Le cheptel marocain est largement suffisant en ovins pour couvrir la demande en abattage pour la fête du mouton de l'an 1428 de l'hégire. Sur une demande qui oscille entre quatre et cinq millions, l'offre serait de l'ordre de sept millions de têtes, selon le ministère de l'Agriculture et l'Association nationale des eleveurs des ovins et caprins. Les prix varieront selon la race, l'âge et le poids de l'animal, mais aussi du niveau des transactions de la dernière semaine. Selon plusieurs éleveurs de l'Oriental, ils se situent dans une fourchette allant de 1300 à 3000 DH. La tendance à la hausse ou à la baisse dépendrait aussi des pluies de ces derniers jours. En cas d'abondance des précipitations une grande partie des moutons de moins de deux ans restera dans les écuries ou sur les parcours pastoraux. Situation qui influencera sur les prix bas. Les ovins de plus de deux ans ne seront pas concernés par ce facteur pluviométrique du moment qu'ils sont destinés à la consommation. Ces prix seront vus à la baisse en cas de faible demande. Et c'est ce que redoutent les éleveurs. Quant aux prix de référence qui sont fixés par le département de l'Agriculture, ils seront aux alentours de 40 DH le kilo. Selon toute vraisemblance, les prix connaîtront une augmentation de plus de 200 DH par rapport à l'année précédente. Elle est due à la flambée qui touche les prix des aliments de bétails. Le quintal de blé est passé de 200 à 330 DH pour le beldi et 295 DH pour l'importé, le son de 40 DH les trente kilos à 100 DH, la féverole de 400 à 450 DH le quintal. L'orge a pulvérisé le record de 360 DH, la luzerne est passée de 40 à 60 DH le ballot, le maïs est vendu à 310 DH le quintal. De son côté, l'avoine est passée de 300 à 480 DH, alors que le foin a atteint les 65 DH au lieu de 40. Quant au pain sec, qui est ramassé par les enfants devant nos portes ; il est vendu à 60 DH au lieu de 30 le sac de 35 kg. Ces prix ont influencé ceux de l'élevage qui est passé de 4 ou 5 DH à 8 ou 10 DH / jour par ovin. Un mouton bien nourri consomme entre 250 et 300 DH par mois. A signaler que la période d'engraissement commence en juillet. «Un montant qui est revu à la baisse ou à la hausse selon le nombre d'ovins concernés», avance Mohammed Mazouze, un éleveur des Angads. Les recettes engendrées par ces transactions commerciales sont très importantes. Pour cinq millions de têtes vendues (avec une moyenne de 1700 DH l'unité) huit milliards cinq cent millions de dirhams feront bouger l'économie du cheptel. Une consistante manne financière pour le demi-million d'éleveurs qui attendent cette occasion pour arrondir leurs comptes et s'acquitter de leurs crédits. Il y a aussi le revers de la médaille, car plusieurs éleveurs avancent qu'ils n'ont jamais bénéficié des aliments subventionnés qui sont par principe destinés aux petits éleveurs, mais qui sont détournés par des spéculateurs qui achètent à prix subventionnés et vendent au prix du marché. «Les subventions dont on parle à la radio et à la télévision, nous, on ne les connaît pas», déclare Hmida Jarmile, un éleveur et vendeur de bétails de Berkane et qui désigne du doigt les responsables des distributions. Les principales races locales rustiques du parcours marocain sont le Beni Guil qui se trouve dans l'Oriental et qui est considéré comme l'une des meilleures races à viande. Le «Sardi» qui est acclimaté aux parcours pauvres des plateaux de l'Ouest est prisé pour son aspect. La race «Timahdite», dite aussi du Moyen Atlas, s'adapte parfaitement aux altitudes. La race «Boujaâd», qui porte le nom de sa région, est appelée aussi «Race jaune», en relation avec la couleur de sa tête «jaune». Quant à la race «D'man», qui se trouve au sud marocain, notamment dans les oasis, est appréciée pour sa faible teneur en graisse. Sur le plan du nombre, on recense quelque dix-huit millions de têtes d'ovins. Aïd El Kébir n'est pas seulement une affaire d'éleveurs et de consommateurs. Les intermédiaires font légions dans nos souks. Il leur arrive de réaliser des gains considérables. Le plus souvent, ils suscitent la flambée des prix en manipulant les opérations de vente. «Dupe est celui qui achète son mouton sans savoir s'il a affaire à un éleveur vendeur ou à un intermédiaire. La différence peut atteindre 300 DH lors d'une transaction de cinq minutes», indique Mohammed Drissi, commerçant de la place. De son côté, Ahmed Kaddouri, fonctionnaire, préfère acheter directement d'une écurie pour deux raisons : «Primo, pour éviter la spéculation stimulée par les intermédiaires durant les derniers jours et secundo, pour m'assurer un bélier sain, en le laissant dans l'écurie jusqu'à la veille de l'aïd». C'est pour une raison de commodité que la tendance actuelle des achats se concentre sur les écuries. Les habitants des immeubles et des maisons sans petit jardin ne peuvent se procurer le plaisir de garder une semaine ou dix jours à la maison le mouton de l'Aïd ave tout le rituel de henné et la joie des enfants , développe avec nostalgie une mère de famille. L'Aïd, c'est aussi l'occasion pour la prolifération de certains métiers saisonniers. Vendeurs de charbon, les connaisseurs en achat du mouton, les commerçants d'aliments de bétail, les aiguiseurs de couteaux munis de machines manuels ou électriques aiguisent couperet, couteau, machette, scie et hachoir. Les «hammala» ou transporteurs avec charrette ou un véhicule sans oublier les bouchers qui proposent leurs services pour cinquante ou cent dirhams le jour J.