Aujourd'hui, Marrakech est la star de l'actualité économique. La ville ocre accueille, à l'occasion de la commémoration du 20ème anniversaire de la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), une conférence des ministres du commerce africains sous le thème «20 ans de l'OMC : célébration des succès, et défis pour l'avenir». L'événement n'est pas des moindres. Le chef de gouvernement Abdelilah Benkirane, le directeur général de l'OMC, Roberto Azevêdo, le ministre de l'industrie, du commerce, de l'investissement et de l'économie numérique, Moulay Hafid Elalamy, sont autant de noms qui prennent part à cette conférence de deux jours. De même, l'événement connaît la participation d'une trentaine de panélistes de haut niveau, de représentants des autres organisations internationales chargées du commerce, des finances et du développement ainsi que des parlementaires et d'éminentes personnalités du monde diplomatique et académique. En tout, ce sont près de 300 représentants du secteur privé et de la société civile qui sont actuellement en conclave à Marrakech avec, à l'ordre du jour, plusieurs panels et débats. L'événement est de taille et offre l'occasion de faire le point sur les vingt ans de participation de l'Afrique au système commercial multilatéral incarné par l'OMC. La facilitation des échanges : Une priorité… L'accord sur la facilitation des échanges est l'un des principaux acquis de la 9ème Conférence ministérielle de l'OMC qui s'est tenue à Bali en décembre 2013 et constitue le premier accord de l'Organisation depuis la conclusion des accords de l'Uruguay Round. Selon différentes analyses, il est attendu que l'application de cet accord génère plus de 400 milliards de dollars en termes d'échanges commerciaux mondiaux. C'est ainsi que la conférence de Marrakech est l'occasion idoine pour débattre de ce sujet, sachant que compte tenu des difficultés de mise en œuvre de cet accord et des inquiétudes qu'il soulève parmi certains pays en développement, les membres de l'OMC ont convenu que les pays en développement (PED) et les pays les moins avancés (PMA) définissent leurs propres dates de mise en œuvre. Ils ont également prévu un volet d'assistance technique et financière pour accompagner les PED et PMA dans la mise en œuvre des dispositions dudit Accord. Le système commercial multilatéral en débat Le système commercial multilatéral confère un «Etat de droit commercial» à la communauté des affaires, en garantissant un commerce sans discrimination, une libéralisation progressive et par voie de négociation, de la prévisibilité grâce à la consolidation de la transparence ainsi qu'une concurrence loyale. Cependant, compte tenu de l'évolution de l'environnement économique mondiale et des contraintes rencontrées par les PME africaines, un certain nombre de questions s'impose à l'ordre du jour de la Conférence de Marrakech. On en citera celle de la stratégie nationale et régionale pour le développement des entreprises et leur intégration dans les chaînes de valeur mondiales et celle des marges de manœuvre des PED en matière de politiques commerciales à même de permettre l'amélioration de la compétitivité de leurs entreprises et leur développement économique.
Quatre débats à ne pas manquer
L'aide au commerce sous la loupe L'initiative aide pour le commerce a été lancée lors de la 6ème Conférence ministérielle de l'OMC, qui s'est tenue à Hong Kong en 2005. Cette initiative vise à aider les PED à augmenter leurs exportations de biens et services, à mieux s'intégrer au système de commerce multilatéral et à profiter de la libéralisation du commerce et d'un meilleur accès sur les marchés à travers le financement des programmes de développement. Au niveau mondial, cinq pays africains (Egypte, Ethiopie, Ghana, Maroc et Tanzanie) figurent parmi les dix principaux bénéficiaires de l'aide pour le commerce. C'est ainsi que la Conférence de Marrakech est l'occasion de débattre des moyens à même de permettre à l'initiative de l'aide pour le commerce d'atteindre les objectifs qui lui ont été assignés tout en prenant en considération les préoccupations des pays africains. Les chaînes de valeur mondiales en 6 questions Le concept des «chaînes de valeur mondiales» (CVM) incarne la mondialisation de la production facilitée largement par la levée des barrières au commerce, l'intégration des marchés internationaux et l'optimisation géographique ainsi que l'exploitation des progrès des nouvelles technologies. Cependant, plusieurs questions suscitent le débat sur les moyens d'assurer une remontée dans les chaînes de valeur mondiales et régionales : - Quelles politiques adopter pour favoriser les liens de partenariat entre les entreprises locales et les entreprises multinationales ? - Comment aider les entreprises africaines à participer aux chaînes de valeur mondiales ? - N'est-il pas judicieux de faire de l'intégration régionale et l'encouragement des flux d'investissements entre pays et régions africains un facteur de la promotion des chaînes de valeur régionales? - Quels genres de partenariat entre pays africains pour permettre au continent d'occuper une place importante dans les CVM ? - Quels secteurs productifs faut-il développer davantage pour assurer une bonne intégration de l'Afrique dans l'économie mondiale ? - De quelle manière le transfert de technologie permettra-t-il aux entreprises africaines la remontée des chaînes de valeur et le développement de leurs activités ?
Enjeux de la libéralisation Produits agricoles L'agriculture a été et sera certainement l'un des sujets les plus importants des négociations multilatérales commerciales conduites sous les auspices de l'OMC. Cette réalité découle des enjeux économiques et sociaux qu'incarne ce secteur, notamment pour les pays en développement. Les échanges extérieurs agricoles sont régis par l'Accord sur l'agriculture de l'Uruguay Round qui a permis, malgré les multiples clivages des positions de négociation, d'aboutir à un équilibre en instaurant une certaine discipline dans les échanges internationaux agricoles et en limitant l'utilisation de politiques agricoles pouvant avoir des distorsions sur le commerce mondial. Cependant, cet équilibre s'avère difficilement soutenable à la lumière de l'évaluation de la mise en œuvre de l'Accord sur l'agriculture et les impératifs du développement imposés par le cycle de Doha. C'est dans ce contexte que la Conférence de Marrakech ouvre grand le débat sur la question. Produits industriels La libéralisation du commerce des produits industriels dans le cadre de l'Uruguay Round a atteint des niveaux importants en matière de baisse des droits de douane et de réduction des obstacles non tarifaires, ce qui a considérablement amélioré l'accès aux marchés pour ces produits. Cependant, les PED et les PMA africains sont loin de tirer profit de ce processus puisque le poids de l'Afrique tout entière dans la production manufacturière mondiale ne dépasse pas 1,1%. D'un autre côté, toute libéralisation accrue des échanges des produits industriels, sans prendre en considération les spécificités et intérêts de ces pays, risque de mettre en difficulté leurs équilibres économiques et leurs industries nationales, souvent bien fragiles. Voilà donc un des sujets épineux qui sera à l'ordre du jour de la Conférence de Marrakech.