Le chef du Parti de la Justice et du Développement (PJD), Abdelkrim El Khatib, considéré comme le garant de la ligne modérée de cette formation islamiste, a décidé de quitter ses fonctions. Lourde tâche pour son successeur. "J'ai fait mon temps et (...) je cède ma place aux jeunes", a annoncé le secrétaire général de l'unique parti islamiste marocain, dans un entretien accordé à Aujourd'hui Le Maroc, précisant qu'il a fait connaître sa décision aux instances de son parti le 20 mars dernier. Âgé de 84 ans, Abdelkrim El Khatib est un grand nationaliste doublé d'un monarchiste convaincu. Il est perçu comme le garant d'une ligne modérée. Médecin de formation, diplômé de chirurgie générale, M. El Khatib est le fondateur du Mouvement populaire démocratique et constitutionnel (MPDC), C'est en 1939 qu'il commença à s'intéresser à la situation politique du Maroc en particulier et des pays du Maghreb en général qui étaient sous la colonisation française. Il venait d'obtenir son baccalauréat et s'était installé en Algérie afin d'y poursuivre ses études en médecine. Ainsi, dès son retour au Maroc en 1950, après quelques années d'études en France, il intégra la résistance nationale à Casablanca où il avait ouvert un cabinet médical. Après quatre ans d'action clandestine en compagnie des résistants comme feu Mohamed Zerktouni, il dut quitter le pays après avoir été découvert par les autorités françaises. En avril 1955, il assuma la direction de l'Armée de libération. Après l'Indépendance, il dirigera l'opération de l'intégration des membres de l'Armée de libération dans les Forces armées royales sous l'égide de Feu Hassan II alors Prince héritier et chef d'état-major général. En 1957, il crée en compagnie de Mahjoubi Ahardane le Mouvement populaire. Et c'est sous cette couleur politique qu'il sera nommé ministre de l'Emploi en 1959, puis ministre de la Santé en 1961. En 1963, il sera le Premier président de la chambre des représentants dans l'histoire du législatif marocain. Mais, son opposition à la proclamation de l'état d'exception décrété par Feu Hassan II en 1965 lui coûtera l'expulsion des rangs du MP. Ce n'est qu'en 1967 qu'il marquera un retour en force avec la création d'un nouveau parti : le Mouvement populaire démocratique constitutionnel (MPDC) à partir duquel a été créé le PJD en 1998 avec notamment l'arrivée des membres du Mouvement islamiste Unité et Réforme (MUR), un mouvement considéré comme plus radical... Le secrétaire général voulait être l'homme par qui arrive la fédération de la mouvance islamiste marocaine dans un grand ensemble cohérent et soudé. Mais les dirigeants du MUR ont fait "une OPA sur le parti en lui faisant prendre (...) des positions extrémistes à l'opposé de ses principes fondateurs". Ainsi, une nouvelle ère va s'ouvrir au sein du parti islamiste qui connaîtra assurément une guerre interne entre une minorité de l'ex-MPDC et une majorité du MUR. Le successeur d'Abdelkrim El Khatib, Saâd Eddine Othmani, actuel secrétaire général adjoint issu du MUR, aura la tâche difficile pour occuper une place laissée vacante par El Khatib. Mais l'ensemble des observateurs s'accordent à penser que les deux hommes, même s'ils ont deux styles différents, ont assurément le même charisme.