La deuxième journée du 3ème festival national des Abidat R'ma, organisé à Khouribga du 29 au 31 mars, n'a pas eu lieu. Le festival a été annulé en raison des événements de la Palestine. Cette annulation n'a pas empêché quelques personnes d'assister à une fête à huis clos. Samedi dernier, vers 17 heures, la place Al Moujahid de Khouribga a été investie par une foule immense. Les gens se sont déplacés de Oued Zem, de Fqih Ben Saleh et de Boujaâd pour assister au 3ème festival des Abidat R'ma du 29 au 31 mars. Une estrade a été dressée dans cette place pour accueillir les troupes. Recouverte de tapis de la région, cette scène promettait la fête aux assistants. Une musique chaâbie diffusée par de hauts parleurs les faisait patienter. Quelques femmes applaudissaient pour se réchauffer les mains en attendant l'apparition des troupes. Tout attestait une ambiance de fête, n'était l'impressionnant dispositif de policiers et des éléments des forces auxiliaires qui entouraient la place. Cette présence massive des agents de sécurité faisait peser une lourde menace sur la tenue des festivités. Mais tout semblait prêt pour le commencement, et la musique mettait en confiance les assistants. Ils ont été vite désillusionnés par un camion à benne de la municipalité qui a violé l'enceinte de la place. Les employés de la municipalité ont replié les tapis, décloué une à une les étoffes de tissus qui ornaient les planches, démonté les mâts des tentes qui devaient servir de loge aux troupes, enlevé les banderoles, arraché du sol les poteaux qui arboraient des drapeaux. En dix minutes, la belle scène richement décorée n'était plus qu'un amas de planches et de fers nus. Cette transformation a eu lieu devant les yeux incrédules des nombreuses personnes venues pour faire la fête. Un seul mot circulait : « le festival a été annulé ». Interrogé sur les raisons de cette annulation, un officier de police a répondu : « Il n'y aura pas de Abidat R'ma en solidarité avec le peuple palestinien. Il est inadmissible que nous fassions la fête tandis que nos frères tombent comme des mouches ». Cela n'a pas pour autant convaincu les personnes présentes. Quelques-unes se sont informées du lieu où résidaient les 24 groupes de Abidat R'ma. Et elles ont fini par le découvrir. Les troupes logeaient à l'internat de l'ISTA (Institut supérieur des technologies appliquées). Là, c'était la fête. Les sons de la musique la signalent de loin aux personnes qui passent à proximité de l'ISTA. Les groupes de Abidat R'ma se sont en effet emparés de la grande salle de cet établissement. Ils se sont relayés les uns aux autres pour se prouver qu'ils étaient les meilleurs. Armé d'une bassine en métal, un chef de groupe la battait par moments contre le sol, et d'autres fois contre sa tête. Il a ponctué ainsi le rythme endiablé des musiciens qui l'accompagnaient. Ils étaient au nombre de six, deux d'entre eux jouaient sur des plateaux en aluminium qui faisaient office de bendirs, deux sur des taârijas, un autre sur un vrai bendir et le dernier frappait avec un bout de fer un grand ciseau. L'homme à la bassine en fer dansait, faisait des acrobaties. Les autres groupes le regardaient faire. Deux personnes parmi les troupes présentes dans la salle avaient ceinturé leur front par une paire de cornes de bouc. La transe est intimement liée aux chants et danses des Abidat R'ma qui réactualisent des rites remontant aux Almohades. Les initiés qui ont pu assister à ces spectacles informels ont été très satisfaits de la prestation des acteurs, les autres sont restés longtemps à la place publique dans l'attente vaine d'une résiliation de l'annulation du festival. Ils n'ont eu pour consolation que le temps, beau, qu'il faisait ce soir-là.