Smaâla. Ce dernier accuse les jeunes de dénaturer le chant et les rythmes en les adaptant aux fêtes de mariage et aux soirées de divertissement. « Je crains que le chant et la musique des Abidat R'ma ne se déforment complètement de leur origine. Les jeunes ont le droit de les faire évoluer, mais ils ont besoin d'apprendre avec les anciens ». Nourredine Boukhlidi, un jeune chef du groupe Al Alma, insiste en effet sur la nécessité d'adapter cette musique à l'évolution de la vie sociale. Il signale que nombre des jeunes Abidat R'ma sont étudiants, ou petits employés, et que les spectacles qu'ils donnent sont une source de revenus non négligeable pour eux. Ils sont ainsi obligés de répondre au goût du public qui réclame des chansons rythmées et des acrobaties. Ils dévient de la sorte de la ligne tracée par les anciens. Ce qui engendre un petit conflit entre les deux générations. Les anciens sont furieux de voir les jeunes leur voler la vedette. L'année dernière, c'est une troupe de jeunes qui a représenté les Abidat R'ma au festival des arts folkloriques de Marrakech. Rizki Mohammed moqadem de la troupe de Kelaât Sraghna dit : « Cela fait quarante ans que nous nous battons pour perpétuer cette musique, et aujourd'hui, ce sont les jeunes qui récoltent les récompenses et qui sont montrés à la télévision. »